Le journal officiel du royaume d'Espagne a publié la très controversée loi intitulée « de la mémoire historique ». Paradoxalement, c'est la gauche espagnole qui est la victime d'un étrange phénomène d'amnésie comme le démontre le récent ouvrage ¿Por qué fracaso la II Republica ? Historia documentada de sus errores (Altera, 2007) de l'auteur espagnol José Antonio Navarro Gisbert.
Dans les rues de Madrid, il est un moyen infaillible d’identifier la couleur politique d’un défilé politique. Les manifestants de droite arborent en grand nombre des drapeaux espagnols sang et or. Leurs homologues de gauche agitent des drapeaux de Cuba, du Vénézuéla de Chavez, da la Catalogne ou du Pays basque. En revanche, pas un seul drapeau espagnol à l’horizon en dehors de quelques drapeaux républicains.
Ce refus du sang et or n’est pas le résultat d’une consigne officielle mais plutôt le révélateur d’un état d’esprit.
La gauche espagnole a du mal à digérer son passé. Sa responsabilité écrasante dans le déclenchement de la guerre civile lui pèse, mais lui pèse encore davantage d’avoir déclenché à dessein une guerre et de l’avoir perdue. Amenant avec la défaite l’avènement d’un régime autoritaire qui l’a exclue des prébendes du pouvoir durant plus de quarante ans.
La gauche adore se pencher ad nauseam sur l'histoire des fascismes pour tirer des arguments utiles à son combat politique. Voilà pourquoi on trouve des bibliographies interminables sur l'Espagne de Franco et la guerre civile. En revanche, on cherche en vain une histoire de la Seconde République espagnole, ce régime délétère qui, de 1931 à 1939, conduisit le pays à la tragédie de la guerre civile. Cette réticence des historiens est bien compréhensible : ils seraient obligés de révéler une réalité en complète contradiction avec le mythe complaisamment entretenu par la gauche.
Or ce mythe se porte bien. En avril 2006, à la tribune du parlement espagnol, le premier ministre Zapatero dressait un panégyrique de la République. Un peu plus tard, dans un colloque international organisé à Madrid, des intellectuels à la mode ont paré ce régime de toutes les vertus et accablé ces misérables militaires rebelles qui, en se soulevant, ont réduit à néant l'espérance de liberté de tout un peuple. C'est très beau, mais c'est faux.
Il est frappant de constater à quel point les universitaires et intellectuels de gauche ne s'intéressent aux faits que dans la mesure où ils confortent leurs schémas de pensée. Or, il suffit de lire les souvenirs des hommes politiques de gauche et de compulser les collections des journaux d'alors pour prendre conscience de la nature perverse de cette république, un sinistre régime de partis dans un pays sans état.
Face au refus des historiens de métier de s'intéresser à ces années tragiques de l'histoire de l'Espagne, les éditions Altera ont publié le gros volume écrit par un journaliste féru d'histoire et résolu à comprendre les raisons de l’échec de cette République promise au plus bel des avenirs.
En 1931, l’instauration de la république fut saluée avec enthousiasme dans une Europe qui semblait promise aux totalitarismes rouge et brun. Pourtant, à peine cinq ans plus tard, l’Espagne attirait à nouveau l’attention du monde, mais cette fois en se signalant comme le seul régime partlementaire qui s’est décomposé de l’intérieur et qui a débouché dans une cruelle guerre civile.
Cette rapide décomposition demeure mystérieuse car peu d’historiens cherchent à en comprendre les mécanismes.Cette réticence se comprend mieux quand on découvre au fil des pages de ce fort volume, bien rédigé et exhaustif, à quel point les forces de la gauche ont tout fait pour le détruire de l’intérieur.
Paradoxalement, la monarchie est morte d'une victoire électorale. Remportant la majorité des voix aux élections municipales, les partis monarchiques avaient néanmoins perdu les grands centres urbains. Effrayé par la menace des partis marxistes da gagner par l’émeute les élections qu’ils avaient perdues dans les urnes, le roi s'enfuit en abandonnant sa famille dans un palais déserté.Après des mois de bourrage de crâne républicain par les intellectuels comme Ortega y Gasset, Marañon ou Perez de Ayala qui voulaient faire de l’Espagne une démocratie libérale, personne ne descend dans la rue pour défendre Alphonse XIII. La république gagne par abandon de son adversaire.
Un mois plus tard, les partis de gauche donnaient l'ordre à leurs militants de commencer à incendier les églises dans le but de créer une stratégie de tension à même de favoriser une révolution marxiste. Cette stratégie délibérée allait connaître un premier épisode sanglant quand en 1934, le Parti socialiste, plus enragé et plus révolutionnaire que le Parti communiste, déclenchait un soulèvement ouvrier dans les Asturies, noyée dans le sang par l'armée sous les ordres du général Franco (dont un des officiers n'était autre que le grand-père du premier ministre Zapatero).
La gauche voit dans l'instauration du régime républicain le moyen d'engager le processus révolutionnaire qui va conduire à faire de l'Espagne une république socialiste sur un modèle soviétique. L'incendie des églises et des couvents qui commence à peine un mois après la proclamation de la République n'est au yeux des chefs socialistes qu'une mise en bouche pour mettre en appétit les masses populaires et effrayer les possédants
Le tournant de février 1936
Cruel paradoxe de l'histoire, le gouvernement socialiste d'aujourd'hui est l'héritier direct de parti socialiste de 1936 qui publiait dans sa presse : « Nous sommes déterminés à faire en Espagne la même chose qu'en Russie ».
La modération du programme du Front populaire en 1936 cachait le fait que la majorité des partis le composant avait inscrit dans leurs programmes l'instauration d'une république de classes et la nationalisation de la terre et de la banque.
La presse socialiste écrivait : « disons-le : 1936 sera une année révolutionnaire. Rien ne va s'opposer à ce que nous voyons cette année le commencement de la révolution qui ne peut avoir lieu lors de la chute de la monarchie . »
Il est difficile d'imaginer les mois qui précédé le déclanchement de la Guerre civile.De janvier à juillet 1936, l'Espagne a vécu dans une guerre civile virtuelle, où toutes les composantes de la société espagnole sentent que le passage de l'affrontement politique à l'affrontement armé n'est qu'une question de jours.
Surs de leur force, les partis de gauche font tout pour accroître la tensions et pousser la droite à la faute. Ils rêvent d'un « pronunciamiento » d'une fraction de l'armée qui permette de déclencher une répression féroce contre toutes les forces de droite, des libéraux aux Phalangistes en passant par les catholiques et les monarchistes. Un puputsch, voilà ce qu’il faut à la gauche pour liquider le régime parlementaire.
Les différentes composantes de la droite ont compris qu'il ne leur reste aucune possibilité constitutionnelle pour arrêter le processus révolutionnaire.La constitution, le parlement, les élections, ne sont plus que des illusions entretenues par un gouvernement de gauche qui n'attend que le moment opportun pour instaurer une dictature marxiste.
La gauche contre la démocratie
En réalité, contrairement à ce qu’affirme la propagande marxiste new look dont vous êtes abreuvés, la guerre d’Espagne est le résultat de deux coups d’Etat successifs.
Le Parti socialiste (l’ancêtre direct de celui qui est aujourd’hui au pouvoir en Espagne) ne supporte pas que la république s’embourgeoise et se rapproche des modèles parlementaristes de l’Europe du nord. Le meilleur moyen de renverser le régime est de déclencher un soulèvement ouvrier. Il est déclenché en octobre 1934 contre un gouvernement de droite absolument légitime et respectueux des institutions. Cette révolte armée est planifiée dès le départ comme une guerre civile dans le but d’imposer par la terreur un régime de type soviétique et par les nationalistes pour obtenir l’indépendance de la Catalogne. Ce coup d’Etat reçoit l’appui des communistes, d’une partie des anarchistes et des républicains de gauche mais échoue au bout de deux semaines en laissant sur le carreau 1 400 victimes et de très nombreux dégâts matériels.
Ayant assimilé les leçons de l’échec de 1934, le second coup d’Etat contre la démocratie est déclenché après les élections de février 1936 que le front populaire une victoire marginale. De l’aveu même de Manuel Azaña, le dirigeant de gauche qui prend alors le pouvoir, ces élections avaient été entachées par de nombreuses violences et par de graves irrégularités.
Les partis de gauche, après la proclamation des résultats, cherchent à gagner par l’émeute les élections qu’ils n’avaient pas été en mesure de remporter nettement dans les urnes. Pendant ce temps, le nouveau gouvernement destitue le président de la république Alcala-Zamora, prive de leur mandat des députés de droite, épure la haute fonction publique, supprime l’indépendance de la justice et laisse faire les émeutiers lesquels en trois mois ont causé de plus de 300 morts, brûlé des centaines d’églises, mis à sac des journaux, des centres culturels et politiques, etc. Quand les hommes politiques conservateurs, modérés comme Gil-Robles ou plus musclés comme Calvo Sotelo, mettent en demeure le gouvernement de faire respecter la légalité républicaine, les élus de gauche comme la sinistre Pasionaria les menacent de mort depuis les bancs même du parlement.
La destruction programmée de la légalité républicaine par les partis de gauche et la décomposition totale de l’Etat sont apparues aux yeux de tous quand un détachement mixte de policiers en uniforme et de miliciens socialistes enlève à son domicile puis assassine le député Calvo Sotelo après avoir échoué dans une tentative similaire à l’encontre de Gil-Robles. Ce crime est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et qui pousse à la rébellion une partie de l’armée. Au cours des semaines précédentes, la tournure prise par les événements avait encouragé certains militaires à préparer une riposte à la violence des partis de gauche, mais ils étaient très réticents à se lancer à l’aventure notamment en raison de la très grande probabilité d’échec (qui fut à deux doigts de se produire).
Le livre Jose Antonio Navarro Gisbert nous rappelle que ce n’est pas le soulèvement militaire qui a détruit la démocratie en Espagne. C’est la destruction organisée de la démocratie par les partis de gauche radicalisés qui a déclenché la guerre. Ce conflit qui a déchiré l’Espagne n’a pas vu l’affrontement de démocrates contre des fascistes, mais a mis en scène la lutte à mort entre des totalitaires de gauche et des autoritaires de droite.
Gregorio Marañon a eu ce commentaire lucide et non dénué d’amertume : « Mon amour et mon respect de la vérité m’obligent à reconnaître que la République espagnole fut un échec tragique ».
¿Por qué fracaso la II Republica ?
Historia documentada de sus errores
José Antonio Navarro Gisbert
Altera, 700 p., notes, index, 28 e, ISBN 84-89779-92-9. Disponible sur www.alterra.net
samedi 29 décembre 2007
La mort d’une république inviable
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