jeudi 27 décembre 2007

La traite compassionnelle

Hier, la Cour criminelle de N'Djamena (anciennement Fort Lamy) ont condamné à huit ans de travaux forcés six Français pour enlèvement d'enfants et corruption de leur identité. Ce verdict est une bonne nouvelle pour l'Afrique et pour l'Europe. Bien sûr, dit comme cela, sans précautions oratoires, cette affirmation risque de hérisser le poil de nombreux internautes.
Pourtant, il est temps d'arrêter le délire compassionnel qui pousse de nombreux Européens à croire qu'ils ont pour mission de sauver de petits Africains en les arrachant à leur continent, à leur pays, à leur famille, pour leur offrir une « vraie » vie dans une banlieue pavillonnaire française.
L'arrogance insupportables des zozos de l'Arche de Zoé n'est en rien différente de celle des colonisateurs venus apporter la civilisation au continent noir. Elle n'était pas très différente de celle de ces commerçants de Nantes ou de Liverpool venus offrir une « vie meilleure » dans des plantations américaines à des milliers d'Africains mis en esclavage par leurs propres frères de race. Cette arrogance est partout, dans la presse, dans les commentaires des hommes politiques français. Elle suscitait l'amertume de nombreux Tchadiens comme par exemple celle de Bello Bakary :

Donc, Eric Breteau, président de la nébuleuse Association Arche de Zoé, s'apprêtait à embarquer, en octobre dernier 103 enfants, pour la France. Pour lui et ses amis, il n’y a rien là. Aucun crime commis. C’est juste une action humanitaire. Le Tchad et ses lois ça ne compte pas. Les parents de ces enfants, ça n’a pas d’importance. Les Tchadiens ne sont que des arriérés vivant en dehors de l’humanité.

Au fait, Éric Breteau et ses acolytes n’ont pas tort. Le Tchad est un pays en déliquescence. L’État n’existe pas. Il n’assure pas à sa population les besoins de base : l’Education, la santé, la sécurité. Alors le premier aventurier qui se présente, pour pallier à l’absence de l’État, on lui fait confiance. Non pas parce que la population veut se débarrasser des enfants. Mais parce que comme tout parent, ils souhaitent un futur meilleur à leurs progénitures. C’est ce qui est arrivé dans « l’affaire Arche de Zoé ». Surtout que cette association a promis une éducation aux enfants. Éric Breteau et ses compagnons ont trahi les enfants et leurs parents.
Venus sauver des orphelins du Darfour en les remettant à des familles françaises en marge de la la loi et en échange d'espèces sonnantes et trébuchantes, la bande à Zoé s'est rabattue sur des enfants de familles pauvres du Tchad en leur mentant. Les parents ont raconté comment cela s'est passé à la barre du tribunal :

Les cinq pères entendus à la barre assurent pourtant être Tchadiens et n'avoir jamais su que l'association recherchait des orphelins soudanais. 
"Les Blancs ont volé les enfants pour les emmener en France", a ainsi lancé un père qui a confié l'un de ses fils à deux intermédiaires à Tiné, ville frontalière du Soudan. "On nous disait qu'ils allaient les mettre à l'école à Abéché (est). Ils ont trompé notre confiance pour voler les enfants". 
Les récits des parents, dont les propos en dialecte sont traduits par un interprète, sont similaires. Un père, vêtu d'une djellabah et d'une toque blanches, raconte avoir confié ses enfants au marabout soudanais Souleïmane Ibrahim Adam, jugé pour "complicité d'enlèvement" et accusé par le président de L'Arche de Zoé Eric Breteau d'avoir menti en présentant les enfants comme des orphelins du Darfour. 



"Souleïmane a emmené les enfants dans une charrette vers Adré (autre ville frontalière) pour les scolariser. Mais quand nous sommes allés les voir à Adré, ils étaient déjà partis à Abéché", témoigne-t-il. 

"Les avoir emmenés à Abéché est déjà contraire à ce qu'ils avaient promis. C'est du vol d'enfants", tranche aussitôt un avocat des parties civiles. 
La défense revient alors sur la nationalité et la filiation des enfants, dont les Français sont accusés d'avoir "compromis l'état civil".
L'histrion primus inter pares du barreau français, Gilbert Collard n'a pas manqué une occasion de se faire remarquer :

Avec insistance, Me Gilbert Collard demande à un père s'il dispose des actes de naissance de ses enfants. 
"Non", répond celui-ci. 
"Comment peut-on compromettre un état civil quand il n'y en a pas", s'exclame alors l'avocat français, immédiatement recadré par les magistrats de la Cour qui s'emploient à lui expliquer que, dans les "régions reculées" dont sont originaires ces familles, l'acte de naissance est un document très rare. 
"Je suis surpris que la défense devienne aussi légaliste alors que les enfants allaient être emmenés en France sans aucune autorisation", rétorque le procureur général Beassoum Ben Ngassoro. 
"De la même façon, nous demandons à la défense de présenter les actes de décès attestant que les enfants sont orphelins", renchérit un avocat des parties civiles.
Cette « traite compassionnelle » fait partie d'un phénomène migratoire plus vaste qui prive dangereusement l'Afrique de ses enfants les plus aptes à participer au développement du continent. Voici ce qu'écrit un chercheur africain à ce sujet :

Les pays manqueront, inéluctablement, d’un capital humain de matières grises locales, suffisant pour faire face aux défis, tels que l’éducation, la lutte contre les maladies ou la lutte contre la pauvreté.

Avec l’exode de ses cerveaux, les pays africains souffrent du capital humain insuffisant, de matières grises, qui normalement s’avère aussi, efficace, en terme de propositions locales, de formation d’élites locales ou des cadres, pour permettre la continuité du savoir et de la connaissance, et donc, s’assurer de la relève de l’intelligentsia de demain, par la transmission de savoir.

Or, l’indépendance économique et le développement d’un pays dépendent de la capacité de s’organiser, autour de son potentiel humain bien formé, et, en conséquence, sa fuite, constitue un désastre économique qui compromet au développement économique, social et culturel des pays

Dans le cas d’espèce du manque de disponibilité constante et suffisantes des cerveaux, les associations, peuvent, difficilement, disposer des cerveaux bénévoles ou volontaires, nécessaires, pour aider les régions où les populations désireuses, d’un pays, dans des domaines, aussi variées, comme la médecine, l’enseignement…

Par ailleurs, il existe dans certains pays riches, des réseaux qui se sont constitués, pour exploiter les cerveaux étrangers à des salaires moins rémunérateurs, ce qui permet de réaliser à court terme, la réalisation de la valeur ajoutée de certaines entreprises malveillantes, en exemple, certaines entreprises recrutent des africains à des postes moins qualifiés et au fil des temps, on lui confie des taches qui nécessitent des connaissances. L’administration française aussi, est sur la ligne de mire, elle ne rémunère pas au même niveau les diplômes étrangers et les diplômes français dans l’enseignement et surtout dans la médecine. Dans ces deux cas, la fuite des cerveaux devient un désastre, pour l’individu surtout, sur le plan psychologique
L'adoption internationale ne se compare en rien à l'achat d'un animal de compagnie. C'est un acte grave aux conséquences qui peuvent être dramatiques pour l'enfant concerné et pour sa famille. Il serait bien mieux d'encourager les formules de parrainage pour maintenir les enfants au sein de leurs communautés tout en contribuant à l'amélioration globale de la situation de la famille.

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