jeudi 7 février 2008

Les lacunes d'un historien

Ils étaient sept hommes en guerre

Marc Ferro

Tempus, 472 p., 10,80 e, ISBN 978-2-262-02751-3.

Historien reconverti dans le publicisme, Marc Ferro est la providence des télévisions et des éditeurs. Ses ouvrages, qu'il pond avec la régularité d'un métronome, sont assurés d'un grand succès et ses émissions, comme Histoires parallèles sur Arte, ont rencontré un vaste public.

Facile à lire, ce titre consacré à la Seconde Guerre mondiale a été publié l'an passé par Robert Laffont et Tempus vient de le sortir en poche.

On peut sans danger le recommander pour l'usage des écoliers car il reste bien prudemment dans les clous du politiquement correct. Marc Ferro offrira même à ses jeunes lecteurs mal informés quelques frissons en leur dévoilant quelques dessous des cartes qu’ils ne risquent pas de lire dans leurs manuels scolaires.
En dépit d’une lecture attentive des bons auteurs (comme Stéphane Courtois ou François Delpla) et d’autres moins bons (F. W. Winterbotham), Marc Ferro ne peut tout connaître et se fait l’écho de légendes comme celle d’un Churchill en novembre 1940 décidant de partager le sort des Londoniens menacés par un bombardement allemand.
La vérité ? C’est exactement l’inverse.
Informé par ses services de renseignements qu’un important bombardement allemand au nom de code de « sonate au clair de lune » est en préparation avec pour cible probable Londres, Churchill a modifié ses rendez-vous pour passer la nuit dans la résidence de campagne de Ronald Tree où il a l’habitude de se rendre en toute discrétion à chaque fois que Londres va être bombardée. Belle manière d’éviter de dormir sous les bombes.
Mais le 14 novembre 1940 à 16 h 15, les spécialistes anglais analysant les signaux allemands de radio-guidage, découvrent que la cible du raid n’est pas Londres, mais Coventry.
John Martin, le secrétaire de Churchill, a rapporté dans son journal qu’il a remis le rapport urgent du ministère de l’Air à Churchill alors que celui-ci s’embarquait dans sa voiture pour quitter en catimini Londres.
En route, le premier ministre lit le message lui annonçant l’identité réelle de la cible des bombardiers allemands : Coventry.
À hauteur des jardins de Kensington, comprenant qu’il ne risque rien ce soir à Londres, Churchill ordonne au chauffeur de faire demi-tour et de rentrer au 10 Downing Street.
Un autre de ses secrétaires, John Colville, raconte dans son journal comment, ce même jour, alors qu’il sait pertinemment que la Luftwaffe est en route pour Coventry, Churchill explique à son équipe qu’il va passer la nuit sur la terrasse pour braver les bombardiers allemands.
Il est inutile de rechercher les détails de cet épisode dans les titres « autorisés » sur Churchill comme ceux de Martin Gilbert (qui, au crédit de Marc Ferro, ne figure pas dans la bibliographie de l’ouvrage qui nous occupe).

Ce court exemple d’une erreur flagrante de Marc Ferro ne dévalorise pas ce volume qui apporte de bien utiles points de vue, inhabituels pour l’historiographie française.

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