jeudi 15 novembre 2007

Bonnet d’âne pour Arte


Guillaume II, le coupable de tout.

En programmant hier soir le calamiteux documentaire la Guerre moderne, réalisé par Heinrich Billstein et Mathias Haentjes pour la chaîne allemande WRD, Arte a gagné le bonnet d’âne du plus mauvais film d’histoire de la semaine (et peut-être même du mois).
Initialement destiné au marronnier du 11 novembre, ce long métrage de 89 minutes, diffusé pour la première fois en 2004, est un bel échantillonnage des erreurs à ne pas commettre dans un documentaire historique.
Tout d’abord, comme très souvent dans les films allemands, les réalisateurs sont tellement effrayés que l’on puisse les blâmer de réveiller les démons du nationalisme, qu’ils accusent systématiquement leur pays de tous les maux en parant ses ennemis de toutes les vertus.
C’est probablement ainsi qu’ils enseignent l’histoire dans les universités outre-Rhin, mais cette méthode ne passe pas en France et moins encore dans les pays anglo-saxons. Il est ainsi inexcusable que les cinéastes fassent commencer le conflit par la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France, sans dire un mot de l’attentat de Sarajevo ou de l’enchaînement funeste d’événements conduisant aux hostilités et où la Russie (et la France) a joué un rôle déterminant.
Mais, plus tard dans le film, Heinrich Billstein et Mathias Haentjes nous dévoilent les vraies raisons des hostilités : les industriels allemands ont poussé leur pays à la guerre pour multiplier leurs profits. Il fallait y avoir pensé !
Sans mollir, la voix-off du documentaire nous explique gravement que cinq divisions allemandes ont envahi la Belgique et deux autres divisions… l’Alsace ! En entendant ces propos, le téléspectateur peut à bon droit se frotter les yeux et les oreilles. Les Allemands ont-ils envahi l’Alsace en août 1914 ? Passe encore que l’inepte traducteur confonde Armées et divisions, mais qu’il ignore que l’Alsace faisait partie de l’empire germanique alors même que cette chaîne de télévision se veut franco-allemande, cela dépasse l’entendement.
La présentation de l’invasion de la Belgique par le IIe Reich ressemble à celle qui pouvait être faite voici trente ans, quand les historiens n’avaient pas encore décrypté le fil des événements ayant conduit l’armée impériale à y commettre des crimes impardonnables contre les populations civiles. De toute évidence, le scénariste a puisé son inspiration dans un manuel d’histoire publié en RDA.
Le choix des images est marqué par l’incompétence. Dans la même séquence on voit des scènes accolées les unes aux autres alors qu’elles sont séparées par des mois, voire par des années. Ainsi, un épisode de la première bataille de la Marne de 1914 est garni d’images tournées en 1916 ou en 1917. Des artilleurs en tenue de 1914 tirent des obus qui explosent au milieu de tranchées creusées des mois plus tard et peuplées de soldats au casque Adrian.
L’ignorance abyssale des auteurs se révèle à de nombreuses reprises. Un des plus belles est l’explication donnée à la bataille des Falkland en 1914, quand une petite flotte allemande de retour du Pacifique est coulée par les puissants canons d’un détachement de la Royal Navy. A en croire les auteurs, cette bataille était le résultat de la volonté de l’état-major allemand de disputer aux Anglais l’accès aux matières premières, notamment aux nitrates du Chili. Le vice-amiral graf von Spee, qui coula aux Malouines avec ses croiseurs, doit s’en retourner dans sa tombe glacée de l’Atlantique sud.
Il serait fastidieux d’énumérer les erreurs. Soulignons aussi une nouvelle fois cette perversité sadomasochiste qui semble obliger les scénaristes allemands a toujours donner raison aux adversaires de leur pays, même au mépris du simple bon sens. Prenons le cas de la guerre sous-marine. Les auteurs n’ont pas de termes assez durs pour la condamner, mais il se gardent bien d’évoquer (sauf en quelques mots rapides) le blocus imposé à l’Allemagne par les Anglais qui est une des justifications de la guerre sous-marine.
Enfin, autre belle perle, Heinrich Billstein et Mathias Haentjes n’hésitent pas à dire que les troupes américaines qui débarquent en Europe comptent parmi les mieux armées du moment. Il suffit d’ouvrir les souvenirs du général Pershing pour savoir qu’il n’en est rien. Les Américains n’avaient pas assez de fusils pour armer leurs soldats et pas de canons pour les soutenir ou d’avions pour les éclairer.Ce dénouement est une des raisons de l’entrée tardive en lice des Sammies, plus d’un an après la déclaration de guerre de leur pays.

NB : Nos lecteurs qui veulent rire un peu profiteront de la rediffusion de ce documentaire le 17 novembre prochain. Nous ne pouvons que leur conseiller de regarder le bien meilleur film proposé gratuitement par l’Express à ses lecteurs : un commentaire correct et des images moins indigentes.

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