La double mort du roi Louis XIII Françoise Hildesheimer
Flammarion, 412 p., biblio., annexes, index, 22,50 euros, ISBN 978-2-0812-0308-2.
Grande dame des archives, Françoise Hildesheimer nous a gratifiés voici peu d’une belle biographie du cardinal de Richelieu (voir plus haut). Dans ce précédent ouvrage, elle a rééquilibré le couple politique à la tête de l’Etat en réhabilitant la part dévolue au monarque car il est difficile de faire le tour du cardinal-duc sans se heurter à la personne du roi. Toutefois, cerner la personne royale reste un exercice aux limites du possible tant la personnalité du prince de l’Eglise est imposante et hyperactive. Avec un nez remarquable, éduqué par des années de pratique, l’auteur a eu l’idée lumineuse de s’intéresser aux derniers mois du règne de Louis XIII, ceux qui séparent la mort de son premier ministre de la sienne. Cet intervalle, entre décembre 1642 et mai 1643, est très révélateur du rôle et de la personnalité du monarque, pourtant miné par la maladie.
Louis XIII, un roi méconnu.
Avec beaucoup de pédagogie, l’auteur introduit le lecteur aux grands débats politiques d’une France où le roi se meurt. Tout le royaume sait que le monarque n’a que quelques semaines, ou au mieux quelques mois à vivre, et la grande question est celle de la régence car le futur souverain n’a que quatre ans.
Françoise Hildesheimer montre bien que le roi ne peut pas régler sa succession selon son bon plaisir, les « lois fondamentales » du royaume s’imposent à tous, même à lui. L’autorité royale se transmet de manière automatique à un successeur désigné par la loi et non par le rapport de forces politiques.
En revanche, la charge de la régence n’obéit pas à de telles règles. Deux candidats sont en lice : Anne d’Autriche, la mère du dauphin, et Gaston d’Orléans, le frère cadet du roi. Qui va l’emporter ?
Anne d'Autriche, bien placée pour la régence.
En attendant, dès la mort de son premier ministre, Louis XIII poursuit l’œuvre de Richelieu et nomme Mazarin au Conseil, un signe évident de continuité.
L’auteur insiste à juste titre sur les mécanismes juridiques qui sont le fondement de la monarchie, comme les lits de justice. Elle en décrit minutieusement le fonctionnement, tout comme elle détaille la montée en puissance de Mazarin, dont elle met en lumière le peu d’intérêt pour les questions religieuses : il n’est même pas prêtre !
Françoise Hildesheimer se surpasse en plongeant le lecteur dans les circonvolutions d’une société compliquée où les alliances se fondent à la fois sur les rapports de force et les liens de sang. Les portraits qu’elle trace au fil des pages, du roi, de son principal ministre Mazarin ou de la reine Anne d’Autriche sont à la fois précis et concis.
Comme un magistrat instructeur, l’auteur dresse la liste des témoignages et sources de documents qui lui permettent de reconstituer les derniers mois de l’activité du souverain. Car il faut faire preuve d’ingéniosité pour combler les vides dans la vie d’un roi qui n’a pas laissé d’écrits. C’est en coupant et en recoupant les sources que l’historien peut reconstruire un récit cohérent, quitte à égratigner au passage ses prédécesseurs, moins férus de documents originaux et plus à même de faire confiance à des sources uniques.
Le roi s’affaiblissant de plus en plus, l’agitation s’accroît car tout le monde cherche à se placer en fonction de ses calculs pour la régence.
Enfin, le 20 avril 1643, le roi fait lire, devant les Grands du royaume et les représentants du Parlement, ce qui peut être considéré comme son testament politique dans lequel il désigne son épouse comme régente du royaume, mais en l’encadrant d’un quatuor de ministres en mesure de brider ses possibles initiatives. Quant à son trublion de frère, le roi le nomme lieutenant général du royaume, soit le garant de l’ordre dans le pays. Comme l’écrit l’auteur, il est à la fois « honoré et neutralisé ».
La mort de Louis XIII évoque celle de Philippe II, tous les deux affreusement minés par des maladies peu ragoûtantes et tous les deux animés par une foi sincère et une grande simplicité de vie, comme en témoigne la modicité de son trousseau.
Enfin, le livre s’attarde longuement sur le premier lit de justice de Louis XIV, organisé par Anne d’Autriche, qui casse les dispositions de son prédécesseur. Maintenant la régente tient son pouvoir du roi, imposant ainsi sa volonté au Parlement et réaffirmant les prérogatives royales.
Dans une certaine mesure, on peut parler de victoire posthume de Louis XIII car il a rallié son épouse à ses vues et le tandem Anne d’Autriche-Mazarin fait suite à celui formé par Louis XIII et Richelieu. Avec cette transition en douceur, l’Etat se normalise et se pacifie, annonçant la stabilité monarchique des règnes ultérieurs. Mais déjà se fait jour une évolution majeure, du roi serviteur de l’Etat que se voulait Louis XIII, on s’avance vers l’Etat au service du roi, comme le symbolise si bien le mot apocryphe de Louis XIV : « l’Etat, c’est moi ».
Rondement mené, d’une lecture plaisante, cet ouvrage n’en est pas moins le résultat d’un travail d’historien. En annexes, le lecteur trouve de nombreux documents originaux dans leur version intégrale, utiles à la compréhension du sujet ainsi que quelques pages consacrées à l’atelier de l’histoire qui se lisent avec bonheur. Bref, un ouvrage de qualité qui n’assomme le lecteur ni sous le poids d’une érudition aussi gratuite qu’inutile ni sous le nombre de pages. A recommander vivement.
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