Un film qui aide à comprendre les Etats-Unis.
Il est ardu de suivre les circonvolutions de la politique des Etats-Unis si on ne perçoit pas les spécificités dans l'appréhension du monde de nombre de ses habitants. Sans remonter au déluge ni à l'arrivée des tristes pèlerins du Mayflower, l'identité religieuse des colonies anglaises s'est développée à partir de l'anglicanisme officiel (devenu par la suite le culte épiscopalien) et de dérives protestantes sectaires venues chercher en ces lieux des refuges à la marginalisation dont elles souffraient en Europe.
Contrairement à une croyance bien établie, la religion protestante aux Etats-Unis connaît de fortes évolutions avec le temps et ces changements ne sont pas uniformes géographiquement. Ce qui peut apparaître comme anodin, et même anecdotique, est en réalité déterminant pour la vie politique du pays.
Aujourd'hui, le rôle de la droite protestante dans la victoire électorale de George W. Bush est bien connu. Mais la part qu'elle a joué, par exemple, dans le déclenchement de la guerre de Sécession est oublié. En effet, les origines de ce conflit sont tout autant spirituelles qu'économiques. Alors que les premiers colons avaient conservé une étroite communion religieuse, à partir de la fin du XVIIIe siècle, le Nord s’est progressivement rallié à des visions plus libérales et dans les premières années du XIXe siècle, la foi réformée traditionnelle avait été chassée du Nord et de l’Ouest des Etats-Unis au profit d’une version sécularisée pour laquelle l’homme n’est pas sur terre pour faire son salut mais pour réformer la société.
Quelques historiens étatsuniens affirment que les véritables instillateurs du venin révolutionnaire au XIXe siècle ne sont pas Marx et ses disciples, mais les évangélistes radicaux américains qui ont propagé dans leur pays, puis dans le monde entier, les idées qui donneront plus tard naissance, entre autres, à l’éducation laïque, au pacifisme et au féminisme.
A l’opposé de ces exaltés, les Sudistes sont restés attachés à une lecture au pied de la lettre de la Bible et ont refusé toute fantaisie moderniste. En politique, ils considéraient que la constitution, la bible laïque du pays, devait être interprétée strictement, sans l’adapter aux évolutions de l’opinion publique.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que, de prêche en prêche et d’élection en élection, le Nord se soit progressivement convaincu que le Sud était le seul obstacle à son ambition de devenir une puissance industrielle chargée d’assurer le bonheur de l’humanité.
Quand un peuple se divise aussi profondément, la sécession et la guerre ne sont plus qu’une question de temps. Il suffit de trouver un prétexte. La question de l’esclave ne sera que l’un d’entre eux.
Allons-nous connaître au XXIe siècle des conflits nés de l'antagonisme entre une minorité de protestants radicalisés et le reste de la population des Etats-Unis ? Il est trop tôt pour le dire.
En revanche, il serait utile pour tous ceux qui s'intéressent à ces questions de se rendre au festival du documentaire du cinéma Manivel de Redon pour voir Jesus Camp, un remarquable documentaire sorti en france en avril 2007 sur un des aspects du protestantisme américain. Fruit du travail de deux cinéastes qui ont accompagné durant un an Becky Fischer, un pasteur spécialisé dans l'évangélisation des enfants, ce film a été conçu pour plaire à la fois aux évangélistes et à leurs adversaires. Le premier objectif est atteint en offrant des images sans les commenter, avec pour seule bande son la musique et les paroles des évangélistes. Le second, en revanche, est atteint en offrant aux libéraux l'image exagérée d'un ennemi qu'ils aiment haïr, cette Amérique brute de décoffrage qui défrise tant les Européens que les habitants plus éclairés de la côte Est.
Les cinéastes ont joué de quelques tours bien connus pour exacerber le contenu de leurs images. Par exemple, ils ont toujours cadré de très près les assemblées afin de ne pas révéler que le camp d'été de ces jeunes protestants n'a jamais rassemblé plus d'une centaine de personnes, parents compris. Ou bien, le contre-point politique est apporté par les scènes filmées dans le studio d'un animateur radio très à gauche qui attaque bille en tête les évangélistes.
En dépit de ses qualités, le film ne donne qu'une image partiale et partielle de l'Amérique. A aucun moment il n'est question des catholiques et les cinéastes jouent parfois d'un sens de l'amalgame un peu rapide. Ainsi, quand ils mettent l'accent sur l'appui des évangélistes à la nomination du juge Alito à la cour suprême, à aucun moment ils ne rappellent que ce juge est catholique et non protestant.
Toutefois, le résultat final est très révélateur de la mentalité d'une grande partie des protestants américains, ceux qui s'engagent dans la vie publique et qui soutiennent les candidats les plus conservateurs. Indiewire, un magazine de gauche consacré au cinéma indépendant a publié un fort intéressant entretien avec le pasteur Becky Fischer.
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