En 1956, une commission composée par d'anciens résistants refuse d'accorder le titre de résistant à Guy Môquet. Elle lui accorde en revanche la qualité d'interné politique.
Voici quelques jours, France télévision a résumé en quelques lignes, l'inculture générale des médias concernant le jeune militant communiste Guy Môquet.
FICHE PROGRAMME
LES RÉSISTANTS DE LA PREMIÈRE HEURE - Histoire
Date : 25/10/2007, Horaire : 23H05, Durée : 74 mn, Origine : Fra. (2002)Stéréo. Réalisation : Philippe Costantini.
En 1939, Guy Môquet, âgé de 15 ans, s'engage contre l'occupant et le fascisme. Peu après, ses activités sont dénoncées, et l'adolescent se retrouve incarcéré à la prison de la Santé, puis à Fresnes, à Clairvaux, et enfin au camp de Choisel, à Châteaubriant. En 1941, un attentat commis contre un officier allemand vaut à Guy d'être fusillé, avec vingt-six de ses compagnons de détention. Il ne reste de lui que les lettres envoyées à ses parents et les récits de ses proches.
Dans un long article consacré à l’attitude du PCF entre le pacte de non-agression germano-soviétique et l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne ne juin 1941, l’historien Didier Lecerf écrit :
De la propagande « défaitiste-révolutionnaire » aux sabotages
C’est l’époque où le Parti multiplie les attaques violentes contre les « traîtres », les « criminels », les « impérialistes de Londres et de Paris », ainsi que les appels à la désertion, voire au sabotage (« Une heure de moins pour la production, c’est une heure de plus pour la révolution »)… Quelques exemples : en février 1940, dans un article publié dans l’internationale communiste, Thorez attaque violemment « Blum-le-bourgeois », qui tremble « pour ses privilèges » ; « Blum-le-policier » en qui il y a « l’aversion de Millerand pour le socialisme, la cruauté de Pilsudski, la férocité de Mussolini, la lâcheté qui fait les hommes sanguinaires comme Noske et la haine de Trotski envers l’union soviétique » ; « Blum-laguerre », « monstre moral et politique », « reptile répugnant », « bon chien de garde » qui « aboie à pleine gueule contre la classe ouvrière, contre l’Union soviétique, contre le communisme » ; le 1er février 1940, dans l’Avant-Garde, on peut lire : « Tournez vos armes contre vos ennemis de classe à l’intérieur du pays » ; et dans un tract de la même époque : « l’ennemi n’est pas de l’autre côté de la ligne Siegfried, mais bien à l’intérieur de votre propre pays »….
Du texte à l’acte, il n’y a qu’un pas : il est vite franchi. Répondant aux appels du Parti, des militants, parfois très jeunes, commettent des sabotages dans l’aéronautique, les poudreries, les usines de char. En mai 1940, le 3e tribunal militaire de Paris juge six membres des Jeunesses communistes travaillant aux usines Farman, pour des sabotages commis sur des moteurs d’avion (ils auraient provoqué la mort en vol de 15 pilotes). 4 sont condamnés à mort ; 3 sont fusillés en juin 1940, au fort de Ha, près de Bordeaux (Maurice Lebeau et 2 frères, Roger et Marcel Rambaud) ; le plus jeune n’a que 17 ans ; comme Guy Môquet…
Le Parti rêve d’un retour à la légalité dans une France en partie occupée par les Allemands
Pendant et après la débâcle de mai-juin 1940, les communistes restent fidèles au « défaitisme révolutionnaire », et ce jusqu’à l’offensive allemande contre l’Union soviétique, en juin 1941. En effet, comme a pu l’écrire Philippe Robrieux, « vue de Moscou (…), la France du début de l’été 1940, c’est (…) la Russie du printemps 1917 (…) Les directives de la direction stalinienne (…) reflètent cet état d’esprit : il faut mettre le Parti tout entier sur une ligne offensive, il faut s’engouffrer dans le vide politique, et viser le pouvoir, tout en prenant bien garde de ne pas heurter les Allemands afin de ne pas risquer de provoquer une réaction hitlérienne d’où surgirait un conflit dangereux et prématuré avec l’Union soviétique. Dans cette optique, comme au temps de la paix de Brest-Litovsk, il importe de détourner les Allemands de l’Est et de les laisser libres de mener contre l’Angleterre leur politique d’expansion à l’Ouest ». D’où les milliers de papillons : «Thorez au pouvoir ! » qui fleurissent alors.
D’où des attaques tournées « uniquement contre le régime de Vichy et contre les Anglais qui continuent la guerre » ou encore « contre les anciens hommes politiques de la IIIe République, contre ceux qui ont conduit la guerre (…), et plus particulièrement contre les leaders socialistes et radicaux ». D’où les « lettres adressées par les députés communistes, internés à la prison du Puy, au maréchal Pétain ou à son ministre de la Justice, pour leur demander d’être entendus comme témoins à charge contre Blum et les responsables de la IIIe République internés, ou sur le point de l’être, par le régime de Vichy ».
D’où l’article de l’Humanité clandestine du 4 juillet 1940 trouvant « particulièrement réconfortant, en ces temps de malheur, de voir de nombreux travailleurs parisiens s’entretenir amicalement avec les soldats allemands (…) » et appelant les « camarades » à continuer, « même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants »… D’où le mot d’ordre communiste : « La France au travail », lancé alors pour que les entreprises, les usines rouvrent leurs portes et fonctionnent « le plus tôt possible ». D’où, enfin –et surtout-, « la manoeuvre politique ordonnée par Jacques Duclos, (…) sur directives du Komintern, consistant à faire sortir le Parti entier de la clandestinité et à le faire entrer dans la légalité ». Manoeuvre qui se traduit notamment par les fameuses démarches effectuées auprès des Allemands, en juin 1940, sur ordre de Maurice Tréand, bras droit de Thorez, - avec le feu vert de l’ambassade soviétique - pour faire reparaître l’humanité au grand jour (à peu près au même moment, des journaux communistes paraissent en Belgique, au Danemark et en Norvège occupés)…
Mais, comme l’a écrit fort justement Philippe Robrieux, « cette politique insensée (…) va coûter très cher au Parti ». En fait, elle permet à la police française, désormais aux ordres du régime de Vichy, de poursuivre les arrestations de militants communistes qui s’emploient, dans une semi-clandestinité, à diffuser les mots d’ordre « défaitistes-révolutionnaires » du PC. Ainsi en octobre 1940, des centaines d’entre eux sont appréhendés, dont le jeune Guy Môquet, 16 ans (arrêté au métro Gare de l’Est, à Paris). Ces arrestations portent à « peut-être 18 000 » le nombre des militants détenus. Résultat : à la fin 1940, « il n’y a probablement pas deux mille communistes organisés à l’échelle de la France ».
Guy Môquet, un résistant qui n’a pas eu l’occasion de résister, en raison de la ligne du Parti
Une fois arrêté, Guy Môquet est passé à tabac, emprisonné à Fresnes puis à Clairvaux, et finalement acquitté. Mais malgré cet acquittement, il est transféré au camp de Choisel, à Châteaubriant, où il rejoint d’autres militants communistes arrêtés le plus souvent entre septembre 1939 et octobre 1940. On connaît la suite… Le 21 juin 1941, la Wehrmacht entre en URSS ; dès lors, « au soulagement de nombreux communistes (…), la situation redevient claire ». « Hitler fait la guerre à l’URSS, proclame l’Humanité du 22 juin 1941. De ce fait, chaque Français digne de ce nom doit désormais se considérer comme (son) allié ». Désormais, conformément aux directives de Moscou, le Parti, entré en résistance, se doit de « terroriser l’ennemi ». Ainsi, le 15 juillet,
7 militants font dérailler un train, près d’Epinay-sur-Seine ; le 15 août, l’Humanité lance l’appel officiel à la lutte armée : « Francs-Tireurs de 1941, debout pour chasser l’ennemi du sol sacré de la patrie » ; enfin, le 21 août, à Paris, Pierre Georges, le futur « colonel Fabien », abat l’aspirant Moser, dans le métro, sur le quai de la station Barbès-Rochechouart (deux jours auparavant, 6 jeunes militants communistes ont été fusillés pour avoir organisé une manifestation)… Face aux attentats, les Allemands réclament des otages à fusiller. Les milliers de communistes emprisonnés en 1939-1940, au temps du « défaitisme-révolutionnaire » -à commencer par ceux de Châteaubriant-, vont leur en fournir de nombreux. Le cycle infernal attentats-représailles commence…
Le 20 octobre 1941, trois jeunes communistes dont Gilbert Brustlein, venus exprès de Paris à Nantes, tuent le lieutenant-colonel Karl Hotz. Deux jours plus tard, le 22 octobre, les Allemands, en représailles, fusillent à Châteaubriant, dans la carrière de la Sablière, 27 otages du camp de Choisel – dont Guy Môquet -, tous communistes ; à Nantes, ils exécutent 16 otages, tous arrêtés pour propagande gaulliste, inscriptions hostiles, diffusion de tracts ou cris patriotiques – parmi eux, André Le Moal, lui aussi âgé de 17 ans, coupable d’avoir crié « Vive de Gaulle ! » - ; enfin, au Mont Valérien, ils en abattent 5 autres (4 communistes, 1 non communiste).Tous tombent en criant « Vive la France ».
Ce 22 octobre 1941, 48 Français sont morts : 31 communistes et 17 non-communistes. Mais très vite, les 27 de Châteaubriant - à commencer par Guy Môquet -, objet d’un véritable culte initié par le Parti, vont éclipser dans la mémoire collective les autres fusillés de ce triste jour, pourtant guère plus âgés qu’eux. Comme ils vont éclipser aussi les trois jeunes auteurs de l’attentat de Nantes. A tel point que, lors de la commémoration de 1991, en présence de Georges Marchais, l’un d’entre eux, Gilbert Brustlein, ulcéré, fit un véritable scandale, réclamant sa présence à la tribune et criant à l’adresse du secrétaire général du Parti : « Tu n’as pas ta place ici ! »
Dès lors, une question ne peut manquer d’être posée : pourquoi, dès l’origine, cette différence de traitement, cette monopolisation de « la lumière mémorielle » par les 27 de Châteaubriant, ce culte célébré en l’honneur de Guy Môquet, alors que le nom d’André Le Moal, mort le même jour au même âge, reste inconnu ?
Si l’on en croit deux historiens iconoclastes, Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, la réponse à cette question tient en une phrase : pour « gommer les errances de 1940, faire croire, par le biais de ces martyrs, que le Parti a résisté bien avant le 22 juin 1941 ». En fait, les communistes ont probablement mis l’accent sur leurs militants fusillés à Châteaubriant pour occulter cette réalité devenue pour eux des plus gênantes : lorsque Guy Môquet et ses camarades ont été arrêtés en 1939-1940, leur ligne à l’égard de l’occupant n’était pas vraiment à la résistance…
Nicolas Sarkozy se veut l’incarnation de la « vraie droite », de la « droite décomplexée ». Dès lors, il n’est peut-être pas utile qu’il commence son quinquennat en se sentant obligé, par l’association des mots « Môquet » et « résistant », de conforter le vieux bobard du Parti communiste prônant la lutte contre l’occupant dès mai-juin 1940. Que les communistes et leurs compagnons de route continuent de d’affirmer effrontément une telle contre-vérité est une chose ; mais qu’un homme qui se prétend de droite, et a réussi à se faire élire pour cette raison, vienne à son tour apporter de l’eau à leur moulin en est une autre…

1 commentaire:
Votre papier, cher Balbino, est aussi orienté et idéologique que ce qu'il dénonce !
Vous et vos sources êtes des intégristes du 22 juin 41 comme date de naissance de la résistance de tous les communistes français. Tout au plus, avant, certains étaient troublés. Aucun n'agissait, ou du moins ne paraît digne, comme tel, de votre attention ni de celle de vos lecteurs.
Hénaurme ! Pas d'appel de Bordeaux de Charles Tillon, par de manif du 11 novembre à l'Etoile ou du moins pas de communistes ni dans les organisateurs ni dans les participants, pas de "front national pour l'indépendance de la France" en mai 41...
Pourquoi exagérer ainsi ? Serait-ce que le dossier des actes réels de collusion ou de fraternisation vous paraît trop léger ??!!
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