Ce matin, le journaliste Michel taille publie un bon papier sur la situation politique en Colombie dans les pages du quotidien bobo Libération. Certes, il persiste à appeler les groupes paramilitaires « d'extrême-droite» sans donner ses raisons, mais le papier est bien informé et équilibré, ce qui prouve que l'on peut écrire avec pertinence sur la Colombie sans s'y trouver. Que la rédaction en chef du Figaro en prenne note.
Le cousin du Président à l’ombre des paramilitaires
Le sénateur colombien Mario Uribe, cousin du président Alvaro Uribe, n’a pas si mal dormi lors de sa première nuit en prison. Le cacique, arrêté mardi soir par la justice pour ses liens présumés avec des milices mafieuses d’extrême droite, «a été reçu solidairement par ses compagnons du Parlement», selon un de ses avocats. Il a retrouvé derrière les barreaux 31 collègues, détenus pour la même accusation.
C’est le plus fort coup de semonce pour le Président depuis le début du scandale de la «parapolitique», il y a un an et demi quand la justice a dévoilé les liens entre politiciens de la coalition présidentielle et paramilitaires. Ces groupes antiguérilla formés à partir des années 1980 par de grands propriétaires et des cartels de la drogue avec la complicité d’autorités civiles et militaires ont fait des dizaines de milliers de victimes. Les parlementaires mis en cause sont accusés d’avoir reçu l’appui des escadrons pour se faire élire, en échange du pillage des fonds publics. Ce dernier rebondissement a détourné l’attention des médias colombiens du dossier des otages de la guérilla.
Voiture blindée. Plus qu’un cousin, Mario Uribe a été l’allié le plus fidèle du président pendant vingt ans. C’est en faisant campagne ensemble qu’ils sont arrivés au Parlement pour la première fois en 1986, l’un au Sénat et l’autre au Congrès. Ils ont fondé ensuite un petit parti, Colombia Democrática, aujourd’hui frappé par le scandale. Quand Alvaro a été élu gouverneur de leur fief de l’Antioquia, la région de Medellín, en 1995, c’est Mario qui a hérité de son siège de sénateur. De là, il a défendu, après l’arrivée de son cousin à la présidence, en 2002, ses projets les plus polémiques ; il a notamment participé à la rédaction de la loi dite de «justice et paix» qui a servi de cadre à la démobilisation controversée des paramilitaires. Mais l’opposition de ses collègues a durci les peines prévues pour les chefs des milices, et certains d’entre eux, se sentant trahis par le pouvoir, ont commencé un grand déballage.
C’est en partie le témoignage d’un de leurs principaux dirigeants, Salvatore Mancuso, qui a provoqué la chute de Mario Uribe. Il a affirmé que le «premier cousin», comme il est surnommé, lui avait demandé de lui apporter des voix aux législatives. Un autre paramilitaire l’accuse d’avoir concerté avec les milices l’expulsion de paysans pour acquérir des terres à prix bradé.
Le notable rondouillard, rongé par la peur de la prison, a démissionné de son mandat en espérant plus de clémence de la justice. Peine perdue. Mardi, il a repoussé l’échéance une dernière fois en se réfugiant à l’ambassade du Costa Rica pour demander l’asile politique, en vain. Une voiture blindée est venue chercher le fugitif en soirée, sous les cris d’«assassin» lancés à la sortie par des proches de victimes de paramilitaires.
Parti U. Le coup a couronné une succession de mauvaises nouvelles pour Alvaro Uribe. Une enquête vient d’être ouverte contre deux de ses principaux alliés : Nancy Patricia Gutierrez, présidente du Sénat, et Carlos García, président du parti U - comme Uribe. «Ça affecte le gouvernement du président parce que nous sommes ses amis», a lancé García. Le sénateur Rubén Dario Quintero, qui fut son secrétaire personnel lorsqu’il était gouverneur de l’Antioquia, a de plus été arrêté le mois dernier. Ce cas réveille de mauvais souvenirs : à cette époque, Uribe encourageait le développement de milices au départ légales, mais qui ont vite plongé dans les massacres et le trafic de drogue.Le président Uribe bénéficie du soutien de 80% des Colombiens et, aussi, des Etats-Unis. Ici, le secrétaire à la Défense en visite à Bogota.
Toujours crédité d’une popularité de plus de 80 % dans les sondages, Alvaro Uribe accuse à demi-mot les juges de menacer «la stabilité institutionnelle» en utilisant les témoignages de «bandits».
Mais une affaire de clientélisme s’est ajoutée au «parascandale» : Yidis Medina, une congressiste dont le retournement a permis l’approbation d’une réforme constitutionnelle ouvrant les portes à la réélection d’Uribe, en 2006, accuse le Président de lui avoir proposé des postes en échange de son vote décisif.
Pendant les scandales, les narcomilices d’extrême droite sont toujours à l’œuvre : 23 syndicalistes ont été assassinés depuis le début de l’année, et des escadrons réarmés ensanglantent plusieurs régions pour s’assurer le contrôle des routes de sortie de la cocaïne. L’arrestation du premier cousin n’y aura rien changé.
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