En novembre 1941, le corsaire (croiseur auxiliaire) allemand Kormoran est en maraude dans l'océan Indien, le long des côtes australiennes. Sous le déguisement d'un cargo hollandais, il cache une puissante artillerie et des pointeurs expérimentés.
Un redoutable croiseur australien navigue lui aussi dans les mêmes eaux, l'HMAS Sydney.
La route des deux navires se croise et, au cours d'une brève mais furieuse bataille navale, dont le récit ne nous est connu que de sources allemandes, le cargo réussit à mettre en fuite le puissant navire de guerre.
Toutefois, les deux bâtiments sont sérieusement touchés et, finalement, le Kormoran coule avec les corps de 80 marins morts au cours du combat et les survivants s'entassent sur les bateaux de sauvetage qui atteignent finalement les côtés autraliennes où l'équipage est fait prisonnier.
En revanche, nul n'entend plus jamais parler du Sydney et de ses 645 hommes d'équipage. Les Allemands affirment aux enquêteurs qu'ils ont vu le croiseur s'éloigner en flammes et qu'ils l'ont perdu de vue le 19 novembre 1941.
Les Australiens admettent difficilement que le croiseur ait pu être coulé par un simple cargo aux tôles pas plus épaisses que du papier d'emballage. Des nombreuses théories ont été échafaudées : que les Allemands avaient mitraillé les survivants, qu'un sous-marin japonais avait coulé le croiseur pour saveur le Kormoran, etc.
Après des années de polémique, une expédition financée par le gouvernement australien a retrouvé l'épave du croiseur à 500 milles au nord de Perth et à seulement 12 milles de l'épave dur corsaire allemand.
Un examen attentif de la coque et des superstructures pourra peut-être livrer la clef du mystère.
La fiche de prisonnier de Theodor Detmers, commandant du Kormoran. Elle le suit pas à pas durant sa captivité. On y lit son évasion de Dhurringile en janvier 1945, sa recapture et sa punition. Plus tard dans l’année, il sera admis à l’hôpital, victime de deux attaques cardiaques (Archives australiennes MP1103/1, 47).
Le dernier survivant du Kormoran, le mousse Bill Elmecker, a fait souche en Australie et livre ses souvenirs à un journaliste local.
Bill Elmecker a toujours bon pied et bon oeil. Il vit à Victoria, en Australie.
Pour en savoir plus
Le parlement australien a mené une enquête très complète sur les événements.
Il existe un ouvrage récent en français qui aborde ces événements.
Aventures dans les mers du sud
Louis Baumard & Jean Guillou
L’étrave (Le Frêne 61110 Verrières), 190 p., ill., 18 e franco, ISBN 2 909 599 58 2.
Les Européens ont commencé à explorer réellement les mers du Sud au XIXe siècle, une époque à laquelle se développait une abondante littérature de voyage. C’est sans doute pour cela que la matière ne manque pas et que l’auteur a trouvé sans peine une vingtaine de récits passionnants qui vont ravir les amateurs d’histoires de mer. Le style est agréable, la mise en page élégante et les illustrations abondantes. Toutefois, les textes exploitent des sources secondaires et voilà pourquoi on peut trouver des erreurs dont l’origine précise est invérifiable. Ainsi, en racontant le combat entre le corsaire allemand (et non pas «pirate» comme l’écrit l’auteur) Kormoran et le croiseur australien Sydney, le texte avance que ce dernier est armé de huit canons de 100 mm. Erreur, ce sont des canons de 152 mm, longs de cinquante calibres. Puis il cite le chiffre de 318 naufragés recueillis par les Australiens, « dont beaucoup de marins chinois ». En réalité, les autorités locales n’en dénombreront que trois. Puis, l’auteur insiste beaucoup sur la personnalité du commandant du Kormoran, selon lui, un nazi fanatique. Faute de bibliographie, la source de cette affirmation semble être l’ouvrage sensationnaliste Who Sank the Sydney ?, publié en 1981 par Michael Montgomery dont le père était mort à bord du croiseur. Pour blanchir le commandant du Sydney, Montgomery a échafaudé l’hypothèse d’une manœuvre illégale du pacha du Kormoran, forcément un nazi sans scrupules. Il va jusqu’au point d’accuser les Allemands d’avoir mitraillé les Australiens survivants avec la collaboration d’un sous-marin japonais de passage. La ficelle était si grosse que trois ans plus tard paraissait en Australie, sous la plume de Barbara Winter, une réfutation de ces sornettes sous le titre HMAS Sydney : Fact, Fantasy and Fraud. Enfin, l’historien Tom Frame publiait à son tour HMAS Sydney : Loss & Controversy mais malheureusement, lui aussi avance, sans aucune preuve sérieuse, l’hypothèse que la perte du Sydney résultait d’un acte illégal de la part du commandant du Kormoran car comme tous les officiers de marine allemands, il aurait été par essence enclin à commettre des crimes de guerre.
Enfin, la dernière phrase de ce chapitre est particulièrement malheureuse. Rappelant que, pendant la Grande Guerre, un autre Sydney avait coulé le croiseur auxiliaire allemand Emden, l’auteur conclut : « L’histoire ne dit pas ce qu’il advint de ses marins ». Hélas pour lui, l’Histoire a servi de caisse de résonance aux exploits des rescapés de l’Emden dont l’épopée à bord du voilier Ayesha aurait eu toute sa place dans ce livre.
1 commentaire:
Keep up the good work.
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