samedi 18 avril 2009

Qaund le Figaro fait dans le gnan-gnan

La journaliste Claire Bommelaer a consacré ce matin un article intéressant, mais à la conclusion particulièrement gnan-gnan, sur le déménagement des archives nationales à Saint-Denis.


Quand la mémoire de la France déménage


Le déménagement des Archives nationales vers le nouveau site de Pierrefitte-sur-Seine se prépare dans le silence et le sérieux qui sied à cette vieille institution. Fin 2011, l'affaire devra être bouclée, sans que l'on ait perdu un précieux parchemin ni que les chercheurs aient été incommodés par le chamboulement de leurs habitudes. Vu de l'extérieur, cela semble à portée de main. Mais dans le saint des saints, un vrai plan de guerre a été mis en place.

À l'aide d'un curieux schéma, la Direction des archives explique ce qu'elle appelle «le chantier des fonds». D'abord, le décompte de millions d'archives, puis leur bilan sanitaire. Ensuite, leur conditionnement, la désinfection éventuelle, la restauration, le microfilmage ou la numérisation. Le tout s'étalant sur des années. Des mois et des mois passés en sous-sol à aspirer la poussière, à recoller des tranches, à mettre des documents dans de nouvelles chemises en carton, à photographier des millions de pages, puis à apposer des codes-barres.

Dès que l'on retire un dossier d'une étagère pour le reconditionner, il faut organiser une traçabilité, puisque rien ne ressemble plus à une boîte qu'une autre. Certains documents seront traités à Paris, au palais Soubise dans le Marais, mais la numérisation ne peut se faire qu'à l'extérieur. Et dès que l'on déplace une boîte entre deux sites, il faut un transporteur spécialisé, obligatoirement accompagné d'un fonctionnaire des Archives pour des raisons de sécurité.

D'ici au déménagement, dont la préparation aura nécessité près de 5 ans, 7 millions d'images auront été numérisées, 4 millions microfilmées. Pendant le déménagement, qui s'étalera, lui, sur 14 mois, 180 kilomètres de rayonnages seront déplacés. Une mission titanesque qui coûtera la bagatelle de 245 millions d'euros, dont 190 pour la construction du nouveau bâtiment. «Nous préparons la mémoire de demain : rien ne doit se perdre», résume Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France (*).

Le testament de Louis XIV
Pour l'instant, les archives publiques nationales - 300 km de dossiers, en plus ou moins bon état - sont stockées sur deux lieux : dans le quartier du Marais, à Paris, et à Fontainebleau, où sont entreposées les archives postérieures à 1958.

À Paris, une splendide salle Napoléon III, en bois avec escaliers en métal, abrite les archives de la monarchie, celles du Parlement, le trésor des chartes, ainsi que la fameuse armoire de fer. Bardée de trois portes, elle renferme des documents exceptionnels, comme le journal de Louis XVI ou le testament de Louis XIV, dans lequel il indique qu'il «a trop fait la guerre». Consultables au compte-gouttes, ces pièces uniques ne sont manipulables que par un conservateur ganté. Elles resteront à Paris, pour des raisons de sécurité et de prestige, avec les archives datant d'avant 1790 et le minutier central des notaires.

Après un parcours dans les dédales du bâtiment parisien, on débouche sur des rayonnages en métal gris façon Castorama. Ils hébergent sur des milliers de mètres des milliers de boîtes en carton aux codes mystérieux. «Toute cette partie du bâtiment n'est plus aux normes : les hausses ou les baisses brutales de température mettent ces archives en péril, explique Isabelle Neuschwander, directrice des Archives nationales, et, curieusement, ce sont les documents les plus récents qui s'abîment le plus. Les archives de Vichy, par exemple, se dégradent et ne survivront pas au temps qui passe.» Rédigées en encre violette, les minutes de la police de Vichy pâlissent de jour en jour. Elles ne sont, qui plus est, pas photocopiables, et doivent impérativement être microfilmées.

Depuis 1790, le service des Archives récolte tout ce qui a trait à la vie de l'État et de la nation. S'y sont ajoutés des fonds privés, comme les archives de la maison de France, celles de d'Antoine de Saint-Exupéry ou encore, celles de Maurice Thorez. Bercy et le Quai d'Orsay ont leur propre système de conservation. Pour le reste, à chaque élection ou chaque remaniement, président et ministres doivent remettre leur prose. Par goût du secret ou par négligence, les archives ministérielles ne sont pas toujours impeccablement tenues. Et depuis l'avènement du courriel et des SMS, une partie disparaît purement et simplement, en dépit des copies faites sur CD-ROM.

Mais l'administration française a les défauts de ses qualités : son pointillisme légendaire s'avère in fine précieux pour l'archivage. Les archives de Valéry Giscard d'Estaing représentent 4 500 cartons, les deux septennats de François Mitterrand près de 14 500 cartons !

Tous ces documents sont gardés pour la postérité, mais aussi et surtout pour les citoyens. C'est un principe fondateur des Archives : chaque Français a le droit à un accès libre et gratuit à l'histoire et à sa propre histoire. Si tant est que les délais légaux sont passés (75 ans pour les dossiers judiciaires et d'état civil, 50 ans pour ceux couverts par le secret-défense), les fonds sont en général consultables à la demande. par ailleurs, 100 millions de pages, notamment les actes d'état civil, sont déjà mis en ligne. Quant aux demandes de dérogation, elles aboutissent positivement «dans 95 % des cas», surtout depuis la loi de 2008 qui a réduit considérablement les délais et les procédures.

Système de brumisation
Chaque année, 10 000 lecteurs viennent ainsi plancher dans la salle de lecture. Des chercheurs, des thésards, des écrivains, des particuliers. Les fonds les plus prisés sont ceux des ministères de la Justice ou de l'Intérieur. Depuis les lois mémorielles des années 1990, les Français s'intéressent aux fonds sur les dommages de guerre, qui restaient jusque-là intouchés, à la Seconde Guerre mondiale, à leurs propres origines. Depuis peu, les questions d'environnement, des gens du voyage et les Tsiganes captent l'attention. Ces lecteurs, quels qu'ils soient, seront prioritaires même pendant le déménagement.

«On ne peut pas avoir deux salles de lecture, c'est trop compliqué et cela ne respecterait pas les règles de sécurité : nous garderons celle de Paris tant que le déménagement ne sera pas fini. Et les boîtes feront des allers et retours entre les deux sites», explique Isabelle Neuschwander. Limiter les sorties permet d'ailleurs de limiter les éventuels vols. À l'entrée, le lecteur est prié de laisser ses effets personnels et de se munir d'un sac en plastique transparent. Il doit remettre sa carte d'identité, s'inscrire dans un registre. En dépit de ces précautions, parfois, une page disparaît. D'autres sont dégradées : par souci de «véracité», il arrive qu'un indélicat corrige au crayon un détail ou une date.

Le futur site de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) fera justement la part belle à la sécurité. Conçu par l'architecte italien Massimiliano Fuksas, il sera un mélange de boîte noire et d'ouvertures. Situé dans une banlieue sensible - c'était un des paris de cette délocalisation décidée en 2004 par Jacques Chirac -, il sera soumis, bien sûr, au plan Vigipirate et sera fermé la nuit. Une caserne de pompiers sera construite à proximité, et un système de brumisation, moins dévastateur que l'eau en cas d'incendie, sera mis en place.

Les Archives ont organisé une série de communications à l'adresse des habitants de Pierrefitte, et tenté de les sensibiliser en recevant des scolaires de La Plaine-Saint-Denis dans les salles historiques de Paris. La RATP s'est par ailleurs engagée à réaménager la sortie de la station de métro, qui dessert pour l'instant le quartier et l'université Paris-VIII. Elle pourrait ouvrir un centre commercial à côté du nouveau bâtiment d'archives, afin de faire de ce quartier un véritable lieu de vie.

«Avec ce déménagement, le sanctuaire de la monarchie va se télescoper avec la France sensible, la France mélangée avec la France de la Basilique», s'est ainsi réjoui l'historien Pierre Nora. Du rôle du vieux papier comme pacificateur du 9-3 !

[Peut-on imaginer de conclusion plus stupide ? L'art du novlang appliqué au politiquement correct pour en plus dire des inepties. Comme si les délinquants mineurs de ce département pouvaient trouver un intérêt à la mémoire historique du pays hôte ? A tout prendre, ils trouveraient avantage à visiter les archives d'Aix en Provence.»]

(*) Les Archives de France regroupent les Archives nationales, le réseau des archives départementales, les archives du monde du travail et celles d'outre-mer.

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