dimanche 2 décembre 2007

Le grand retour d'un cardinal

Le cardinal Nicholas Patrick Wiseman,
un daguerréotype pris entre 1844 et 1860 et conservé en l’état à la bibliothèque du Congrès à Washington.

Le cardinal Wiseman est une des grandes figures de l'Eglise au XIXe siècle. Il a été largement oublié alors qu'on lui doit la renaissance du catholicisme en Angleterre.

Premier cardinal à écrire un roman, Wiseman connaîtra avec Fabiola, une histoire édifiante se déroulant dans la Rome des catacombes, un succès mondial. Inconnue aujourd'hui, cette œuvre a joué pourtant un rôle important dans l’éducation de nombreuses générations de catholiques. Elle fait un retour inattendu en Espagne aux éditions Homolegens.



Fabiola
Nicholas P. Wiswman

Homolegens, 436 p., 19,90 euros, ISBN: 978-84-935182-9-5



Aventures de l’histoire, sous la plume de Keith Beaumont consacrait quelques lignes à ce prince l’Eglise à l'occasion d'un article consacré au cardinal John Henry Newman :

Trois hommes, qui devinrent tous cardinaux, jouèrent un rôle de premier plan dans cette « renaissance » du catholicisme en Angleterre : Nicolas Wiseman, John Henry Newman et Henry Edward Manning. Deux d’entre eux, Newman et Manning, vinrent des rangs de l’anglicanisme, et le troisième, Wiseman, quoique né dans une famille catholique, fit toute sa formation en dehors de l’Angleterre.

Un Anglais de Séville

Né à Séville de parents anglais et irlandais, Nicolas Wiseman (1802-1865) avait un esprit ouvert et cultivé, et une personnalité charismatique et attachante. Il fit ses études au Collège anglais (séminaire) de Rome dont il fut nommé recteur en 1828 à l’âge de 26 ans seulement. Il y rencontra Newman en 1833 lors du voyage de ce dernier en Italie, et suivit avec intérêt et sympathie le Mouvement d’Oxford. Il fit, au cours de séjours en Angleterre, de nombreuses conférences et fonda, pour faire pièce au British Critic, la revue des partisans du mouvement d’Oxford, la Dublin Review pour expliquer et défendre les idées catholiques. En 1840 il fut nommé coadjuteur du vicaire apostolique du district des Midlands et s’installa en Angleterre où il continuait à suivre avec passion le mouvement d’Oxford, tout en travaillant à mieux faire connaître aux Anglais le vrai visage du catholicisme à la place des caricatures courantes alors. Ce fut la lecture par Newman en 1839 d’un article de Wiseman publié dans la Dublin Review, consacré à l’hérésie donatiste en Afrique du Nord au ive siècle, qui porta l’un des premiers coups à sa confiance dans la « catholicité » de l’Eglise anglicane, le conduisant à se demander si celle-ci ne se trouvait pas dans une situation de schisme à l’égard de l’Eglise universelle. Wiseman y citait une formule de saint Augustin, Securus judicat orbis terrarum, que Newman (en amplifiant les paroles d’Augustin) traduisit ainsi : « le Jugement délibéré auquel l’Eglise entière finit par donner sa confiance et son assentiment, c’est une prescription infaillible et une sentence définitive contre les membres de l’Eglise qui protestent et qui se séparent » (1). Ce fut Wiseman aussi qui confirma Newman et ses compagnons dans l’Eglise catholique et qui les accueillit en 1846 dans l’ancien collège d’Oscott (renommé avec bonheur par Newman Maryvale, « Vallon de Marie ») à dix kilomètres de Birmingham. Et ce fut lui qui, le premier, orienta Newman vers l’Oratoire de saint Philippe Neri, même si ce choix fut entièrement celui de Newman après une longue période de réflexion.
Nicholas Wiseman fut ensuite nommé vicaire apostolique de Londres, où il devint rapidement le membre le plus influent du clergé catholique anglais, et en 1850, lors de la restauration de la hiérarchie catholique, il fut nommé cardinal archevêque de Westminster et primat de l’Eglise catholique en Angleterre. Ce fut lui qui rédigea la lettre pastorale flamboyante, datée « Hors la porte Flaminienne de Rome » qui suscita tant alors la colère de l’Angleterre anglicane et protestante. Ce fut une gaffe diplomatique de premier ordre, et Wiseman, se rendant compte de son manque de tact, dut rédiger et publier un « Appel au peuple anglais » qui fut un modèle de modération et de diplomatie lequel réussit à rétablir le calme.

Caricature publiée en 1850 par l’hebdomadaire satyrique Punch qui dépeint le pape Pie IX tentant de forcer la porte d’une église avec un pied de biche portant l’inscription « archevêché catholique de Westminster » pendant que le cardinal Wiseman surveille les alentours.

Persuadé, comme Newman, que l’une des grandes faiblesses des catholiques anglais était leur éloignement depuis trois siècles de la vie intellectuelle de la nation, il se lança dans une campagne de conférences sur des sujets divers. Son succès de conférencier lui valut une certaine popularité. Débordant d’énergie, s’appuyant volontiers sur les « convertis », en l’espace de deux ans il rétablit dans son diocèse dix congrégations ou ordres religieux. Sous son impulsion, le catholicisme commençait à prendre un essor inconnu en Angleterre depuis trois siècles. Malheureusement, malgré son exubérance, son accueil chaleureux et son ouverture d’esprit, il était d’une inaptitude administrative qui devint légendaire (on a dit de lui que son « élément naturel » était celui d’un « chaos créatif »).



Fabiola ou l'Église des catacombes
Wiseman, Nicholas Patrick
Presses pocket, 480 p., traduit de l'anglais par Richard Viot, introduction, commentaires et index par Claude Aziza, notes, biblio (Paris, 1984), ISBN 2-266-01437-4.


John Henry Newman
Keith Beaumont
Desclée de Brouwer, 180 p., ill., biblio., 14,50 e, ISBN 2-220-05567-1.

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