mardi 30 octobre 2007

Pourquoi Manhattan ?

J'ai toujours été étonné par le fait que le programme de recherches ayant permis la mise au point de la première munition atomique se soit appelé « Manhattan ». Dans son édition d'aujourd'hui, le New York Times en révèle les raisons.




La bombe « Little Boy » préparée pour son embarquement pour le Pacifique en 1945.



Les interrupteurs du circuit de mise à feu de la bombe retrouvés dans le B-29 Enola Gay lors de la restauration de ce bombardier quadrimoteur.

vendredi 26 octobre 2007

Une idée toute simple


Carnet du certificat d'études
Les annales et corrigés
De Borée, 92 p., ISBN 978-2-84494-648-5.

A l'origine d'un bon livre, on trouve bien souvent une idée simple. Quoi de plus élémentaire que de reprendre les annales et les corrigés du certificat d'études et de les confronter à des lecteurs contemporains ?
La comparaison entre le niveau culturel exigé des enfants voici quelques années avec celui de la génération actuelle est éclairant.
Certes, il serait très facile de souligner les insuffisances de nos enfants, mais d'un autre côté ces lacunes sont le reflet de priorités qui évoluent avec le temps.
Grâce aux collections du musée de l'école rurale d'Auvergne, l'éditrice Marie-Paule Zierski et le graphiste Franck Tremblay ont réussi un fort joli livre, bien imprimé et bien relié, pour un prix modique de 9,90 euros.
Dix sujets différents du « certif » de 1954 sont proposés. Chacun comporte une courte dictée, des questions, des calculs, de l'histoire, de la géographie, etc. A la suite de ces exercices, le lecteur trouve des corrigés confrontant ses connaissances avec celles des enfants de la IV e République.
Les chiennes de garde de la pensée conforme seront horrifiées de constater que certains questions sont propres à chaque sexe. Aux garçons l'on demande d'énumérer les différents matériaux utilisés pour la couverture des maisons. Aux filles d'indiquer dans quel ordre apparaissent les dents des marmots.
Le meilleur usage que l'on peut faire de ce livre (à part celui d'effrayer nos enfants), c'est l'animation de soirées nostalgie. J'imagine très bien des sexagénaires se réunir subir une nouvelle fois les épreuves. Une manière bien ludique de se souvenir du temps jadis.

Guy Môquet vu de gauche

Après la mise en scène du jeune militant communiste Guy Môquet, Pierre Mabut and Antoine Lerougetel ont publié le 4 juin 2007 un intéressant point de vue des héritiers des communistes non staliniens dont voici de larges extraits :

Guy Môquet, Sarkozy et l’école stalinienne de falsification

Une déclaration du PCF sur Guy Môquet, datée du 21 mai 2007 et affichée sur son site Internet, dit : « Il a été arrêté le 13 octobre 1940, à la Gare de l’Est. Bien avant l’invasion de l’URSS, par les nazis. Guy Môquet avait été dénoncé parce que, avec ses camarades de la Jeunesse communiste, il distribuait des tracts dans les cinémas ou manifestait contre l’Occupation et la collaboration. Son père, cheminot et député communiste, était alors déporté au bagne de Maison-Carrée en Algérie et des policiers français gardaient cet élu du Front populaire dressé contre les 100 familles capitalistes qui contrôlaient la France, engagé contre le fascisme qui depuis des années menaçait l’Europe. »

Cette déclaration est un exemple typique de l’école stalinienne de falsification historique.

Prosper Môquet, le père de Guy, était l’un des 72 députés du Parti communiste élus à l’Assemblée nationale le 3 mai 1936. En mai 1935, Staline avait signé un traité de coopération avec le gouvernement droitier de Laval, acceptant implicitement la politique militaire française et appelant le PCF à voter pour le budget militaire. Cette alliance de Staline et du PCF avec l’impérialisme français se poursuivit sous le gouvernement de Front populaire.

Le Front populaire se composait du Parti communiste, du Parti socialiste et du Parti radical, un parti bourgeois. Il liait la classe ouvrière à la bourgeoisie et s’opposait au développement d’une perspective socialiste internationaliste indépendante. Son premier geste avait été d’empêcher que la grève générale de mai-juin 1936 ne se développe en une insurrection révolutionnaire. Il voyait la défense de la France face à l’attaque nazie en termes purement nationalistes et non comme un conflit de grandes puissances recherchant chacune l’avantage impérialiste et utilisant la classe ouvrière et les jeunes comme chair à canon.

Le 30 septembre 1938, Neville Chamberlain, représentant la Grande-Bretagne et Edouard Daladier représentant la France, et tous deux partisans de la politique d’apaisement, signèrent les Accords de Munich. Ils donnèrent ainsi aux nazis le feu vert pour envahir la Tchécoslovaquie. Staline prit peur que la Grande-Bretagne et la France ne soient en train de se préparer à s’unir avec l’Allemagne contre l’Union soviétique.

Au lieu d’essayer de mobiliser la classe ouvrière mondiale contre cette alliance impérialiste, Staline procéda à une alliance préventive de son cru : le Pacte hitléro-stalinien (germano-soviétique) du 23 août 1939.

Moins d’un mois plus tard, le 20 septembre 1939, le Comintern de Staline informait le PCF de sa nouvelle ligne politique : les partis communistes ne devaient pas soutenir la guerre contre l’Allemagne déclarée par la France et la Grande-Bretagne suite à l’invasion de la Pologne par Hitler. Ce que les staliniens avaient auparavant qualifié de guerre de « défense nationale » était à présent qualifié de « guerre impérialiste. » Le Parti communiste devait donc s’y opposer suivant cette ligne politique, puisque l’Allemagne avait fait une alliance avec l’Union soviétique.

Dans le journal l’Humanité du 26 septembre 1940, le PCF critiquait sévèrement la résistance gaulliste qu’il accusait de « va-t-en-guerre avec la peau des autres » et dénonçait « la volonté commune des impérialistes d’entraîner la France dans la guerre, du côté allemand ou du côté adverse sous le signe d’une prétendue résistance à l’oppresseur. »

André Marty, membre dirigeant du PCF et secrétaire de l’Internationale communiste stalinienne, envoya le 4 octobre 1939 une lettre à Léon Blum, membre du gouvernement Daladier, critiquant son soutien à la guerre. « L’actuelle guerre européenne est une guerre provoquée par deux groupes impérialistes dont chacun veut dépouiller l'autre ; par conséquent, les ouvriers, les paysans, n'ont rien à voir dans cette affaire. »

En conséquence, le président Edouard Daladier décréta le 26 septembre 1939 la dissolution du PCF. Il fit interner un grand nombre de ses membres et députés, dont Prosper Môquet. Prosper, arrêté le 10 octobre 1939 fut jugé en secret par un tribunal militaire en avril 1940 et condamné à cinq ans d’emprisonnement. Il fut déporté en mars 1941 au bagne de Maison-Carrée en Algérie.

Les nazis envahirent la France le 10 juin 1940 et le maréchal Pétain signa l’armistice, douze jours plus tard. La sympathie de larges couches de la bourgeoisie française pour le fascisme joua un grand rôle dans la déroute de l’armée française. Le Parti communiste, qui ajustait sa politique aux besoins de la diplomatie soviétique, avait été interdit et un grand nombre de ses dirigeants emprisonnés par ses anciens alliés du Front populaire.

Prosper Môquet fut donc emprisonné, non pas pour ses activités anti-nazies, comme l’affirme le PC dans sa déclaration du 21 mai 2007 (la déclaration, en fait, laisse entendre des activités anti-nazies) ; au contraire, le parti stalinien s’opposait, pour le moment, à la guerre contre l’Allemagne fasciste. En effet, bien qu’il ne fasse pas de doute que d’autres considérations politiques entraient en jeu (comme par exemple, l’occasion de réprimer les tendances de gauche au sein de la classe ouvrière) le père de Guy Môquet fut officiellement condamné pour « intelligence avec l’ennemi » et n’était certainement pas, à ce moment-là, membre du Front populaire qui n’existait alors plus. Il était en fait un prisonnier politique du gouvernement Daladier, dirigeant du Parti radical et ancien ministre du gouvernement de Front populaire de Léon Blum.

Une recherche faite par deux journalistes, Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, en 2006, dans les archives municipales de Paris, a mis à jour des notes rendant compte de négociations entre le PCF, dirigé par Maurice Tréand, et Otto Abetz, représentant de Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères nazi. Ces notes révèlent que les émissaires de Staline n’hésitaient pas à essayer d’entrer dans les bonnes grâces de l’occupant nazi en faisant usage d’antisémitisme bien placé.

Tréand, sous la direction du secrétaire du comité central du PCF, Jacques Duclos, essaya en vain d’obtenir des nazis l’autorisation de publier le journal du PCF, l’Humanité. Les négociations durèrent de juin à août 1940.

Tréand présenta ainsi ses arguments : « Pour l'URSS nous avons bien travaillé par conséquent par ricochet pour vous... [N]ous ne ferons rien pour vous, mais rien contre vous. » Attaquant les capitalistes anglais et leurs alliés français, Tréand fait référence au « Juif Mandel ». Georges Mandel était le dernier ministre de l’Intérieur avant l’occupation nazie. Tréand mentionne par trois fois le « Juif Mandel » qui a « fusillé des ouvriers qui sabotaient la défense nationale ».

Voici l’extrait d’un texte écrit pas Duclos et présenté aux autorités allemandes : « L'Humanité publiée par nous se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte franco-soviétique, qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable.»

La police française arrêta et emprisonna Guy Môquet, âgé de 16 ans, le 13 octobre 1940. La France était occupée, mais il fallut attendre encore neuf mois avant que l’invasion nazie de l’Union soviétique ne mette fin au pacte hitléro-stalinien. La déclaration du PCF du 21 mai, citée en début d’article, affirme qu’il était en train de distribuer des tracts « contre l’Occupation et la collaboration », mais il est très peu probable qu’il aurait ainsi agi contre la ligne politique du parti. Un autre commentateur donne cependant une forte indication que les questions pour lesquelles il faisait campagne et les raisons de son arrestation étaient de nature quelque peu différente. « Après l’occupation de Paris par les Allemands et la mise en place du gouvernement de Vichy, Guy fit passionnément campagne, collant des papillons dans le quartier, qui dénonçaient le nouveau gouvernement et exigeaient la libération des internés, » l’un d’entre eux étant, bien sûr, son propre père.

Les médias se sont mis au diapason de la version stalinienne et n’ont aucunement essayé de faire la lumière sur la situation de Prosper au moment de l’arrestation de son fils. Ils ont évité au PCF que ne soit découvert ce secret gênant, veillant ainsi à ne pas perturber cette toute dernière adaptation du stalinisme au gaullisme.

Avec l’invasion nazie de l’Union soviétique le 22 juin 1941, le PCF fit une nouvelle volte-face, et adopta à nouveau sa position d’antifascisme de Front populaire au lieu de sa position d’anti-impérialisme, et entra dans une alliance avec la résistance gaulliste, avec pour but le rétablissement d’un régime bourgeois après la Libération plutôt qu’une république socialiste ouvrière.

L’organe théorique du PCF, Les cahiers du bolchevisme, à la fin des années 1941 déclare, « les Français saluent dans les soldats de De Gaulle, des combattants de la bonne cause, des combattants anti-hitlériens.» Cette unité avec la bourgeoisie nationale fut consolidée quand les staliniens entrèrent dans le Conseil national de la Résistance de De Gaulle en mai 1943. La « bonne cause » se révéla plus tard être l’oppression des peuples coloniaux de la France en Algérie et en Indochine, sans parler de la participation des staliniens au gouvernement de De Gaulle en 1945 et à la reconstruction du capitalisme français.

Les communistes, emprisonnés dans des camps d’internement par les gouvernements de Daladier puis de Pétain, étaient maintenant officiellement ennemis des nazis et à leur merci.

Le 20 octobre 1941, un commandant allemand Karl Hotz, fut exécuté à Nantes par trois jeunes communistes. Les nazis exigèrent immédiatement en représailles la vie de 50 Français. Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur du gouvernement collaborationniste du maréchal Pétain reçut l’ordre de choisir 50 prisonniers à exécuter. Pucheu rejeta une première liste de noms d’anciens soldats jugeant qu’ils étaient « de bons Français » et préféra une seconde liste constituée d’otages communistes.

Il s’agissait de membres du PCF, à l’exception de Marc Bourhis, un trotskyste, et de son ami et camarade Pierre Guéguin, maire de la ville de Concarneau et membre du PCF depuis sa fondation en 1920. Il s’était opposé au pacte hitléro-stalinien, comme bien d’autres membres du PCF et sympathisait avec les trotskystes. Lorsqu’une occasion se présenta à Bourhis de s’échapper du camp d’internement, il décida de rester avec Guéguin, craignant que ce dernier ne soit maltraité, voire tué par les prisonniers staliniens s’il se retrouvait seul avec eux. La présence de trotskystes parmi le groupe des 27 prisonniers exécutés avec Guy Môquet par un peloton d’exécution nazi à Chateaubriand fut niée par les dirigeants du PCF jusque dans les années 1990.

Les staliniens empêchèrent et étouffèrent le développement d’une lutte socialiste révolutionnaire dans tous les mouvements de résistance antifasciste, liant les travailleurs, les paysans et les jeunes à leur bourgeoisie nationale et à leurs alliés. La trahison de la révolution espagnole de 1936 en fut le premier exemple.


Sources :

The Writings of Leon Trotsky (1939-40), Merit Publishers: 1969

Fac Simile—La Vérité 1940/1944, Paris, EDI: 1978

Les Trotskystes en France pendant la deuxième Guerre mondiale, Jean-Pierre Cassard — La Vérité OCI—(undated but after 1980)

Contre vents et marées, Yvan Craipeau, Savelli: 1977
(Article original paru le 2 juin 2007)

Lire aussi :

Le Stalinisme et le Trotskisme en France pendant l'Occupation, [1er novembre 2001]


France : Le nouveau président est accueilli par des manifestations [21 mai 2007]

jeudi 25 octobre 2007

Guy Môquet est partout

Dans les colonnes du Bien Public, l'historien Jean-Marc Berlière a accordé un intéressant entretien sur le jeune militant communiste fusillé par les Allemands.




Jean-Marc Berlière remet les pendules communistes à l'heure.


« Guy Môquet n'était pas un résistant »


Jean-Marc Berlière est professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bourgogne. En cette période où Guy Môquet est « partout » - même auprès de l'équipe de France de rugby ! - ce spécialiste de la période de l'Occupation, donne son point de vue.

Le Bien pu- blic - les Dépêches : « Demain, à la demande de Nicolas Sarkozy, la lettre que Guy Môquet a écrite juste avant d'être fusillé par les Allemands en 1941 doit être lue aux lycéens. Que vous inspire cet hommage ? »
Jean-Marc Berlière : « C'est d'abord une bonne chose dans la mesure où cela permet de remettre en lumière une époque et des personnalités complètement inconnues. Si l'on avait posé la question il y a quelques mois, beaucoup auraient certainement cité, à l'énumération de ce nom, une station de métro ! Mais, on est actuellement en pleine récupération politique. D'une part, par un président dont on ne savait pas que son Panthéon était constitué de figures de gauche et d'autre part, par le parti communiste qui, avec cette affaire, est en train de piétiner 50 ans d'historiographie, ce qui est gravissime ! »
BP-LD : « C'est-à-dire ? »
J.-M. B. : « On est en train de dire n'importe quoi sur le plan historique. Le parti communiste n'était pas résistant quand Guy Môquet est arrêté en octobre 1940, et le fait qu'il soit exécuté par les Allemands un an plus tard ne changera rien à cette donnée. En octobre 41, il est fusillé comme otage, à la suite d'un attentat, commis par des communistes qui sont entrés en résistance à l'été 1941. Affirmer le contraire est un anachronisme ».
BP-LD : « Dites-nous en plus sur le PCF de cette époque ? »
J.-M. B. : « Le parti communiste à l'été 1940 est dans une position claire, celle de Moscou, de l'Internationale communiste, découlant du pacte germano-soviétique du 23 août 1939. Les communistes dénoncent alors la guerre, qui n'est plus celle contre l'Allemagne nazie ou contre le fascisme, mais une guerre impérialiste entre l'Allemagne et l'Angleterre.
Ils ne sont ni patriotes, ni démocrates, mais internationalistes et luttent pour instaurer la dictature du prolétariat. Maurice Thorez, par exemple, a déserté pour gagner l'URSS, il y aura même des sabotages dans des usines. C'est pourquoi les communistes sont arrêtés et poursuivis par la République. Plusieurs milliers vont ainsi être internés ».
« Fais de cela un monument »
BP-LD : « C'est ce qui arrive à Guy Môquet. »
J.-M. B. : « Lui est arrêté en octobre 1940 car il est communiste et distribue des tracts du parti. Dans ces textes, on chercherait en vain un mot contre les Allemands. Le gouvernement de Vichy est au pouvoir depuis le 10 juillet. Il n'a pas supprimé la législation mise en place sous la IIIe République. Le PC n'entrera très clairement dans la résistance qu'après l'attaque de l'URSS par la Wehrmacht l'année suivante.
Le parti commencera alors à organiser des attentats. Suite à l'un d'entre eux, le 20 octobre 1941 quand trois jeunes communistes tuent le commandant militaire de la place de Nantes, 25 de leurs camarades, dont Guy Môquet, et deux trotskistes sont choisis dans un camp d'internement de Vichy, à Châteaubriant, près de Nantes, pour être fusillés le lendemain, le 22 octobre ».
BP-LD : Comment ce jeune homme qui avait 17 ans est devenu un symbole ?
J.-M. B. : « Après cette exécution, l'émotion a été énorme malgré la censure. Très vite, Jacques Duclos, le chef du PC clandestin, a vu tout le parti qu'il pouvait tirer de cette affaire.
Après avoir récupéré les lettres des condamnés, mais aussi des planches de la baraque dans laquelle les otages avaient été rassemblés et sur lesquelles ils avaient écrit leurs derniers mots, il les envoie à Aragon, le poète écrivain, en lui disant « fais de cela un monument ».
Ce monument, c'est le « Témoin des martyrs » qui paraîtra clandestinement en 1942Êet qui constitue la première pierre du monument mémoriel que le PCF va construire sur les « 27 de Châteaubriant » dont Guy Môquet, par sa jeunesse, sera le symbole le plus éclatant. Sa mort sera exploitée à des fins politiques par un parti soucieux d'effacer une période « difficile » de son histoire ».

Cyrill BIGNAULT


Parutions
Jean-Marc Berlière a écrit, avec Frank Liaigre, plusieurs ouvrages consacrés au PCF sous période de l'occupation : « le sang des communistes », paru chez Fayard (2004), qui raconte l'histoire de l'été 1941, le début des attentats, de la lutte armée et des fusillés de Châteaubriant. Une suite de ce premier ouvrage est parue il y a quelques semaines, toujours en collaboration avec Frank Laigre : « Liquider les traîtres », sous-titré « La face cachée du PCF 1941 - 1943 », chez Robert Laffont.

Guy Môquet n'a jamais résisté


En 1956, une commission composée par d'anciens résistants refuse d'accorder le titre de résistant à Guy Môquet. Elle lui accorde en revanche la qualité d'interné politique.



Voici quelques jours, France télévision a résumé en quelques lignes, l'inculture générale des médias concernant le jeune militant communiste Guy Môquet.


FICHE PROGRAMME
LES RÉSISTANTS DE LA PREMIÈRE HEURE - Histoire
Date : 25/10/2007, Horaire : 23H05, Durée : 74 mn, Origine : Fra. (2002)Stéréo. Réalisation : Philippe Costantini.
En 1939, Guy Môquet, âgé de 15 ans, s'engage contre l'occupant et le fascisme. Peu après, ses activités sont dénoncées, et l'adolescent se retrouve incarcéré à la prison de la Santé, puis à Fresnes, à Clairvaux, et enfin au camp de Choisel, à Châteaubriant. En 1941, un attentat commis contre un officier allemand vaut à Guy d'être fusillé, avec vingt-six de ses compagnons de détention. Il ne reste de lui que les lettres envoyées à ses parents et les récits de ses proches.

Dans un long article consacré à l’attitude du PCF entre le pacte de non-agression germano-soviétique et l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne ne juin 1941, l’historien Didier Lecerf écrit :


De la propagande « défaitiste-révolutionnaire » aux sabotages

C’est l’époque où le Parti multiplie les attaques violentes contre les « traîtres », les « criminels », les « impérialistes de Londres et de Paris », ainsi que les appels à la désertion, voire au sabotage (« Une heure de moins pour la production, c’est une heure de plus pour la révolution »)… Quelques exemples : en février 1940, dans un article publié dans l’internationale communiste, Thorez attaque violemment « Blum-le-bourgeois », qui tremble « pour ses privilèges » ; « Blum-le-policier » en qui il y a « l’aversion de Millerand pour le socialisme, la cruauté de Pilsudski, la férocité de Mussolini, la lâcheté qui fait les hommes sanguinaires comme Noske et la haine de Trotski envers l’union soviétique » ; « Blum-laguerre », « monstre moral et politique », « reptile répugnant », « bon chien de garde » qui « aboie à pleine gueule contre la classe ouvrière, contre l’Union soviétique, contre le communisme » ; le 1er février 1940, dans l’Avant-Garde, on peut lire : « Tournez vos armes contre vos ennemis de classe à l’intérieur du pays » ; et dans un tract de la même époque : « l’ennemi n’est pas de l’autre côté de la ligne Siegfried, mais bien à l’intérieur de votre propre pays »….
Du texte à l’acte, il n’y a qu’un pas : il est vite franchi. Répondant aux appels du Parti, des militants, parfois très jeunes, commettent des sabotages dans l’aéronautique, les poudreries, les usines de char. En mai 1940, le 3e tribunal militaire de Paris juge six membres des Jeunesses communistes travaillant aux usines Farman, pour des sabotages commis sur des moteurs d’avion (ils auraient provoqué la mort en vol de 15 pilotes). 4 sont condamnés à mort ; 3 sont fusillés en juin 1940, au fort de Ha, près de Bordeaux (Maurice Lebeau et 2 frères, Roger et Marcel Rambaud) ; le plus jeune n’a que 17 ans ; comme Guy Môquet…

Le Parti rêve d’un retour à la légalité dans une France en partie occupée par les Allemands
Pendant et après la débâcle de mai-juin 1940, les communistes restent fidèles au « défaitisme révolutionnaire », et ce jusqu’à l’offensive allemande contre l’Union soviétique, en juin 1941. En effet, comme a pu l’écrire Philippe Robrieux, « vue de Moscou (…), la France du début de l’été 1940, c’est (…) la Russie du printemps 1917 (…) Les directives de la direction stalinienne (…) reflètent cet état d’esprit : il faut mettre le Parti tout entier sur une ligne offensive, il faut s’engouffrer dans le vide politique, et viser le pouvoir, tout en prenant bien garde de ne pas heurter les Allemands afin de ne pas risquer de provoquer une réaction hitlérienne d’où surgirait un conflit dangereux et prématuré avec l’Union soviétique. Dans cette optique, comme au temps de la paix de Brest-Litovsk, il importe de détourner les Allemands de l’Est et de les laisser libres de mener contre l’Angleterre leur politique d’expansion à l’Ouest ». D’où les milliers de papillons : «Thorez au pouvoir ! » qui fleurissent alors.
D’où des attaques tournées « uniquement contre le régime de Vichy et contre les Anglais qui continuent la guerre » ou encore « contre les anciens hommes politiques de la IIIe République, contre ceux qui ont conduit la guerre (…), et plus particulièrement contre les leaders socialistes et radicaux ». D’où les « lettres adressées par les députés communistes, internés à la prison du Puy, au maréchal Pétain ou à son ministre de la Justice, pour leur demander d’être entendus comme témoins à charge contre Blum et les responsables de la IIIe République internés, ou sur le point de l’être, par le régime de Vichy ».
D’où l’article de l’Humanité clandestine du 4 juillet 1940 trouvant « particulièrement réconfortant, en ces temps de malheur, de voir de nombreux travailleurs parisiens s’entretenir amicalement avec les soldats allemands (…) » et appelant les « camarades » à continuer, « même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants »… D’où le mot d’ordre communiste : « La France au travail », lancé alors pour que les entreprises, les usines rouvrent leurs portes et fonctionnent « le plus tôt possible ». D’où, enfin –et surtout-, « la manoeuvre politique ordonnée par Jacques Duclos, (…) sur directives du Komintern, consistant à faire sortir le Parti entier de la clandestinité et à le faire entrer dans la légalité ». Manoeuvre qui se traduit notamment par les fameuses démarches effectuées auprès des Allemands, en juin 1940, sur ordre de Maurice Tréand, bras droit de Thorez, - avec le feu vert de l’ambassade soviétique - pour faire reparaître l’humanité au grand jour (à peu près au même moment, des journaux communistes paraissent en Belgique, au Danemark et en Norvège occupés)…
Mais, comme l’a écrit fort justement Philippe Robrieux, « cette politique insensée (…) va coûter très cher au Parti ». En fait, elle permet à la police française, désormais aux ordres du régime de Vichy, de poursuivre les arrestations de militants communistes qui s’emploient, dans une semi-clandestinité, à diffuser les mots d’ordre « défaitistes-révolutionnaires » du PC. Ainsi en octobre 1940, des centaines d’entre eux sont appréhendés, dont le jeune Guy Môquet, 16 ans (arrêté au métro Gare de l’Est, à Paris). Ces arrestations portent à « peut-être 18 000 » le nombre des militants détenus. Résultat : à la fin 1940, « il n’y a probablement pas deux mille communistes organisés à l’échelle de la France ».

Guy Môquet, un résistant qui n’a pas eu l’occasion de résister, en raison de la ligne du Parti
Une fois arrêté, Guy Môquet est passé à tabac, emprisonné à Fresnes puis à Clairvaux, et finalement acquitté. Mais malgré cet acquittement, il est transféré au camp de Choisel, à Châteaubriant, où il rejoint d’autres militants communistes arrêtés le plus souvent entre septembre 1939 et octobre 1940. On connaît la suite… Le 21 juin 1941, la Wehrmacht entre en URSS ; dès lors, « au soulagement de nombreux communistes (…), la situation redevient claire ». « Hitler fait la guerre à l’URSS, proclame l’Humanité du 22 juin 1941. De ce fait, chaque Français digne de ce nom doit désormais se considérer comme (son) allié ». Désormais, conformément aux directives de Moscou, le Parti, entré en résistance, se doit de « terroriser l’ennemi ». Ainsi, le 15 juillet,
7 militants font dérailler un train, près d’Epinay-sur-Seine ; le 15 août, l’Humanité lance l’appel officiel à la lutte armée : « Francs-Tireurs de 1941, debout pour chasser l’ennemi du sol sacré de la patrie » ; enfin, le 21 août, à Paris, Pierre Georges, le futur « colonel Fabien », abat l’aspirant Moser, dans le métro, sur le quai de la station Barbès-Rochechouart (deux jours auparavant, 6 jeunes militants communistes ont été fusillés pour avoir organisé une manifestation)… Face aux attentats, les Allemands réclament des otages à fusiller. Les milliers de communistes emprisonnés en 1939-1940, au temps du « défaitisme-révolutionnaire » -à commencer par ceux de Châteaubriant-, vont leur en fournir de nombreux. Le cycle infernal attentats-représailles commence…
Le 20 octobre 1941, trois jeunes communistes dont Gilbert Brustlein, venus exprès de Paris à Nantes, tuent le lieutenant-colonel Karl Hotz. Deux jours plus tard, le 22 octobre, les Allemands, en représailles, fusillent à Châteaubriant, dans la carrière de la Sablière, 27 otages du camp de Choisel – dont Guy Môquet -, tous communistes ; à Nantes, ils exécutent 16 otages, tous arrêtés pour propagande gaulliste, inscriptions hostiles, diffusion de tracts ou cris patriotiques – parmi eux, André Le Moal, lui aussi âgé de 17 ans, coupable d’avoir crié « Vive de Gaulle ! » - ; enfin, au Mont Valérien, ils en abattent 5 autres (4 communistes, 1 non communiste).Tous tombent en criant « Vive la France ».
Ce 22 octobre 1941, 48 Français sont morts : 31 communistes et 17 non-communistes. Mais très vite, les 27 de Châteaubriant - à commencer par Guy Môquet -, objet d’un véritable culte initié par le Parti, vont éclipser dans la mémoire collective les autres fusillés de ce triste jour, pourtant guère plus âgés qu’eux. Comme ils vont éclipser aussi les trois jeunes auteurs de l’attentat de Nantes. A tel point que, lors de la commémoration de 1991, en présence de Georges Marchais, l’un d’entre eux, Gilbert Brustlein, ulcéré, fit un véritable scandale, réclamant sa présence à la tribune et criant à l’adresse du secrétaire général du Parti : « Tu n’as pas ta place ici ! »
Dès lors, une question ne peut manquer d’être posée : pourquoi, dès l’origine, cette différence de traitement, cette monopolisation de « la lumière mémorielle » par les 27 de Châteaubriant, ce culte célébré en l’honneur de Guy Môquet, alors que le nom d’André Le Moal, mort le même jour au même âge, reste inconnu ?
Si l’on en croit deux historiens iconoclastes, Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, la réponse à cette question tient en une phrase : pour « gommer les errances de 1940, faire croire, par le biais de ces martyrs, que le Parti a résisté bien avant le 22 juin 1941 ». En fait, les communistes ont probablement mis l’accent sur leurs militants fusillés à Châteaubriant pour occulter cette réalité devenue pour eux des plus gênantes : lorsque Guy Môquet et ses camarades ont été arrêtés en 1939-1940, leur ligne à l’égard de l’occupant n’était pas vraiment à la résistance…
Nicolas Sarkozy se veut l’incarnation de la « vraie droite », de la « droite décomplexée ». Dès lors, il n’est peut-être pas utile qu’il commence son quinquennat en se sentant obligé, par l’association des mots « Môquet » et « résistant », de conforter le vieux bobard du Parti communiste prônant la lutte contre l’occupant dès mai-juin 1940. Que les communistes et leurs compagnons de route continuent de d’affirmer effrontément une telle contre-vérité est une chose ; mais qu’un homme qui se prétend de droite, et a réussi à se faire élire pour cette raison, vienne à son tour apporter de l’eau à leur moulin en est une autre…



lundi 22 octobre 2007

Ne jamais faire confiance à un historien anglais



Batailles

R. G. Grant
Flammarion, 360 p., ill., cartes, 40 e, ISBN 978-2-0812-0244-3.


Bel effort des éditions Flammarion dans le domaine des beaux livres. Voici quelques jours, nous avions signalé le sans faute de l’ouvrage consacré à la Ve République sous la signature de Jean Lacouture.
Toutefois, les plus belles gemmes cèlent des défauts et le tout récent album Batailles est le parfait exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Voici quelques notes prises au fil de la lecture d'une sélection de pages de ce bel album.

En premier lieu, l’éditeur a oublié deux principes à respecter à chaque fois que l’on adapte un ouvrage acheté à des éditeurs d’outre-Manche :

1) Ne jamais faire confiance à un historien anglais.
2) Ne jamais faire confiance à un traducteur généraliste.


L’auteur, RG Grant, est un publiciste tout terrain qui écrit sur tout et n’importe quoi dans la mesure où un éditeur est prêt à lui signer un généreux contrat. Je dois à la vérité de préciser que Flammarion ne prétend à aucun moment que R. G. Grant est historien, l’éditeur se contente d’écrire « est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages historiques ». En réalité, on peut légitimement s’interroger sur son rôle car il semble davantage gérer une franchise éditoriale que conduire une carrière d’écrivain à la papa.
Ainsi, pour l’ouvrage Batailles qu’il signe de son nom, R G Grant a reçu le concours de cinq auteurs, et l’éditeur a mis sur le projet non seulement un responsable éditorial, mais quatre éditeurs, un responsable artistique, quatre graphistes, et deux iconographes. Sans compter cinq consultants et un correcteur. A la louche, un budget de plus de 200000 euros.
De quoi faire rêver un éditeur français. Ces moyens sont rendus possibles non seulement par le marché du livre en langue anglaise mais aussi sur le fait que ces livres grand-public sont vendus à coup sûr à des éditeurs pour les petits marchés comme la France ou l’Italie.
Avec 360 pages, plus de mille illustrations, de nombreuses cartes, une mise en page fouillée et recherchée, cet album est bien placé pour attirer les regards et motiver les décisions d’achat pour les fêtes. D’autant que son prix de vente, 40 euros, est très modéré. Il s’explique probablement par son impression à Singapour en même temps que les éditions en d’autres langues.
En d’autres termes, c’est un bel exemple de ce que la mondialisation éditoriale peut apporter aux cadeaux de fin d’année.
Les points forts de l’ouvrage sont nombreux. Outre une superbe réussite esthétique, soulignons le réel effort de cartographie. A quelques exceptions près (comme la présence d’une nation basque en Espagne au VIe siècle, séparant les Francs des Wisigoths), la cartographie est de très bonne qualité et, surtout, elle s’intéresse à des moments mal connus des français.

Une perspective plus mondiale

Un des atouts de cet album est une perspective plus globale donnée aux événements. Ainsi, la grande poussée de l’Islam qui conduit les tenants des Mahomet à envahir et à conquérir des pays chrétiens s’est également dirigée vers l’est où elle a fait face à la résistance des hindous.
De nombreuses pages sont consacrées aux guerres en Asie, horizon qui manque habituellement aux ouvrages européens.

En revanche, les défauts de l’adaptation française sont si criants qu’ils interdisent tout usage sérieux de cet ouvrage. Il est notamment à déconseiller pour tout emploi scolaire.

Les économies de bout de chandelle

Les éditeurs qui achètent dans un pays anglophone un livre avec un tel pedigree sont rétifs à l’idée de rajouter des coûts au budget qu’ils prévoient important de traduction. Pourquoi s’encombrer d’un consultant français, spécialisé dans l’histoire militaire, pour revoir un travail ayant reçu un satisfecit orné d’aussi prestigieuses signatures que celles des consultants cités à l’ours de l’ouvrage ?
Pourquoi en effet, on se le demande.
En premier lieu, parce que ce livre a été écrit par des Anglais qui sont à l’histoire ce que Déroulède était à la poésie.
En second lieu, car il n’existe pas de traducteur universel. Prenons ceux sélectionnés par Flammarion pour mettre en français ce gros volume consacré à la guerre, aux massacres, aux batailles, aux armes et autres instruments de mort. Stéphanie Soudais est une spécialiste de jardinage à laquelle on doit Les fleurs sauvages par couleur.
Nordine Haddad, bien connu des éditions du Rocher, est quant à lui est un traducteur qui a de la bouteille, mais il se spécialise dans la littérature, un domaine bien éloigné des champs de bataille.
Il s’agit donc de personnes qui, en raison de leur expérience, seraient bien en peine de distinguer une gâchette d’une queue de détente.

Voici un bel exemple d'erreur de traduction qui ne s'explique que par le manque de culture générale historique et militaire des traducteurs et des éditeurs :


Faut-il en déduire que Pierre Clostermann, un des grands as français de la Seconde Guerre mondiale est un pilote américain ? Faut-il penser que personne chez Flammarion ne connaît Pierre Clostermann ? Pourtant cet éditeur devrait le savoir.

Voici la couverture d'un des ouvrages écrits par Pierre Clostermann et publié par… Flammarion !




Erreurs de traduction

Tout lecteur bien informé ne manquera pas de grimper au plafond en lisant le livre tant les erreurs de traduction abondent. Sans vouloir être exhaustifs, en voici une sélection.

Le 12 juillet 1690, à la bataille de la Boyne en Irlande, les orangistes ont battu les jacobins.
Il aurait fallu écrire : les jacobites.

En parlant de la guerre hispano-américaine de 1898 : « Ce fut une guerre malheureusement menée d’un seul côté et que l’on peut résumer à la guerre de Santiago de Cuba, en juillet ». Beau charabia.

Confusion. En rendant compte de la mort du baron de Ketteler, ministre plénipotentiaire d’Allemagne à Pékin, les traducteurs ont confondu ministre d’Allemagne (terme diplomatique) et ministre allemand.

Confusion entre le terme anglais pour désigner un fusil et un canon. Ainsi, à la bataille de Tannenberg, les Allemands capturent entre 300 et 500 canons russes et non pas des « fusils ».

Charabia. L’empereur autrichien François-Joseph félicitant un soldat récemment décoré de l’armée de masse austro-hongroise. En fait, il s’agit de l’empereur Charles qui décore un soldat du rang.

Charabia. Malgré l’excitation d’avant-guerre causée par la course à la construction des flottes, Jütland fut le seul conflit majeur entre la grande flotte britannique et la flotte allemande de Haute mer.

Confusion. Le cuirassé de poche Graf Spee fut poursuivi par les cuirassés Exeter (lourd), Ajax et Achilles (légers). En réalité, l’HMS Exeter était un croiseur lourd et non pas un cuirassé. Quant à l’HMS Ajax et à l’HMS Achilles c'étaient des croiseurs légers.

Les villes anglaises « mises à sac » par les bombardements allemands..

L’amiral John Jellico au lieu de John Jellicoe.

Les erreurs de terminologie conventionnelle sont particulièrement préoccupantes car elles interdisent à un lecteur non averti de s’y retrouver.

Guerre de Grande Alliance
Guerre de la Ligue d’Augsbourg

Wilhelm III, prince d’Orange
Guillaume III, prince d’Orange

William III, roi d’Angleterre
Guillaume III, roi d’Angleterre

Guerre de la Succession d’Espagne
Guerre de Succession d’Espagne

La guerre Franco-indienne
Traduction mot à mot de l’expression French and Indians wars en usage en Amérique du nord pour décrire les combats qui s’y sont déroulés durant la guerre de Sept Ans. Cette expression n’est pas utilisée en français.

Cœur violet
Purple Heart

Front de l’Est (Première Guerre mondiale)
Front oriental

Grande flotte de la Royal Navy
Grand Fleet de la Royal Navy

Français et forces impériales
Français et troupes coloniales

Troupes britanniques écoutant leur brigadier
Troupes britanniques écoutant leur général

Erreurs de légende

Confondre catapulte et trébuchet.
Appeler stone hurler un trébuchet comme s’il s’agissait d’une désignation usuelle pour cette arme.

Sur la même double page, la guerre de Trente ans est déclenchée par deux événements différents et à deux dates différentes. Sur la page de gauche, c’est la défenestration de Prague le 23 mai 1618, alors que sur la page de droite, c’est au contraire la bataille de la Montagne blanche en juillet 1620 qui marque le début du conflit.

Les guerres de religion ne sont pas déclenchées en France par les massacres de la Saint-Barthélemy, mais cet événement ponctue dramatiquement un conflit commencé au moins dix ans plus tôt.

Sur le tableau du siège de Yorktown, Rochambeau n’est pas à la gauche de Washington, mais à sa droite.

Les auteurs ne manquent pas de culot en écrivant que l’affrontement de frégate américaine Bonhomme Richard contre la frégate anglaise Serapis est « la bataille navale la plus célèbre du siècle ».

« Isandhlwana. Le camp britanniques ravagé par les Indiens », il s’agit plutôt de Zoulous.



Il s'agit d'un canon français de 37 mm et non pas d'une mitrailleuse.



Erreurs de méthode

La double page consacrée à la guerre de Crimée réussit l’exploit de ne pratiquement pas parler des Français et de ne pas dire mot des grands enseignements de cette guerre très moderne. Ainsi, le rôle de la marine est passé sous silence alors qu’à elle seule la flotte française, renforcée par les bâtiments réquisitionnés, a transporté dans les deux sens 310 000 hommes, 42 000 chevaux, 1 676 pièces d'artillerie et 600 000 tonnes de matériels divers. Un exploit pour cette époque.

Erreurs d’illustrations


Outre le choix malheureux d’illustrations anachroniques provenant des illustrateurs du XIXe siècle, un oeil averti repère des erreurs qui n’auraient pas dû échapper à l’armée de consultants recrutée à grands frais pour ce livre. Prenons le cas de la bataille de Dreux ayant opposé en 1562 le prince de Condé aux huguenots du prince de Condé. Or, on voit sur la gravure des cavaliers arborant les bâtons noueux de Bourgogne avec les inscriptions Egmund folck et Duc du maÿnn folck. Il n’est pas besoin d’être un grand clerc pour savoir qu’il s’agit en réalité de la bataille d’Ivry en 1590 (la où fut prononcée la célèbre phrase « Ralliez-vous à mon panache blanc» où Henri de Navarre défit les troupes du duc de Mayenne appuyée par des contingents venus des Pays Bas sous les ordres du comte d’Egmont.
De même, l’illustration du siège d’Anvers en 1584 est en réalité la réception du duc d’Anjou en 1582 à Anvers par Guillaume d’Orange.

Dans cette illustration, on voit parfaitement que les cavaliers sont des Espagnols (drapeau aux bâtons noueux de Bourgogne) et les mentions manuscrites nous indiquent que le comte d'Egmont et le duc de Mayenne mènent la charge. Ce n'est donc pas la bataille de Dreux, mais celle d'Ivry.


Autre erreur de légendage.


Deux rebelles indiens pendus lors de la révolte des cipayes et dont la photographie par Felice Beato a fait le tour du monde, sont légendés comme étant des victimes de la retraite de Kaboul.

Inventivité géographique

Au Chili, les monts Fitzroy et Torre surplomberaient le champ de bataille de Chacabuco. En réalité, ces sommets sont éloignés de milliers de kilomètres de la plaine où eut lieu l’affrontement entre Créoles et Espagnols.

Considérer que les sultanats d’Afrique du nord sont des « empires africains » est une concession au politiquement correct. Le Maroc qui bat les Portugais à Alcazarquivir n’est en rien un « pouvoir africain ».

Erreurs de terminologie

« Au XXe siècle, le dictateur fasciste Franco tenta en vain » d’acquérir “El Tizona”, l’épée du Cid.»
Dans un premier temps, l’épée est du genre féminin en espagnol et jamais Franco ne cherché à l’acquérir puisque ses troupes l’avaient récupérée au château de Figueras en 1939 pour l’exposer depuis cette date au musée de l’Armée de Madrid.
Dans un second temps, qualifier de « fasciste » le général Franco peut se comprendre dans un ouvrage polémique mais pas dans un texte de nature historique. C’est induire ses lecteurs en erreur tant sur la nature du fascisme que sur cette de la dictature du général Franco.

Confusion entre « capitulation et armistice ». En 1943 l’Italie ne capitule pas, elle signe un armistice avec les Anglo-américains et devient cobelligérante.

Un livre d’histoire anglaise


On donne beaucoup d’importance à la tentative espagnole d’envahir l’Angleterre sous Philippe II, mais on oublie complètement l’échec de cette autre armada invincible envoyée en 1741 par les Anglais conquérir l’Amérique espagnole et qui fut misérablement défaite par une poignée d’Espagnols commandés par un borgne manchot et unijambiste, Blas de Lezo.
Cette flotte, la plus puissante jamais encore rassemblée dans l’histoire européenne, sous le commandement de l’amiral Vernon, comptait 2000 canons, 186 navires, et 23000 combattants, soit largement plus que la trop célèbre Armada invincible.
Or, on a beau chercher à la loupe cette extraordinaire victoire espagnole, on ne la trouve pas. Victime de l’oubli délibéré par les Anglais de cet affront à leur honneur national.
Cette défaite a empêché les Anglais de s’emparer des possessions espagnoles d’Amérique et ainsi changer le cours de l’histoire.
Dans le même registre, passent à la trappe les victoires espagnoles dans le golfe du Mexique durant la guerre d’Indépendance américaine. Sont oubliés la prise de Pensacola, une belle opération combinée franco-espagnole, tout comme l’échec des deux tentatives anglaises d’invasion du Rio de la Plata en 1806 et 1807, repoussées grâce à l’énergie de Jacques de Liniers, un Français natif de Niort.

Les Français oubliés


La bataille de Navarin selon R G Grant.


Un seul exemple. Le texte consacré à la bataille de Navarin, où une escadre anglaise, française et russe coule une flotte ottomane, oublie tout simplement de mentionner la participation de notre pays.

Voici ce que l’on peut lire dans l’ouvrage de R. G. Grant:

Turcs : 3 vaisseaux et 17 frégates.
Britanniques : 7 vaisseaux et 10 frégates.

Or voici l’ordre de bataille exact donné par l’ouvrage Naval History of Great Britain de William James :

Royaume Uni
Vaisseaux :
Asia, 84 canons
Genoa, 74 canons
Albion, 74 canons
Frégates :
Glasgow, 50 canons
Cambrian, 48 canons
Dartmouth, 42 canons
Talbot, 28 canons
Bricks
Rose, 18 canons,
Mosquito, 10 canons
Brisk, 10 canons
Philomel, 10 canons.

France
Vaisseaux
Sirene, 60 canons
Scipion, 74 canons.
Trident, 74 canons
Bresleau, 74 canons
Frégates :
Armide, 44 canons

Russie
Vaisseaux :
Azov, 74 canons.
Gargonte, 74 canons.
Ezekiel, 74 canons.
Alexander Newsky, 74 canons.
Frégates
Constantine, 50 canons,
Provernoy, 48 canons
Elena, 48 canons
Caston, 48 canons

Turcs : 3 vaisseaux, 15 frégates et 18 corvettes.

Tués et blessés

Français 176
Russes : 198
Britanniques : 272

Total : 646. RG Grant ne concédant que 660 pertes britanniques.

Erreurs de fond


Roland. Selon R G Grant, A Roncevaux, Roland refuse de sonner le cor pour appeler les renforts. Pourtant la Chanson de Roland nous apprend qu’il a eu les tympans crevés.


Vaisseaux en bois. Selon le texte, les vaisseaux de guerre comme le Victory ont « dominé les batailles navales jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle. » Il s’agit d’une version très contestable dans la mesure où la mise au point de l’obus explosif par les Français et plus tard la mise en service des navires protégés à vapeur (comme la Gloire) a mis un terme à suprématie de ces navires. En réalité, la dernière bataille navale à laquelle participent des vaisseaux est celle de Navarin en 1827.


Un exemple stupéfiant



Comment faire confiance à cet ouvrage quand les auteurs commettent des erreurs aussi graves que celles qui entachent la présentation de la guerre des Malouines, un conflit pourtant récent et parfaitement documenté ?

Deux affirmations des auteurs sont totalement fausses :

« les avions Harrier britanniques ne purent résister aux avions argentins, et 26 d’entre eux furent abattus pendant le conflit ».
Dans les faits, c’est tout le contraire. Les Britanniques n’ont perdu aucun Harrier en combat aérien et ils ont dominé l’espace aérien sans partage grâce à leur supériorité conférée par leurs missiles dernière génération dont les Argentins ne disposaient pas.

« Le 19 mars 1982, un groupe de civils argentins se faisant passer pour des ferrailleurs débarqua sur l’île de la Géorgie du Sud et la déclarèrent propriété de l’Argentine. »
A nouveau les auteurs ont tout faux. On se demande s’ils n’ont pas rédigé cette notice à l’aide des coupures de presse du Sun ou du Daily Mail. Car c’est en effet dans ces termes que la presse de caniveau anglaise présenta les faits à ses lecteurs le lendemain. Dans les faits, ces travailleurs étaient bien des ferrailleurs et ils étaient venus dans les îles avec l’accord du gouvernement britannique dans le cadre d’un contrat commercial en bonne et due forme. Voici ce qui s’est réellement passé.

Les Malouines

En 1979, Constantino Davidoff, un ferrailleur argentin, se porte acquéreur auprès d’une compagnie anglaise d’une station baleinière désaffectée en Géorgie du sud, un territoire dépendant des Malouines. Davidoff, ne pouvant utiliser les services du navire britannique desservant l’île pour y transporter ses ouvriers et son équipement, accepte bien volontiers d’affréter le Bahia Buen Suceso, un cargo appartenant à une compagnie de navigation gérée par la Marine argentine.
Davidoff et ses ouvriers, munis des papiers réclamés par l’ambassade anglaise à Buenos Aires, arrivent sur le site de la station baleinière le 19 mars 1982 et entreprennent de débarquer leur matériel. Ils sont interceptés par trois membres du British Artic Survey qui leur intiment l’ordre de se présenter auparavant à Grytviken pour y régulariser leur situation. Les Argentins s’y refusent car ils sont dispensés de cette formalité en vertu d’un accord de libre circulation entre les deux pays.
Mis au courant de la situation, Rex Hunt, le gouverneur des Malouines informe Londres que la Géorgie du sud a été envahie par des militaires et des civils argentins. Les représentants de la FIC se chargent de faire monter en pression la presse populaire qui trouve dans cet incident l’occasion de relancer la xénophobie antihispanique.
Le 21 mars 1982, Foreign Office accepte les explications argentines et qu'il s'attend au départ du Bahia Buen Suceso pour le lendemain. Toutefois, dans les îles l'humeur des autorités n'est pas à la conciliation. Sans consulter lord Carrington, mais avec l'accord de la Royal Navy, le gouverneur Rex Hunt ordonne à vingt-deux Marines de s'embarquer à bord de l'Endurance pour expulser les Argentins manu militari.
La presse londonienne s'en donne à cœur joie, exacerbant les passions avec des articles à sensation largement alimentées par les bureaux de la FIC. Les Anglais indignés apprennent en prenant leur petit-déjeuner que les Argentins ont envahi la Géorgie du Sud, mettant en péril la sécurité du Royaume et celle du monde libre. Ils omettent d'écrire que le navire a quitté les lieux, que les travailleurs ont débarqué dans le cadre d'un contrat en bonne et due forme et que des Royal Marines sont en route pour les expulser.
Voilà l’origine probable des informations utilisée par R. G. Grant pour écrire cette notice lamentable sur les Malouines : des coupures de presse xénophobes.

Quelle leçon tirer de ce désastre éditorial ?

Se souvenir que les Anglais sont anglais et qu’ils voient l’histoire du monde d’un autre œil que le nôtre. De même que l’on ne peut pas acheter des livres de jardinage anglais sans les adapter en raison de la différence de climat, on ne peut acheter des livres d’histoire illustrés sans prendre en compte nos différences de perspective. Enfin, pour talentueux qu’ils soient, les traducteurs non spécialistes ne bénéficient pas d’un savoir universel. L’éditeur doit faire appel à des adaptateurs spécialisés bénéficiant du concours de spécialistes en mesure de repérer les erreurs ou la mauvaise foi et de rectifier les mauvaises traductions.
Voilà pourquoi nous encourageons Flammarion à réclamer une ristourne à Dorling Kindersley et à préparer une édition revue et corrigée pour les futures réimpressions.

A titre d’exemple à suivre, voici ce que nous avons écrit de l'édition française d’un autre ouvrage de R G Grant ayant bénéficié d’une adaptation bien faite.

Aviation, un siècle de conquêtes

R. G. Grant
Sélections du Reader’s Digest, 452 p., ill., index, 44,95 e, ISBN 2-7098-1789-6.

Ce magnifique album est une version grand-public de l’histoire de l'aviation. L’auteur est un publiciste tout terrain qui ne brille pas par des qualités universitaires. Après un premier titre en 1995 consacré à « 1848, l’année des révolutions », il a publié près de trente ouvrages, le dernier en 2006 (Communism), soit trois titres par an. Une belle moyenne et un bel éclectisme. R. G. Grant s’est intéressé aussi bien à l’holocauste, qu’aux grands assassinats, à la traite des noirs, à la biographie de Winston Churchill ou à l’histoire des services secrets britanniques. Contrairement aux affirmations de l’éditeur, toujours optimiste, l’auteur n’est pas un historien mais un vulgarisateur. Faut-il alors déconsidérer pour autant ce livre superbement illustré ? Non pour deux raisons. La vulgarisation est un vrai métier et R. G. Grant a un réel talent de communicateur et, last but non least, la version française a été assurée par un historien de valeur, Patrick Facon, qui a adapté le texte au lectorat français. On sent sa patte dans la description de la bataille aérienne de 1940 où l’ouvrage rend hommage à l’Armée de l’air française, or il y a fort à parier que ces lignes ne se trouvent pas dans l’édition originale. En revanche, le récit de la bataille d’Angleterre est plus conventionnel et respecte la légende dorée de la RAF sans rappeler, par exemple, que la décision allemande de bombarder les villes anglaises est une action en représailles aux bombardements des villes allemandes ordonnés par Churchill pour obliger la Luftwaffe a ralentir ses attaques des installations aéronautiques britanniques. Ces divergences d’appréciation sont normales pour un livre grand public qui doit rester dans le ton de l’histoire telle que la racontent les journalistes, sans trop verser dans les opinion hétérodoxes, privilège des historiens. La qualité de la recherche iconographique, la précision du vocabulaire en font un volume très réussi, parfaitement adapté à son public que l’on peut recommander sans grandes réserves.

mardi 16 octobre 2007

Un poète guerrier (ou l'inverse)

Poète à la barre

Alessandro Barbero

Rocher, 212 p., 18 e, ISBN 978 2 268 06277 8.

Après un curieux Waterloo chez Flammarion, l’auteur nous entraîne dans un des épisodes les plus stupéfiants de la vie de Gabriele d’Annunzio l’un des derniers condottiere italiens, une personnalité foisonnante qui fut tour à tour, et aussi un peu tout en même temps, hédoniste, artiste, guerrier, aviateur et créateurs d’infinis. En septembre 1919, déçu par les résultats des marchandages de paix à Paris, D’Annunzio s’empare de la ville de Fiume et il y instaure jusqu’en décembre 1920 un régime étrange, à l’abri des rigidités des Etats-nations, où règne en maître un certaine fantaisie. Alessandro Barbero n’a pas écrit une histoire de cette année de folie, mais une évocation sensible de l’atmosphère de cette ville et de la géographie de l’âme de son inventeur, Gabriele d’Annunzio. Un joli livre pour tous ceux qui croient que l’avenir n’est pas écrit à l’avance.

Les meilleurs peuvent se tromper


Jusqu’au bout de l’Algérie française, Bastien Thirry
Jean-Pax Méfret
Pygmalion, 280 p., 21,50 e, ISBN 978-2-7564-0139-3.

Le général De Gaulle ayant donné l’exemple de l’insubordination pour des motifs d’ordre politique, il n’est pas étonnant qu’après lui d’autres officiers aient jugé qu’ils avaient le droit de faire de même. Mais l’histoire n’aime que les vainqueurs et l’absence de places général Salan ou de lycées Bastien-Thiry rappelle de quel côté sont les perdants. Il a fallu un homme à la fidélité d’acier pour se souvenir du sacrifice d’un jeune lieutenant-colonel, Jean Bastien-Thiry, à peine âge de 35 ans, ingénieur en chef de l’Air, inventeur de missiles antichars qui feront date, lequel cherchera à supprimer le président de la République, Charles De Gaulle, considéré comme le responsable des malheurs de l’Algérie française. L’attentat du Petit-Clamart organisé par ses soins échouera et les auteurs sont arrêtés. Avec un talent d’écriture incontestable (les pages consacrées aux dernières heures de Bastien-Thiry sont remarquables), l’auteur cherche à comprendre comment un homme aux profondes convictions catholiques et au bagage intellectuel hors-norme a pu en arriver à vouloir tuer De Gaulle. Chemin faisant, l’auteur accumule les révélations et éclaire des coulisses de l’histoire qui ne sont bien souvent que des cloaques. En annexe, Jean-Pax Méfret cite des textes intéressants dont quelques uns qui rappellent le rôle ambigu de quelques personnalités de l’époque comme Valéry Giscard d’Estaing. Un livre passionnant, parfaitement réalisé, qui montre a contrario que les meilleurs peuvent se tromper et que le méchant de l’histoire, ici le général De Gaulle, pouvait avoir raison sur le fond.

Pas très encourageant


1962, l’été du malheur
Jean-Pax Méfret
Pygmalion, 214 p., 19 e, ISBN 978-2-7564-0131-7.

La guerre d’Algérie fut un premier banc d’essai de société multiculturelle où aurait pu cohabiter une majorité musulmane et une minorité chrétienne dans un état laïc. Le drame des pieds-noirs en 1962 est la tragique démonstration que la réalité des sentiments humains est plus forte que les idéologies iréniques. Ecrit à la première personne, ce récit sans fard nous permet de revivre la réalité d’un nettoyage ethnique. Ouvrage historique ? Œuvre prémonitoire ? Une lecture qui n’encourage pas à l’optimisme mais qui incite à garder les yeux ouverts.

Les celtes côté âme


Aux sources de la mythologue celtique
Philippe Jouet
Yoran Embanner, 444 p., notes, index, 34 e, ISBN 978-2-914855-37-0.

De la même manière que les archéologues tentent de reconstruire des sociétés à partir de traces matérielles, les spécialistes des mythes cherchent à reconstruire l’univers mental de peuples disparus à partir des textes qu’ils nous ont laissés. Le pari de ces chercheurs est que la confrontation de textes issus de peuples appartenant à un même rameau de l’humanité permet de mieux les comprendre en les comparant et de combler les lacunes des différents corpus. Ainsi, Georges Dumézil reconstitué la place de l’Aurore dans la cosmogonie indo-européenne en s’aidant de la théologie romaine et des hymnes védiques. Cette méthode suscite la moquerie des archéologues qui accusent leurs collègues comparatistes de vouloir comprendre le scénario d’un film de Charlot en s’aidant d’une grammaire portugaise et d’un manuel du langage des sourds-muets.
Pourtant, il est évident pour l’auteur qu’il existe un tronc commun aux cultures européennes et notamment celtiques. Pour lui, on ne peut le dissocier de la complexe question des Indo-Européens dont il souligne le haut degré d’unité de leur langue, de leurs traditions et de leurs systèmes religieux tels qu’ils ont pu être reconstruits.
Les Celtes sont le produit de l’évolution de cette base de départ proto-indo-européenne laquelle a non seulement tout naturellement évolué, mais elle a aussi conservé ou repris des caractéristiques archaïques, dont certaines peut-être des peuples absorbés.
Par la force de l’écrit, le celtisme insulaire domine la littérature comparatiste, largement dominée par les travaux d’esprits supérieurs comme ceux de Georges Dumézil, Françoise Leroux ou François Guyonvarc’h. Relus à travers le prisme d’analyse mis en lumière par les études indo-européennes, les textes insulaires confirment les grands schémas trifonctionnels discernés dans les cultures des peuples issus de ce rameau de l’humanité. Mais l’auteur souligne que la tradition orale irlandaise a été couchée par écrit après le début de la christianisation et qu’il faut en tenir compte, notamment en comblant les lacunes dues à une hétérodoxie trop manifeste par des emprunts à des traditions similaires préservées.
Dans un texte dense et que les spécialistes apprécieront dans toute sa richesse, l’auteur analyse les grandes caractéristiques du celtisme insulaire, sa cosmogonie, ses rituels, etc. Une lecture obligée pour tous ceux qui s’intéressent à la matière celtique.
Regrettons l’absence de cartes dans ce volume et un appareil de notes dont l’éditeur s’est bien gardé de faciliter la consultation. Une bibliographie se serait également révélé un atout pour un lecteur désireux d’approfondir son étude de la question. On peut aussi noter que le titre ne reflète pas le contenu de l’ouvrage. Il s’agit d’une étude de la mythologique celtique insulaire, principalement irlandaise, avec très peu de références aux Celtes continentaux et aux données archéologiques.
Dans la même collection et du même auteur, l’éditeur a publié l’Aurore celtique, une réédition revue et augmentée attendue avec impatience par les amoureux de la matière celtique.

Un archéologue à l'aise avec les pierres


Les Celtes

Olivier Buchsenschutz

Armand Colin, 278 p., cartes, ill., biblio., index, ISBN 978-2-200-26757-5.

Le grand public se passionne pour les Celtes et cela à juste titre. Les ouvrages de vulgarisation, qui leur sont consacrés sont heureusement nombreux (même si de qualité inégale), ce qui permet de mettre constamment à jour des connaissances constamment renouvelées par la recherche tant archéologique que linguistique. L’auteur, directeur de recherches au CNRS, est archéologue, parfaitement bien placé pour rédiger un ouvrage de synthèse dont la démarche pédagogique en fait une lecture facile pour tout lecteur cultivé. Les défis que doit relever l’historien sont difficiles et les réponses à des questions portant simples que se pose le public, insuffisantes. D’où viennent les Celtes ? Quels territoires occupaient-ils ? Quelle était leur organisation politique ? Non seulement les réponses des meilleurs spécialistes sont incomplètes et lacunaires, mais l’archéologie livre sans cesse de nouvelles données qu’il est souvent ardu d’interpréter en l’absence de sources écrites contemporaines. Entre temps, les archéologues sont passés de quelques milliers à des dizaines de milliers de sites de l’âge de fer. La quantité de connaissances disponibles à ordonner et à exploiter est devenue astronomique.
L’analyse des textes médiévaux irlandais nous renseigne davantage sur le mental des Celtes insulaires que sur leur histoire. Toutefois, ce livre reste l’œuvre d’un archéologue, plus à l’aise avec des pierres qu’avec des interprétations de textes. Il avoue bien volontiers que les archéologues sont réticents pour des raisons idéologiques à extrapoler à partir de leurs données. Difficile pour eux d’interpréter un site à la lumière des conclusions de spécialistes d’autres sciences. Chacun chez soi et les vaches celtiques seront bien gardées.
L’auteur a bien raison néanmoins d’en appeler à la prudence en ce qui concerne les sources écrites. Ainsi, quand il confronte les textes de César sur la frontière entre les Celtes et les Germains qui est totale contradiction avec les preuves archéologiques. Il semble bien établi que César a, pour des raisons d’opportunité, inventé une frontière qui n’existait pas.
L’auteur montre bien que les préoccupations qui guident les spécialistes des Celtes ne sont pas uniquement scientifiques. Ces chercheurs s’inscrivent aujourd’hui dans un modèle culturel dominant tout comme leurs prédécesseurs des années trente et quarante le faisaient dans un sens diamétralement opposé. Cet engagement, comme le précise Olivier Buchsenschutz leur fait « quelque fois refuser des évidences ».
C’est pourquoi il faut souhaiter qu’une nouvelle génération de chercheurs, probablement outre-Atlantique, soit en mesure de rejeter les œillères héritées des modèles idéologiques antérieurs pour réconcilier archéologie et sources écrites, linguistique et ethnologie, ADN et nouvelles méthodes de datation.
Quoi qu’il en soit, cette bonne synthèse met à la portée du plus grand nombre une somme de connaissance remarquable dans le domaine de l’archéologie même si sur le plan des mentalités et de l’univers religieux le lecteur restera sur sa faim. Sur ce dernier point, les lacunes de la bibliographie sont révélatrices des orientations de l’auteur.

Une République en images


Les Grands Moments
de la Ve République

Jean Lacouture
Béatrix Baconnier

Flammarion, 240 p., ill., 35 e, ISBN 978-2-0812-0544-4.

Voici un ouvrage qui prouve qu'un livre de photographies peut concilier élégance, intelligence et pertinence. Les éditeurs croient souvent que pour réaliser un volume illustré il suffit de mobiliser une iconographe durant une semaine ou deux, commander un texte d'introduction à un nom bien coté et de faire appel aux rédacteurs maison pour rédiger les légendes. Le résultat de cette improvisation est en règle générale catastrophique. Les photos sont souvent toujours les mêmes et leur qualité inégale ; l'auteur sollicité pond un texte sans grand rapport avec le sujet, et pour cause, il a écrit son introduction avant même que le livre ne soit achevé et les rédacteurs bâclent des légendes au kilomètre en se basant sur les renseignements au dos des tirages et en les complétant à l'aide de leur très lacunaire culture personnelle.
Avec bonheur, les éditeurs de Flammarion démontrent qu'il est possible de pondre un marronnier de fin d'année, le type de livre qu'une belle-mère en manque d'imagination offre à son gendre, sans succomber aux poncifs du genre et aux mauvaises habitudes de la profession.
Tout d'abord, Flammarion a signé un partenariat avec l'agence France Presse. L'éditeur est content car il obtient ses photos à un tarif compatible avec l'économie de l'édition, et l'agence aussi car elle va disposer d'un ouvrage idéal pour valoriser un stock dormant et pour offrir en cadeau à ses clients et à son personnel méritant. Ensuite, l'éditeur a choisi l'homme ad hoc, ou plutôt dans ce cas, la femme idoine pour prendre à bras le corps le livre. Béatrix Baconnier s'y connaît en photographie, (elle est diplômée en photographie), elle a décroché un doctorat en science politique et elle est journaliste politique à l'AFP chargée de l'Assemblée nationale. Ce poste lui laisse selon toute vraisemblance quelques loisirs qu'elle met à profit pour s’immerger dans les archives de sa maison, lesquelles n'ont pas toujours été réputées pour leur efficacité. Voilà comment elle a réuni une première sélection d'environ deux mille clichés couvrant l'ensemble des cinquante années de la Ve République. Certes, on y trouve des photographies très connues comme celle de De Gaulle s'envolant pour Baden-Baden (un des rares clichés dans ce livre qui ne soient pas de l'AFP), mais pouvait-on faire autrement ? Dans l’ensemble, les photographies illustrant l’ouvrage sont bien choisies et pas trop connues. Les légendes sont pertinentes et les textes récapitulant les grands événements du régime réduits au strict minimum. L’introduction de Jean Lacouture n’est pas un simple exercice de style et ne dépare en rien l’ouvrage, bien au contraire. Au rayon des regrets, mentionnons quelques choix de capitales à nos yeux malheureux comme « Premier ministre » au lieu de « premier ministre », une mise en page qui n’a pas assez soigné la typographie et l’alignement des textes. En dehors de lignes de blanc erratiques qui ne semblent se justifier que par le soin d’éviter quelques veuves et orphelins ou de l’oubli des cadratins en début de paragraphe, ce qui gêne le plus le lecteur est l’absence de blancs typographiques qui font toute l’élégance d’une composition à la française.
Mais ces « détails », comme le dirait le premier ministre François Fillon, ne seront vus que par une poignée de lecteurs prêts à sodomiser les diptères et certes pas par les personnes en mal de cadeau de fin d'année à qui ce bel ouvrage est destiné.

samedi 13 octobre 2007

Che Guevara, de pire en pire


Exposing the Real Che Guevara: And the Useful Idiots Who Idolize Him

Humberto Fontova


Sentinel HC, 256 p., 23,95 USD, ISBN 978-1595230270.

Dans un entretien accordé au magazine en ligne Front Page, l'écrivain cubain Humberto Fontova a rappelé les caractéristiques du révolutionnaire au service de Castro dans un texte vigoureux dont nous produisons ci-dessous quelques extraits :


FP: Who was the real Che Guevara?

Fontova: A bumbler, a fool, a coward and a mass--killer. He excelled in only one thing: the mass-murder of bound and blindfolded men. In "battle" such as these were (puerile skirmishes that would bore the Cripps and Bloods on any week-end night) his imbecilities defy belief. Che was Castro's chief executioner, a combination of Beria-Himmler. "To send men to the firing squad, judicial proof is unnecessary," is a famous Guevara quote, "These procedures are an archaic bourgeois detail. This is a revolution! And a revolutionary must become a cold killing machine motivated by pure hate."

Che's slaughter of (bound and gagged) Cubans (Che was himself an Argentine) exceeded Heinrich Himmler's prewar slaughter of Germans–to scale, that is. So what happens today? Well, you see Che's face on t-shirts worn by people who oppose capital punishment! I devote an entire chapter to the gallant Che so please indulge me here, Jamie. I can't resist a few more quips. Because Che's lessons and history are fascinating and valuable, but only in light of Sigmund Freud or P.T. Barnum. "One born every minute," Mr. Barnum? If only you'd lived to see the Che phenomenon. Actually, 10 are born every second.

Here's a "guerrilla hero" who in real life never fought in a guerrilla war. When he finally brushed up against one, he was routed.

Here's a cold-blooded murderer who executed thousands without trial, who stayed up till dawn for months at a time signing death warrants for innocent and honorable men, whose office in La Cabana had a window where he could watch the executions – and today his T-shirts adorn people who oppose capital punishment!

Here's communist Cuba's first "Minister of Industries," whose main slogan in 1960 was "Accelerated Industrialization!" Whose dream was converting Cuba (the hemisphere, actually) into a huge bureaucratic-industrial ant farm – and he's the poster boy for greens and anarchists who scream and rant against industrialization!

Here's a snivelling little suck-up, teacher's pet and momma's boy who was the constant pride of joy of his teacher (Alberto Bayo) and parents (the most obnoxious sort of Limousine Bolsheviks) – and he's idolized by millionaire delinquents such as Rage Against the Machine!

Here's a humorless teetotaler, a plodding paper-pusher, a notorious killjoy and all-around fuddy-duddy – and you see his T-shirt on MTV's Spring Break revelers!

Perhaps competent psychologists (if any exist) will explain this some day.

Che excelled in one thing: mass murder of defenseless men. He was a Stalinist to the core, a plodding bureaucrat and a calm, cold-blooded – but again, never in actual battle – killer.

FP: Why do you think the Left loves the Cuban dictator and his vicious regime so much?

Fontova: Let's face it, anti-Americanism is "cool" in leftist circles. Well, here's the man who has PERSONIFIED anti-Americanism for going on half a century now. So how "cool" can you get! Castro has been jerking Uncle Sam's chain from 90 miles away for 46 years now. The Left eats this kind of stuff up. Plus you have to remember: Fidel, Raul, Che and their cronies where the first Hippies--beatniks actually, given the time. They took over in 1959, with long hair, beards, etc. You look at pictures of them at the time --they were all in their early thirties--and they look like the Grateful Dead! So again, how cool can you get? And here's these cool beatniks flipping their finger at the biggest fuddy-duddy country on earth at the time--- Ike's America, with Ozzie & Harriet on TV, with a bald golfer as President, with people living in Levittown. So that coolness cachet still surrounds Fidel, despite his massacres, his mass jailing, his lust to set off nuclear war in 1962, his use of Sarin gas against Angolans.

FP: Let’s look a little deeper into the morbid psychology of the Left and its veneration of mass murderers like Castro and Ché.

It is definitely nothing new that leftists love totalitarian and terrorist figures who engage in mass murder and genocide. The history of the 20th Century is a dark testament to the Left’s long record of venerating totalitarianism. Now, with communism gone, except for a few tyrants like Castro, the Left has turned its adulation toward the bin Ladens, al Zarqawis and the suicide bombers. Individuals such as Michael Moore can’t even contain their gleeful cheer when terrorists kill Americans and innocent civilians in Iraq.

I see the Left’s main impulse as the instinct to worship at the altar of death-cult ideologies. Seeking an earthly utopia, it seeks to destroy this world in order to wipe the slate clean. It therefore only makes sense that the Left, obsessed with destruction, would idolize someone like Castro, a mass murderer engaged in mass killing. It only makes sense that it champions the nihilistic Islamist suicide bombers who, like Stalin and Hitler, worship death and suicide for no rational reason whatsoever. What are your thoughts on the Left’s psyche?

Fontova: I used to ponder it often. I've read Paul Hollander, Malcolm Muggeridge, James Burnham, Arthur Koestler, David Horowitz, Robert Conquest, Paul Johnson, Jean Francois Revel, etc-- I've read an entire library on the Leftist mind-set. But I finally resolved that life's too short to concern yourself with what motivates lunatics. Now I leave this strange study to competent psychiatrists (if any exist.) You finally get to a point where you regard it as a form of mental illness -- at least I do.

What gets me about these people is that the MORE murderous and repressive a regime the MORE popular it becomes with them. Think about it. The Soviet Union was never as popular with leftist intellectuals as during Stalin's blood-drenched reign. China was the Leftists' showcase Shangri-La precisely during Mao's mass butcheries during the Cultural Revolution. In the 1960's and 70's Cuba had the highest political incarceration rate on earth, (higher than the Soviet Union's) Castro and Che's firing squads were piling up thousands of corpses a year--well, it was at that very time that Western college kids like Christopher Hitchens and the Venceremos Brigadistas made a fetish of flocking to Castroland to help with sugar cane harvests and worship at the altar of the Maximum Leader. It was at that very time that Norman Mailer hailed Castro as "The Greatest hero to appear in our Hemisphere!" You finally give up on expecting sense from such people -- at least I do. So you grab a brewskie, pop it open and laugh at them as you would at a Chimpanzee in a zoo cage, or the characters in "One Flew Over the Cuckoo's Nest."

FP: Well I guess one could laugh, except that it is difficult to see anything much funny in this morbid and tragic phenomenon. The Left has done an incredible amount of damage and has a massive amount of human blood on its hands, from Walter Duranty and his lies about Stalin, to how the anti-war Left facilitated a bloodbath in Southeast Asia, and to today’s malicious behavior of individuals like Michael Moore, who gives morale to our Islamist enemy and gets innocent civilians and our own troops killed in Iraq.

I always hoped that there would be some form of justice in terms of Cuba and that Castro would be tried in a world court for crimes against humanity. But I guess that will never happen. Why do you think it is accepted that someone like Augusto Pinochet is put on trial, but not Castro, when Pinochet’s “crimes” represent a Sunday school class in comparison to Castro’s crimes?

What do you think would be suitable justice when it comes to Fidel if he was put on trial? What would he be tried for and what sentence do you think would be fitting?

Fontova: First off, let’s consider Dave Barry's definition of laughter. It helps explain why I laugh at these leftist waterheads. "A sense of humor is a measurement of the extent to which we realize that we are trapped in a world almost totally devoid of reason. Laughter is how we express the anxiety we feel at this knowledge." And let me add one more example: Carlos Santana at the Academy Awards, proudly showing off his Che Guevara T-shirt. As he entered the ceremony, Carlos stopped for the photographers, smiled deliriously and swung his jacket open. TA-DA! There it was: Carlos' elegantly embroidered Che Guevara t-shirt. Carlos' face as the flashbulbs popped said it all. "I'm so COOL!" he beamed. "I'm so HIP! I'm so CHEEKY! So SHARP! So TUNED IN!"

Tune into this, Carlos: in the mid 1960's, Fidel and your charming t-shirt icon set up concentration camps in Cuba for, among many others, "anti-social elements" and "delinquents." Besides Bohemians and homosexuals, these camps were crammed with "roqueros," who qualified in Che and Fidel's eyes as useless "delinquents." A "roquero" was a hapless youth who tried to listen to Yankee-Imperialist rock music in Cuba. So here's Santana, grinning widely – and OH-SO-hiply! – while proudly displaying the symbol of a regime that MADE IT A CRIMINAL OFFENSE TO LISTEN TO CARLOS SANTANA MUSIC.

Now regarding Castro and Pinochet in a world court, I'm afraid you're absolutely right, Jamie, Castro's thousands of victims will never see justice done. It just ain't gonna happen. To explain this infuriating hypocrisy I'll quote James Burnham from his classic Suicide of The West: "the liberal cannot strike wholeheartedly at the Communist for fear of wounding himself in the process." That's from Burnham's chapter titled "No Enemy on the Left," which says it all.

Armando Valladares saw this swinish hypocrisy first hand while working at the U.N. "What shocked me the most about United Nations politics during my time there," he writes in the prologue to Against All Hope, " was the double standard of many governments, especially the attitude the Spanish government under the leadership of Socialist President Felipe Gonzalez. While I was in Geneva, friends in Spain sent me a copy of a confidential report on the violation of human rights in Cuba, prepared in secret by the Spanish Chancery itself. This report documented systematic torture, crimes, and cruel, inhumane and degrading treatment of Cuban political prisoners. But the Spanish foreign ministry's official document concluded by stating: "But even so, we cannot condemn Castro because that would be proving the Americans right."

So there you have it. It's that anti-Americanism that I mentioned earlier. Castro gets away with his wholesale butcheries because he's still seen as the symbol and standard-bearer of anti-Americanism, as such he can do no wrong. According to Cuban-American scholar and researcher Armando Lago, who I cite often in my book, the death toll from Castro's Revolution stands at around 110,000. This includes children as young as 14 executed by firing squad and many women political prisoners who perished from maltreatment in prison. What would justice mean for this butcher? We saw an example at Nuremberg and Tokyo after WWII, didn't we? Now wouldn't it be wonderful if Communist butchers got the same dose of justice. But no, instead we saw Stalinist butchers themselves standing in judgment of their Nazi butcher (onetime) brothers at Nuremberg! Like they had room to talk!. And speaking of the incomparable Michael Moore, Castro hails him as "an outstanding American!" And shows his movies for free in every movie theatre in Cuba. And why not? Heck, Castro and his propaganda ministry themselves couldn't come up with more virulent and hateful anti-Yankee propaganda.