Les éditeurs français sont souvent accusés de manquer de sérieux au moment de lire les manuscrits qui leur sont confiés. Le plus souvent, cette négligence s'explique par un manque chronique de moyens.
Les éditeurs américains, que nous citons souvent en exemple, ne sont hélas pas exempts de ce reproche. C'est l'appât du gain qui les motive. Comme le souligne Gabriel Sherman dans un superbe article publié par The New Republic, les histoires trop belles pour être vraies sont justement… trop belles pour être vraies !
Voici une vingtaine d'années, Herman Rosenblat, un réparateur de récepteurs de télévision à la retraite, a commencé a raconter son expérience de survivant de l'Holocauste. Enfant, il a connu l'enfermement dans le système concentrationnaire allemand. A la fin de 1944, il est détenu à Schlieben, un sous-camp de Buchenwald. Un jour, en plein hiver, il aperçoit de l'autre côté des barbelés, une petite-fille de son âge avec laquelle il sympathise. Par chance, il s'agit d'une juive dans une famille chrétienne. Jour après jour, cet enfant viendra lui jeter des pommes et cette aide alimentaire aide Herman à survivre.
Hélas, Herman Rosenblat est transféré dans un autre camp peu de temps avant la fin de la guerre et il perd de vue cette petite fille. Libéré par les Américains, il s'installe outre-Atlantique et, bien plus tard, en 1957, il rencontre une jeune immigrante polonaise, Roma Radzicki. Au cours de leur conversation, elle lui raconte comment elle avait aidé un jeune juif déporté en lui lançant des pommes par dessus les barbelés. Herman reconnaît alors en cette jeune femmes lui faisant face la petite fille qui l'avait aidé à survivre. Heureux de s'être retrouvés, ils se marient.
Cette histoire se répand peu à peu et émeut l'Amérique. Le couple est invité à deux reprises dans une des émissions de télévision les plus suivies des Etats-Unis et ce qui devait arriver arriva, un éditeur et un producteur de cinéma s'emparèrent de l'histoire.
Malheureusement pour le chiffre d'affaires de ces industriels du souvenir, d'autres survivants de l'Holocauste, et même des membres de la famille d'Herman Rosenblat, sont monté au créneau pour dénoncer ce qu'ils n'hésitent pas à appeler une supercherie.
Des spécialistes de l'Holocauste comme Kenneth Waltzer, patron des Jewish Studies à la Michigan State University, ont mis en avant tous les points qui révèlent que cette merveilleuse histoire d'amour est matériellement impossible. Par exemple, le seul lieu d'où une personne extérieure aurait pu s'approcher des barbelés pour lancer des pommes était à côté… de la caserne des SS.
Or, tous les efforts de Waltzer pour mettre en garde l'éditeur se sont révélés vains. Il n'a reçu aucune réponse.
Deborah Lipstadt qui a acquis une grande réputation grâce au procès à grand spectacle qu'elle a gagné contre l'historien britannique David Irving, a elle aussi publié sur son blog des propos critiques à l'égard des souvenirs du couple. Les doutes émis par une personne dont le statut moral au sein de la communauté juive est considérable a conduit le producteur Harris Salomon, président d'Atlantic Overseas Pictures, sur le point de risquer 20 millions d'euros sur un scénario basé sur le livre à répondre vertement à Deborah Lipstadt :
Il n'est pas question que j'aie une discussion avec vous. Je dois admettre que j'ai entendu quelques commentaires pas très gentils sur vous depuis que nous avons commencé à échanger des courriels. Tête brûlée, c'est comme ça que vous ont qualifiée au moins deux de vos collègues au sein de la communauté de l'Holocauste… Votre opinion Deborah en ce moment est sans valeur car vous vous fondez sur des pages internet de tierces parties qui ne contiennent ni les propos de M. Rosenblat ni ses écrits… J'ai voyagé partout en Europe de l'Est pour préparer ce qui sera un grand film. Il se peut même que je sois devenu un meilleur expert en Holocauste que vous, en dépit que je ne sois pas universitaire. Ce que je sais pour sûr, c'est qu'avant de me prononcer, je m'attache à connaître les faits. Vous ne connaissez tout simplement pas les faits et ça, Deborah, c'est tout simplement le plus grave des péchés à l'égard de tous ceux qui sont morts il y a si longtemps.
Herman Rosenblat et Roma Radzicki.
Une histoire d'amour trop belle pour être vraie.
Le réparateur avait trop regardé la télévision.
Une histoire d'amour trop belle pour être vraie.
Le réparateur avait trop regardé la télévision.
Fin de l'histoire
Le 26 décembre, Berkley Books (Penguin Group) a annoncé qu'il annule le contrat le liant à Herman Rosenblat pour son livre qui aurait dû paraître le 3 février prochain. En outre, l'éditeur réclamera le remboursement des avances perçues par le couple.
Quelques instant après la publication du communiqué de Berkley, le producteur Harris Salomon a déclaré au cours d'un entretien téléphonique « C'est bien malheureux qu'il ait raconté un mensonge ».
Rappelons que seulement 24 heures plutôt cet éditeur défendait mordicus la véracité des souvenirs de Herman Rosenblat et que le producteur n'avait pas hésité à s'affirmer meilleur expert en Holocauste que Deborah Lipstadt.
2 commentaires:
En parlant de ces deux escrocs, vous faites le jeu de Faurisson et de Dieudonné. C'sst pas brillant ! Pourquoi ne pas parler des livres sérieux sur le sujet ?
Dans le meme style, il y a aussi "Survivre avec les loups":
http://fr.wikipedia.org/wiki/Survivre_avec_les_loups_%28roman%29
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