Dans le supplément télévision de l'Homme nouveau (du 2 au 15 février), l'historien Jacques Heers dénonce les dérives des films « en costume » qui, profitant de l'ignorance des téléspectateurs, n’hésitent pas à trahir l’œuvre dont ils s’inspirent, l’histoire et, tout simplement, le bon sens.
L’universitaire remarque à juste titre qu’un film comme le Da Vinci code est facile à réfuter car les affronts qu’il fait à la vérité sont si énormes que seul le plus naïf des spectateurs peut tomber dans le panneau.
En revanche, un téléfilm plus modeste sorti en 2003, Saint-Germain ou la négociation, dirigé par Gérard Corbiau, où Jean Rochefort et Marie-Christine Barrault jouent les premiers rôles, est bien plus dangereux.
Ecrit par le diplomate belge Francis Walder, le roman Saint-Germain ou la négociation reçoit le prix Goncourt en 1958. L’auteur a choisi une époque reculée pour être plus à son aise dans la description de diplomates au travail.
La première phrase donne le ton de l’ouvrage :
La vérité n'est pas le contraire du mensonge, trahir n'est pas le contraire de servir, haïr n'est pas le contraire d'aimer, confiance n'est pas le contraire de méfiance, ni droiture de fausseté.Véritable régal pour l’esprit, ce roman est toujours lu avec profit, non seulement par les amoureux de la littérature, mais aussi par les étudiants en gestion des entreprises désireux de mieux négocier ou encore par les futurs diplomates.
Le malheur a voulu que ce beau texte tombe entre les mains du cinéaste Gérard Corbiau qui en a radicalement modifié l’esprit.
Jacques Heers ne mâche pas ses mots :
Ce ne fut qu’impostures et moyens d’asséner un méchant message, malhonnête, éhonté. Les réformés sont, à tout moment, victimes des catholiques qui, capables et coupables de tout, enquêtent, soupçonnent et conduisent à l’échaffaud ceux qui ne crient pas les mots qu’il faut. Le moindre incident est prétexte à montrer leurs sbires, sombres brutes qui, chez le baron négociateur, bon chrétien catholique, enlèvent le précepteur d’un jeune enfant, qui a trop lu et se permet de penser. La paix enfin prête, c’est une scène finale, tout aussi fausse. Le roi prend figure d’un niais boursoufflé de superbe et un cardinal, qui n’a pas grand chose à faire là, celle d’un bandit à faire peur. On apprend que la reine Catherine de Médicis, seule aux commandes, a fait durer les marchandages pour mieux préparer les massacres de la Saint-Barthélemy. Deux ans à l’avance, elle ne pensait qu’à tuer. De ces massacres, on ne dit rien mais on entend très fort les cris des victimes, ceux de la belle et jeune femme, épouse du négociateur convertie à la Réforme, ceux surtout, atroces, insupportables, de son enfant. De bons acteurs, de beaux décors, un vernis de sérieux, c’était assez pour endormir des censeurs fascinés par le jeu et par les dialogues. Plusieurs de nos bons journaux ou magazines ont aimé.Que le professeur Jacques Heers se rassure, Aventures de l’histoire n’est pas au rang des laudateurs de ce mauvais film.
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