vendredi 30 novembre 2007

Alain Duhamel, le dernier des belgicains ?

Alain Duhamel défend la Belgique bien au chaud à Paris.

Le visiteur qui m'a reproché d'avoir oublié la chronique d'Alain Duhamel dans le numéro de Libé consacré à la Belgique a bien eu raison de le faire. Ce commentateur tout-terrain de la vie politique française possède une compétente réelle et reconnue pour analyser les évolutions des partis et des élites parisiennes qui les dirigent. Certes, il peut commettre quelques bévues, comme oublier de citer Marie Ségolène Royal au sommaire d'un livre consacré aux possibles candidats socialistes à la présidence de la République, mais il se rattrape talentueusement aux branches sur les plateaux de la télévision, où il est souvent invité, ou bien dans les débats radiophoniques auxquels il apporte une verve bienvenue.
En revanche, sa chronique consacrée à la Belgique dans le moniteur des bobos métropolitains a vraisemblablement été écrite entre deux rendez-vous, sur le coin de table d'un bistrot, car les qualités habituelles du rédacteur ne s'y trouvent guère.
Même s'il rappelle que cet Etat n'est en rien une veille nation, la dimension d'accident de l'histoire de la Belgique échappe largement à Alain Duhamel. Notre auteur ne mentionne guère que les peuples qui la composent possèdent quant à eux une longue histoire et une forte notion de leur identité (principalement les Flamands, il faut le concéder).
Avancer, comme il le fait, que la Belgique inventait le modèle européen du XXIe siècle est une grave erreur de perspective. La logique de l'intégration européenne est celle de la mort d'Etats artificiels, comme la Belgique, au profit de l'Europe des régions. C'est bien ce que dénoncent à juste titre des souverainistes français comme Pierre Hillard qui craignent qu'un jour un sort semblable ne frappe la France.
La Belgique n'ayant pas d'histoire, mais que des regrets, la séparation des Flamands des Wallons ne sera guère plus douloureuse que celle entre les Tchèques et les Slovaques, deux autres peuples éloignés par des reproches et des avanies réciproques.
Sans son billet, Alain Duhamel frappe très fort en écrivant : « Depuis le Moyen Age, la Belgique a été occupée par les Bourguignons, par les Espagnols, par les Autrichiens, par les Français, par les Allemands, par les Hollandais… » Faut-il en déduire que cette Etat surréaliste est né au Moyen Age ? Pourquoi pas du temps des Romains ? Il en ajoute un couche sévère : « [la Belgique] n'a trouvé sa forme réelle de nation qu'en 1831 ». Sapristi, notre homme vient de ressusciter le terme de « nation » dans son acception parisienne (celle qui démontre tous les jours sa validité dans les banlieues françaises à la lumière des voitures qui brûlent) pour l’appliquer à la Belgique. Il est pourtant bien placé pour savoir que le terme nation désigne deux réalités bien différentes que l’on soit français ou non. Pour les premiers, la nation regroupe des citoyens animés par la volonté de vivre ensemble ; pour le reste de l’Europe, une nation regroupe des personnes ayant en commun une histoire, un héritage culturel et une langue.

Les armoiries de Philippe II. Contrairement aux affirmations téméraires d'Alain Duhamel, les Espagnols n'ont pas occupé la « Belgique ».


Donc pour Alain Duhamel les Belges constituent une nation et les Flamands sont d’affreux communautaristes. Alors que pour un Allemand ou pour un Ecossais, les Flamands constituent un cas exemplaire de nation opprimée qui a le droit d’obtenir son indépendance.
Mais la question doit être posée, si les Flamands constituent une nation, que sont les Wallons ? La réponse sans fard est : pas grand chose. Ayant oublié leur héritage historique, largement associé au Saint Empire Romain Germanique, à la Bourgogne, aux monarchies hispanique et habsbourgeoise, ayant cru que la Belgique allait se révéler un cadre adapté à leurs ambitions, parlant la même langue que leurs voisins méridionaux, il manque aux Wallons les fondamentaux pour se bâtir une nation. Voilà pourquoi, face à l’irrédentisme flamand, il ne leur reste plus qu’à agiter le tricolore belge et à distribuer des bisous belgicains. Pas de quoi faire changer d’avis un Flamand.
Si, on peut avancer une autre hypothèse de travail : celle de reconstituer les Pays-Bas, en rassemblant les néerlandophones du nord et du sud avec les francophones au sein d’une entité fédérale à imaginer. Il faudrait aussi profiter de l’opportunité pour rendre les territoires allemands, fruit peu glorieux du butin de 1918, et laisser aux Wallons germanophones le choix de rejoindre le Luxembourg s’ils le souhaitent. Il me semble qu’ils seraient nombreux à le faire. On respire un meilleur air rue du Curé ou rue Notre-Dame à Luxembourg que rue Général-De-Gaulle à Liège.
Cela semble un rêve ? Oui, mais ne dit-on pas que Tintin est allé sur la Lune ?

Reportage à Louvain et à Leuven

L'université flamande de Leuven. Un paradis pour la recherche.

Richard Werly, envoyé spécial du quotidien suisse le Temps à Leuven et à Louvain-la-Neuve, a publié un très bon reportage sur les deux universités que se font face. En voici des extraits :

Le chagrin belge des deux Louvain

Boutés hors de l'université flamande de Leuven en 1968, les francophones de Louvain- la-Neuve vivent au quotidien les fractures linguistiques de la Belgique. Reportage de part et d'autre de la frontière académique, aux côtés d'enseignants partagés entre patriotisme et défaitisme.

Sur les pavés mouillés de la Grote Markt, la place du marché située au pied de l'imposante bibliothèque universitaire de Leuven, une poignée de tracts jaunes prouvent que l'humour belge a la vie dure. Côté pile: le dessin d'une fillette et d'un garçonnet en train de s'embrasser. Côté face: un appel d'un collectif d'étudiants néerlandophones et francophones à se rassembler, au cœur de cette ville flamande érigée depuis le XVe siècle autour de la Katholieke Universiteit Leuven (KUL), pour s'étreindre chaudement. Histoire de montrer, au vu et au su de tous, que le nord et le sud de la Belgique ont encore de l'affection l'un pour l'autre. Voire plus, si affinités.

Difficile, pourtant, d'échapper aux crispations politiques ambiantes, après cinq mois sans gouvernement fédéral à Bruxelles. En ce mercredi 21 novembre, à l'heure dite et sous un soleil timide, ils sont moins de 200étudiants, surtout francophones, à arpenter la place en quête d'une âme sœur à couvrir de tendresses belgicaines. La bière Primus, sponsor de l'événement, a beau faire mousser de son mieux l'événement, les étudiants de la KUL, affairés à potasser dans la grandiose salle de lecture voisine, ne sont pas en émoi. Peu d'entre eux sont descendus tendre leurs joues. Un demi-fiasco accueilli avec sourire et soulagement par les six policiers déployés pour isoler une bande de nationalistes du Vlaams Belang, le parti d'extrême droite flamand: «Nos universités se tiennent à l'écart des convulsions politiques de la Belgique, explique l'un d'eux dans un très bon français. Plus cela durera, mieux ce sera.»

Les étudiants de la bibliothèque de la KUL ne sont guère demandeurs de bisous belgicans.

Logée depuis le début des années 70 dans une ville nouvelle construite de l'autre côté de la frontière linguistique, l'Université catholique de Louvain-la-Neuve (UCL) a mis sur ses plaies le baume de la modernité: un campus à l'américaine distribué dans une cité entièrement piétonnière de brique, de béton et de verre, un théâtre Jean-Vilar à l'avant-garde de son art, une réputation justifiée de première université francophone de Belgique.

Leuven-Louvain. KUL-UCL: deux bastions intellectuels convaincus d'avoir enterré pour de bon les souvenirs terribles de 1968, lorsque 70000 manifestants flamands marchèrent sur Bruxelles, ruinant le rêve d'un enseignement bilingue après des siècles de domination latine et provoquant le départ forcé des francophones d'un temple du savoir qu'ils croyaient être le leur.

Face à face? Prorecteur de Louvain-la-Neuve, chargé de la culture et de la communication, Gabriel Ringlet refuse d'emblée d'appliquer à l'université la grille de lecture politico-linguistique qui paralyse la Belgique depuis les élections législatives du 10 juin, remportées par une droite flamande résolue à déshabiller l'Etat fédéral pour donner plus de compétences aux régions.

«Nous travaillons beaucoup ensemble, explique-t-il. La preuve: nous ouvrirons bientôt un bureau conjoint en Chine, et nous prévoyons, en février 2009, de décerner pour la première fois des doctorats honoris causa communs.» Belle preuve d'altruisme universitaire alors qu'à Bruxelles les politiciens flamands et francophones, passés souvent sur les bancs de ces deux établissements, se renvoient la responsabilité d'une mort prochaine de la Belgique? «Cela dépend comment on voit les choses, corrige Freddy Jochmans, tout nouveau directeur général de la KUL. La paralysie de l'Etat fédéral ne nous touche pas trop car nos ressources viennent des régions. Il n'y a donc pas d'impact direct. Au contraire: nous sommes unis pour réclamer plus de moyens.»

Il faut quitter les bureaux respectifs des recteurs pour comprendre et sentir les fissures belges à l'œuvre. A Louvain-la-Neuve, cela conduit, détail géographique pas si anodin, à arpenter les places aux noms... de penseurs français: Montesquieu, Sainte-Barbe, Blaise Pascal... Marc Verdussen enseigne le droit constitutionnel à l'UCL. La Belgique, pour lui, est bel et bien malade. «Il est parfaitement possible de faire coexister au sein d'un même Etat des peuples à l'histoire et aux valeurs différentes, juge ce bon connaisseur des fédéralismes canadiens et suisses. Le problème est que nous sommes un pays traversé par une forte bipolarité dans lequel les citoyens, au nord et au sud, ne partagent plus entièrement la même conception de la démocratie. Au nom de leur prospérité économique les Flamands, majoritaires, sont tentés par la loi du plus fort.»

L'université francophone de Louvain. Un résumé de la Wallonie.

L'histoire. Pour la comprendre, rien de tel que d'écouter Jan Roegiers, l'archiviste en chef de la fameuse bibliothèque de Leuven, reconstruite, après l'incendie de 1914, grâce à de massives donations américaines. Sur son pays, cet historien flamand adepte d'une méticuleuse langue française est une véritable mine. «On ne s'en rend pas compte aujourd'hui, raconte-t-il, mais la Belgique en ruines, au sortir de la Première Guerre mondiale, incarnait la connaissance européenne victime de la barbarie allemande. La reconstruction de Leuven fut imposée par le traité de Versailles. Le monde entier des lettres se mobilisa pour nous venir en aide. Nous symbolisions alors l'unité des vainqueurs.»

Changement radical de décor au fur et à mesure de l'avancée du siècle. Jan Roegiers était là, en mai 1966, lorsqu'une déclaration des évêques belges prenant outrageusement le parti de la langue de Molière transforma cette ville du savoir en chaudron des intransigeances linguistiques. La révolte flamande éclata deux ans plus tard, en 1968.

«Je me souviens de cette baie vitrée brisée par les pavés» poursuit l'historien en désignant les vitraux donnant sur la Grand-Place. Jusqu'à la blessure suprême: l'éviction des francophones et le partage à la hussarde des 1,6 million de livres de la bibliothèque. Numéros pairs pour l'UCL. Impairs pour la KUL. Un divorce caricatural. Même si, affirme Jan Roegiers, «tout fut fait pour préserver l'intégralité des encyclopédies et des livres rares, contrairement à ce qu'on raconte parfois.»

La question linguistique, depuis, est inhérente à l'UCL comme à la KUL. «Les fractures remontent à la surface régulièrement. Comme en Belgique», confirme Gabriel Ringlet. Avec de sacrées différences. A Louvain-la-Neuve, les balcons des résidences étudiantes se sont ainsi couverts de drapeaux rouge-noir-or, en réaction aux menaces d'éclatement du pays. A Leuven, le seul drapeau visible, hormis l'étendard flamand frappé du Lion, est celui... de la Chine, dont une délégation universitaire achève de visiter les lieux.

A l'UCL comme à la KUL, l'anglais domine et progresse en outre chez les étudiants, plus préoccupés de s'expatrier que de profiter des accords mutuels offrant aux francophones de suivre les cours en flamand. Et vice-versa. 25000 étudiants côté Louvain, 31000 côté Leuven, dont un pourcentage croissant d'étrangers. Qu'en déduire? «Soyons réalistes, plaide Bernard Coulie, recteur de l'UCL. Notre identité belge n'existe que si elle est activée. A-t-on besoin d'être belge en Belgique? C'est hors de nos frontières que la question se pose. Ce n'est pas un hasard si les Belges sont très pro-européens.»

Les Flamands en ont tiré les conséquences. Contrairement aux francophones, les étudiants et les enseignants de la KUL de Leuven ont le passeport réaliste. Les extrémistes du Vlaams Belang sont des habitués du campus. Le leader controversé du parti nationaliste NVA, Bart de Wever, une des figures du cartel de partis flamands affairé à négocier pour constituer le gouvernement, y animait encore, jeudi dernier, une conférence.

«Cette université ressemble à la Flandre, plaide Jaak Billiet, professeur de sociologie. L'attachement à la Belgique est indissociable de la volonté de réforme. Rester Belge, oui, mais plus comme cela..» Expert en sondages, cet enseignant flamand qui s'exprime en anglais redistribue les cartes de l'opinion en criant haro sur les médias, adeptes du pour ou contre: «Nous avons de 12 à 15% de séparatistes. Les autres veulent juste en finir avec l'Etat fédéral tel qu'il est. Alors que faire? Continuer d'éviter le sujet parce qu'il fait peur aux francophones? Le refus du changement pousse les gens dans le camp de la scission»

jeudi 29 novembre 2007

Un livre relié en peau humaine ?

Dans quelques jours va être mis en vente aux enchères un ouvrage publié en Angleterre en 1606 relatant par le menu les accusations portées par la couronne britannique contre les conspirateurs catholiques ayant cherché à faire sauter le parlement (la mémoire protestante a conservé vivace le nom d'un d'entre eux : Guy Fawkes). Son titre est tout un programme : A True and Perfect Relation of the Whole Proceedings Against the Late Most Barbarous Traitors Garnet, a Jesuit, and His Confederates.

Guy Fawkes, le seul homme à entrer au parlement avec d'honnnêtes intentions.


On trouve dans ce texte les détails scabreux de l'exécution particulièrement cruelle d'un jésuite anglais, Henry Garnet, qui avait reconnu être au courant de la conspiration et de n'avoir rien fait pour l'arrêter.


Un souvenir de la terreur protestante en Angleterre.

Propriété d'un collectionneur qui souhaite demeurer anonyme, l'ouvrage présente la particularité d'être relié, selon la légende, en peau humaine. Plus précisément avec la peau du jésuite exécuté.

S'agirait-il du visage du prêtre martyr ?

Les amateurs de reliques de martyres catholiques apprécieront le fait que l'on peut discerner dans les plis de la peau des reliefs qui évoquent un visage. S'agirait-il de celui du prêtre ?

mercredi 28 novembre 2007

Quand Libé aime la Belgique

La Une de Libé ce matin.


Les journalistes de Libé, tels Tintin partant en reportage en Amérique, se sont déplacés en masse à Bruxelles à la rencontre des Belges. De toute évidence le courant est bien passé entre la population d'explorateurs parisiens et les indigènes bruxellois, retranchés derrière leurs chariots des communes à facilités, repoussant les hordes flamandes à coups de « Non ! » tonitruants à chaque fois que les bouseux flamingants réclament un aménagement de l'Etat.
Ce numéro spécial de Libé est très révélateur de la vision sélective de la gauche française quand il s'agit des affaires des Pays-Bas méridionaux. Non seulement le nombre de Flamands interrogés est très faible, mais on cherche en vain une présentation des arguments de la Flandre. Pourtant, comment comprendre la situation si on ne présente que les points de vue d'une des cinq parties ? Je dis cinq car je compte, par ordre alphabétique, les Allemands, les Flamands, las Wallons, les Wallons germanophones et puis les Belges (c'est à dire tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans une des catégories précédentes).
Il est aussi frappant que des pans entiers du ressentiment flamand, sans lequel on ne comprend pas l'animadversion de cette population à l'égard de la Belgique, passent à la trappe. A juste titre Jean Quatremer, correspondant du quotidien bobo à Bruxelles, rappelle qu'avant 1830 il n'existe pas de réel antagonisme entre les deux parties de cette région des Pays-Bas. Les élites méridionales parlent toutes le français littéraire tant à Anvers qu'à Liège et les populations locales un patois roman d'un côté et germanique de l'autre. Les élites bourgeoises, aux idées libérales très progressistes, font le choix d'unifier le pays autour du français, antidote à l'influence de l'Eglise comme de la tentation néerlandaise plus au nord.
Ces bourgeois éclairés n'avaient pas prévu le mouvement nationalitaire qui allait mettre le feu à l'Europe et abattre les vieilles structures et condamner à terme la Belgique.
C'est vrai, comme le souligne Philippe De Boeck, rédacteur en chef politique du journal de gauche De Morgen, que le nationalisme flamand a fait ses choux gras du français comme langue des officiers durant la Première Guerre mondiale et des difficultés de compréhension avec les soldats flamands. Mais pourquoi ne dit-il pas un mot de la répression d'après la Seconde Guerre mondiale ? Quand près d'un Flamand sur dix était frappé d'interdictions professionnelles diverses, chassé de la fonction publique, interdit d'enseigner ou même d'ouvrir un compte en banque ? Pourquoi ce journaliste du Morgen ne rappelle-t-il pas que contrairement à la France, il n'y a pas eu de loi d'amnistie en Belgique ? Les Flamands marginalisés ont dû se refaire une vie dans l'industrie ou le commerce, apportant un coup de fouet à la vie économique de la Flandre.
S'ils avaient pris la peine d'interroger quelques Flamands, les journalistes de Libération auraient sans doute pu comprendre la force de ce ressentiment, découvrir que les Belges payent aujourd'hui la facture de la vengeance ethnique de l'après-guerre. Il est trop tard aujourd'hui pour revenir en arrière, amnistier les derniers inciviques, restaurer la mémoire des fusillés pour l'exemple.
Mais voilà, il aurait fallu sortir des frontières de Bruxelles et ne pas se contenter de Flamands qui ne sont pas représentatifs de la Flandre. Ainsi, pourquoi consacrer deux pages à parler de couples de Flamands et de Wallons au lieu d'expliquer les raisons du faible nombre de mariages mixtes ? Seulement 1 % des unions en Belgique se nouent entre les communautés, soit moins que de mariages interaciaux aux Etats-Unis.
Les lecteurs de Libé en savent désormais beaucoup plus sur la tribu des bobos bruxellois qui aiment à se dire « belges », mais il ne savent toujours rien des raisons qui poussent nombre de Flamands (et pas seulement les militants du Vlaams Belang) à crier : Belgie Barst ! («Crève Belgique »).

mardi 27 novembre 2007

Comprendre les évangélistes américains


Un film qui aide à comprendre les Etats-Unis.

Il est ardu de suivre les circonvolutions de la politique des Etats-Unis si on ne perçoit pas les spécificités dans l'appréhension du monde de nombre de ses habitants. Sans remonter au déluge ni à l'arrivée des tristes pèlerins du Mayflower, l'identité religieuse des colonies anglaises s'est développée à partir de l'anglicanisme officiel (devenu par la suite le culte épiscopalien) et de dérives protestantes sectaires venues chercher en ces lieux des refuges à la marginalisation dont elles souffraient en Europe.
Contrairement à une croyance bien établie, la religion protestante aux Etats-Unis connaît de fortes évolutions avec le temps et ces changements ne sont pas uniformes géographiquement. Ce qui peut apparaître comme anodin, et même anecdotique, est en réalité déterminant pour la vie politique du pays.
Aujourd'hui, le rôle de la droite protestante dans la victoire électorale de George W. Bush est bien connu. Mais la part qu'elle a joué, par exemple, dans le déclenchement de la guerre de Sécession est oublié. En effet, les origines de ce conflit sont tout autant spirituelles qu'économiques. Alors que les premiers colons avaient conservé une étroite communion religieuse, à partir de la fin du XVIIIe siècle, le Nord s’est progressivement rallié à des visions plus libérales et dans les premières années du XIXe siècle, la foi réformée traditionnelle avait été chassée du Nord et de l’Ouest des Etats-Unis au profit d’une version sécularisée pour laquelle l’homme n’est pas sur terre pour faire son salut mais pour réformer la société.
Quelques historiens étatsuniens affirment que les véritables instillateurs du venin révolutionnaire au XIXe siècle ne sont pas Marx et ses disciples, mais les évangélistes radicaux américains qui ont propagé dans leur pays, puis dans le monde entier, les idées qui donneront plus tard naissance, entre autres, à l’éducation laïque, au pacifisme et au féminisme.
A l’opposé de ces exaltés, les Sudistes sont restés attachés à une lecture au pied de la lettre de la Bible et ont refusé toute fantaisie moderniste. En politique, ils considéraient que la constitution, la bible laïque du pays, devait être interprétée strictement, sans l’adapter aux évolutions de l’opinion publique.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que, de prêche en prêche et d’élection en élection, le Nord se soit progressivement convaincu que le Sud était le seul obstacle à son ambition de devenir une puissance industrielle chargée d’assurer le bonheur de l’humanité.
Quand un peuple se divise aussi profondément, la sécession et la guerre ne sont plus qu’une question de temps. Il suffit de trouver un prétexte. La question de l’esclave ne sera que l’un d’entre eux.

Un documentaire sur une Amérique bien réelle.

Allons-nous connaître au XXIe siècle des conflits nés de l'antagonisme entre une minorité de protestants radicalisés et le reste de la population des Etats-Unis ? Il est trop tôt pour le dire.
En revanche, il serait utile pour tous ceux qui s'intéressent à ces questions de se rendre au festival du documentaire du cinéma Manivel de Redon pour voir Jesus Camp, un remarquable documentaire sorti en france en avril 2007 sur un des aspects du protestantisme américain. Fruit du travail de deux cinéastes qui ont accompagné durant un an Becky Fischer, un pasteur spécialisé dans l'évangélisation des enfants, ce film a été conçu pour plaire à la fois aux évangélistes et à leurs adversaires. Le premier objectif est atteint en offrant des images sans les commenter, avec pour seule bande son la musique et les paroles des évangélistes. Le second, en revanche, est atteint en offrant aux libéraux l'image exagérée d'un ennemi qu'ils aiment haïr, cette Amérique brute de décoffrage qui défrise tant les Européens que les habitants plus éclairés de la côte Est.
Les cinéastes ont joué de quelques tours bien connus pour exacerber le contenu de leurs images. Par exemple, ils ont toujours cadré de très près les assemblées afin de ne pas révéler que le camp d'été de ces jeunes protestants n'a jamais rassemblé plus d'une centaine de personnes, parents compris. Ou bien, le contre-point politique est apporté par les scènes filmées dans le studio d'un animateur radio très à gauche qui attaque bille en tête les évangélistes.
En dépit de ses qualités, le film ne donne qu'une image partiale et partielle de l'Amérique. A aucun moment il n'est question des catholiques et les cinéastes jouent parfois d'un sens de l'amalgame un peu rapide. Ainsi, quand ils mettent l'accent sur l'appui des évangélistes à la nomination du juge Alito à la cour suprême, à aucun moment ils ne rappellent que ce juge est catholique et non protestant.

Juge Alito : je ne suis pas évangéliste.

Toutefois, le résultat final est très révélateur de la mentalité d'une grande partie des protestants américains, ceux qui s'engagent dans la vie publique et qui soutiennent les candidats les plus conservateurs. Indiewire, un magazine de gauche consacré au cinéma indépendant a publié un fort intéressant entretien avec le pasteur Becky Fischer.

lundi 26 novembre 2007

Famille impériale russe :le mystère enfin éclairci ?

Le sort de la famille impériale russe a suscité de nombreuses interrogations depuis son massacre par les bocheviks en 1918. Longtemps, les communistes ont tenté de faire croire que cet acte atroce était le résultat d'une initiative locale. Peu à peu, s'est fait jour que les exécuteurs avaient bel et bien obéi à des ordres venus du sommet de leur hiérarchie. de plus en plus, on replace ce massacre dans le contexte plus vaste d'un « nettoyage ethnique », la première des grandes purges communistes, qui a décimé la noblesse russe partout où les communistes étaient en position de le faire.

Le New York Times vient de publier un remarquable article sur les recherches effectuées par des amateurs locaux pour avoir le fin mot de l'histoire.


Archéologues à la recherches des restes des membres
« disparus » de la famille impériale.


EKATERINBURG, Russia — On the outskirts of this burly industrial center, off a road like any other, on a nowhere scrap of land — here unfolded the final act of one of the last century’s most momentous events.

The new remains were 70 yards from the first burial site.


A short way through a clearing, toward a cluster of birch trees, the killers deposited their victims’ bodies, which had been mutilated, burned and doused with acid to mask their origins. It would be 73 more years, in 1991, before the remains would be reclaimed and the announcement would ring out: the grave of the last Russian czar, Nicholas II, and his family had been found.

But the story does not end there.

Eleven people were said to have been killed that day in July 1918 on Lenin’s orders. Just nine sets of remains were dug up here and then authenticated using DNA. The remains of the czar’s son, Aleksei, and one daughter, whose identity is still not absolutely clear, were missing. Did their bones lie elsewhere, or could it actually be that they had escaped execution, as rumor had it for so long?

Only in the past few months have these questions dating from the Russian revolution apparently been resolved here, and only by a group of amateur sleuths who spent their weekends plumbing the case. In fact, it appears that the clues to what happened to the two children were always there, waiting to be found. All that was needed was to listen closely to the boastful voices of the killers.

Their accounts are in secret reports in Soviet-era archives, one of which offered the most tantalizing hint: a single phrase in the recollection of the chief killer that seemed to suggest where the two bodies might have been deposited.

“All of them wanted to leave a trace in history, for they considered that this was a kind of heroic deed,” said Vitaly Shitov, who lives in the area and undertook a review of the testimony to hunt for the remains. “They wanted to promote their roles.”

Following that wisp of a clue this summer, Mr. Shitov and other amateur investigators went to where the other remains had been found — and they kept walking. Away from the road, about 70 yards from the first burial ground, is a slightly elevated area among the trees.

It is there that the bodies of Aleksei, 13, and his sister were apparently consigned.

The amateurs found the bones, many of them charred by fire, scattered among bullets and pieces of jars that held acid used to disfigure the bodies. These fragments appeared similar to those from the first grave.

So it seems that for all the years since the first discovery, even as people made pilgrimages to the site and wondered what had happened to Aleksei and his sister, their remains were only a short stroll away.

Scientists in Russia and the United States are testing the new finds extensively. The sister is believed to be Maria, 19, though that is not entirely settled.

Un homme dépassé par les événements ?

Others long conjectured that the sister was Anastasia, 17, a theory that fed a belief that she survived. (A woman named Anna Anderson was one of several who over the years claimed to be Anastasia, but DNA testing later disproved her.)

If, as expected, results of DNA tests on the two sets of remains are conclusive, they would put to rest many of the doubts that have arisen in Russia and worldwide about the inquiries into what had happened to the royal family.

Among the most skeptical has been the Russian Orthodox Church, which has never recognized the authenticity of any of the bones here, in part because it said that the missing remains raised questions about whether the nine sets were authentic.

Among some Russians and foreigners alike, the fate of Aleksei and his sister drew intense interest in recent years, as if the inability to find their remains and give them a proper burial was a final affront to the royal family by the Bolsheviks. People looked for bones all over Yekaterinburg, which is in the Russian heartland, 900 miles east of Moscow, on the divide between Europe and Asia.

They painstakingly went over the events of July 17, 1918, when the killers knifed and gunned down Nicholas II, his wife, five children, doctor and three servants in the basement of a house where they were being held after Nicholas was forced to abdicate. It was not easy determining what had occurred — the efforts to dispose of the bodies were poorly planned and inept. Subsequent recollections in the archives are sometimes contradictory.

The killers wanted to conceal the bodies so their graves would not become rallying points for the czar’s supporters. They first dumped them in a mine shaft, then moved them to the burial site off the road.

Maria, 19, and Aleksei, 13. The remains of Aleksei and one of his sisters, probably Maria, were found at last in the summer.
In recent years, the mine was searched for the missing two sets of remains. People also periodically hunted in the immediate area around the grave where the first set of bones was found.

Then Mr. Shitov and his colleagues decided to scrutinize a statement by the chief killer, Yakov Yurovsky, in the archives. Yurovsky related how he had set aside two corpses, believing that if they were burned and buried separately they would confuse royalists who later might be seeking 11 bodies, not nine.

But how separately? The amateur investigators focused on a Russian phrase that Yurovsky used to describe the sequence of events in the second burial. The phrase — “tut zhe” — can mean “nearby,” “right here” or “right now.” It had often been interpreted as indicating that the second grave was next to the first.


Nicolas II et sa famille avant la Première Guerre mondiale.

But now a different thought arose. From the context, the experts wondered whether Yurovsky meant that the grave was in the area, but not very close to the first. They also presumed that to burn the bodies he needed to find a place away from the wet ground near the road.

Working weekends this summer, they began searching away from the first grave and road, and first found the remnants of the bonfire that was apparently used to burn the two bodies.

Sergei Pogorelov, an archaeologist who was called in to oversee the work, said that about 15 intact bone fragments were recovered, and more than 40 pieces of charred bone.

Mr. Pogorelov emphasized that many of the reservations about the discoveries at the first site cropped up because the excavation there had been done haphazardly. This time, he said, a professional archaeological dig was done, and the Russian Orthodox Church was invited to observe.

“We have tried to avoid the mistakes that they made in 1991,” he said. “Before, there was simply not any scientific method.”

The nine sets of remains were interred in a lavish ceremony in 1998 at the Cathedral of Saints Peter and Paul in St. Petersburg, which contains the crypts of earlier Russian royals. But the Russian Orthodox Church would not formally take part in that ceremony because of its concerns about authenticity.

For now, the church has declined to say whether it considers the newly found remains genuine, pending further tests. But people who have long sought the remains say they are hopeful that once the results are in, the church will formally conduct a service at the cathedral in St. Petersburg to lay to rest the final remains of the Romanovs.

“This brings closure to a very sad chapter in Russian history,” said Peter Sarandinaki, an American of Russian descent who started an organization to help find the remains and had conducted several searches here. “It is because their murder symbolizes the start of a diabolic era in world history. And now that has all come to an end.”

Un magazine télé très catho

Quand le Magistère regarde la télé.

L'Homme nouveau magazine
10 rue Rosenwald, 75015 Paris • Tél. : 01 53 68 99 77 •



L'hebdomadaire catholique l'Homme nouveau est depuis quelques mois publié conjointement avec l'Homme nouveau magazine. Ce supplément est une perle rare dans la presse française et mérite le détour.
Dans un monde où la télévision joue un rôle clef dans la formation de l'opinion et dans l'éducation des jeunes générations, il est indispensable d'offrir aux différentes sensibilités de la société française une sélection de programmes permettant de trier l'offre audiovisuelle.
Or, la grande majorité des magazines consacrés à la télévision sont le reflet du relativisme moral ambiant, quand ils n'encouragent pas les dérives les plus pernicieuses de la société, comme Télérama, probablement le périodique le plus politiquement correct de France.
Voilà pourquoi le supplément de l'Homme nouveau est précieux car il offre une vision critique de la télévision, décortiquée à travers le prisme des valeurs chrétiennes telles que les définit le magistère romain, et non le catholicisme self-service en usage dans la presse dite chrétienne dont le parangon est probablement l'hebdomadaire Témoignage chrétien.
Une mise en page pratique et des pictogrammes bien pensés aident le lecteur à se retrouver facilement dans les programmes et à mieux sélectionner ce que leurs enfants peuvent voir en fonction de leur âge.
Les critiques apportent le plus souvent un commentaire concis juste et nuancé sur une sélection de programmes. Par exemple, J.-P. M. écrit au sujet du documentaire « l'Enlèvement de Patty Hearst : une guérilla américaine » diffusé le mercredi 5 décembre par Arte :

Ces gauchistes, amoureux du Che, nourris de romantisme et d'idées révolutionnaires, font peine à voir. Comme le dit l'un d'eux [et non l'un deux, pan sur les doigts de la claviste!] : « on était comme des gamins qui décident que leurs parents sont des gens ignobles » avec , en outre, « pas une once de charisme ». Comment des gens intelligents peuvent-ils aligner parfois autant de bêtises et de fantasmes sur la société dans laquelle ils vivent ? Ce travail restitue bien le contexte et l'état d'esprit de l'époque, mais rentre très vite dans l'anecdotique et n'en sort guère. »
En revanche, quelques rares fausses notes dans les commentaires révèlent que ce supplément n'échappe pas à la malédiction des programmes de télévision : il est difficile d'être un expert en tout. Ainsi, le commentaire du très beau film le Coup de grâce suggère que le commentateur P.A. n'a pas lu la nouvelle de Marguerite Yourcenar ayant inspiré le cinéaste Volker Schlöndorff et qu'il a survolé le film qu'il commente. En effet, comment peut-il écrire « sur fond de guerre civile russe » alors qu'il s'agit d'un épisode de la guerre menée par les corps francs allemands dans les Pays Baltes ?

Le site marchand Amazon propose à très petit prix
l'édition en Livre de poche de 1966.


Autre oubli : dans sa présentation du film Agent double, qui sort sur les écrans ces jours-ci, mettant en scène l'histoire de Robert Hanssen (un agent-double américain au service des Soviétiques puis des Russes), le critique ne mentionne pas qu'il était, non seulement un luthérien converti au catholicisme, mais aussi le membre d'une influente prélature. Un simple oubli, que nul n'en doute.

Robert Hanssen.

Enfin, signalons que ce supplément comporte de très utiles recensions de livres tout comme d'autres produits culturels. Le compte rendu de l'ouvrage Dix mois à Verdun (Editions Italiques) est passionnant et il démontre qu'il existe une vie en dehors des majors de l'édition parisienne. Dans ce témoignage sur les combats de Verdun, l'abbé Charles Thellier de Poncheville raconte ce que fut son apostolat durant les dix mois qu’il passa en première ligne, de février 1916 à janvier 1917. Peu d’ouvrages allient de façon aussi impressionnante la vérité, parfois effrayante, du témoignage et la noblesse du ton. Il fallait sans doute être aussi absolument, aussi intégralement chrétien que l’était Poncheville pour regarder en face, avec autant d’abnégation, de compassion et, disons-le, d’amour, l’humanité dans sa misère et sa déréliction.

Beau fixe à New York

Un changement d'époque ?

Le quotidien New York Sun n'est pas spécialement francophile, bien au contraire. La publication d'un article vantant l'amitié franco-américaine sous la signature de l'historien Thomas Fleming est un signe de l'évolution de l'image de la France dans les milieux journalistiques américains.

A French lesson

President George Bush’s recent love fest with French President Nicolas Sarkozy made headlines around the world. The new president was reversing a decade of America-hating and America-obstructing by French politicians and diplomats. He amazed pundits from London to Washington to Moscow by getting elected as an open admirer of America. Almost no one seems to have noticed that this reversal is one more chapter in the long, dizzying history of America’s relationship with France.



In my new book, The Perils of Peace, there is an interlude in the opening chapters that more than justifies this description. As Philadelphians celebrated the news of the victory at Yorktown in 1781, the Secretary for Foreign Affairs, Robert R. Livingston, sat in his office, sorting his mail.

With a gasp Livingston read a letter from Benjamin Franklin, the American ambassador to Paris. It was a bitter blast, informing him and Congress that the famous philosopher and scientist was resigning in disgust. Why? He was tired of being criticized in Congress for being too subservient to France.


Benjamin Franklin

Franklin had written the letter in May and it had taken the usual three months to cross the Atlantic. The coincidence of its arrival only underscored the irony of the situation. At Yorktown a French army and fleet had made victory possible. There were 29,000 French soldiers and sailors in the battle, and only about 9,000 Americans. In the years since 1778, when Franklin had persuaded the French to sign a treaty of alliance, America had borrowed or received as gifts $40,000,000 dollars from her only ally – the equivalent of about $600,000,000 in today’s depreciated greenbacks. Yet there were Americans like John Adams who told the French Foreign minister to his astonished face that they were lucky to have the Americans on their side.


La capitulation des troupes anglaises à Yorktown.

Adams’s letters from Europe were read on the floor of Congress. Almost every one was an attack on Franklin as well as France. The stumpy Bostonian was insanely jealous of him. He had the 77 year old savant sleeping with half the women of Paris. He was joined by another Franklin hater, Congressman Arthur Lee of Virginia, who spewed vitriol about a French plot to betray America’s independence. The agitated French ambassador to the United States tried to deal with the situation by putting key members of Congress on his secret service payroll. And we mutter today about the dark doings of the CIA in foreign countries!

Fast forward to the presidency of George Washington, a decade later. The French Revolution had become the Reign of Terror, deluging the streets of Paris and other cities with blood. In Philadelphia, the new nation’s capital, President Washington looked out his window at thousands of protestors crowding the city’s streets, waving placards, screaming insults and curses at him. Why? He had refused to join the French in their war with England. He had declared America neutral.

According to the protestors, that made him a traitor to the cause of worldwide liberty. When Washington left office in 1797, the Aurora, Philadelphia’s leading newspaper, wrote that it was an event that should make every American rejoice. “The man who is the source of all the misfortunes of our country, is this day reduced to the level with his fellow citizens, and is no longer able to multiply evils upon the United States.”

Fast forward another two and a half decades. The Marquis de Lafayette, who had spent a million dollars of his own money and ducked bullets in the bargain, returned to the United States to help celebrate the 50th anniversary of America’s independence. He visited every state and almost every major city. It was a love feast all the way, climaxed by a dinner given to him at the White House by President John Quincy Adams. John Adams’s son saluted the Marquis as the embodiment of France’s generosity and friendship during America’s eight year struggle to achieve a free country.



Contrairement à ce qu'affirme Thomas Fleming, La Fayette n'a pas dépensé un sou de son argement dans l'aventure américains car il était mineur et ne pouvait pas disposer de sa fortune. Il joua le rôle de prête-nom pour le trésor royal.

When the first doughboys reached Paris in 1917, General John J. Pershing led them to Lafayette’s grave and a colonel who spoke French declared: “Lafayette, we are here!” The American march through the streets of Paris was a wildeyed triumph. Over a million people jammed the sidewalks and screamed adulation. Hundreds threw flowers from rooftops and telephone poles. Women rushed into the ranks to bestow fervent kisses. No foreigners in the history of France ever received a more heartfelt greeting.

The GIs who liberated Paris and the rest of France from the Nazis’ grip in 1945 received a similar welcome. But General Charles de Gaulle, who kept the spirit of resistance alive during the dark years after France’s collapse in 1941, felt compelled to chart an independent postwar course to restore French pride and self confidence. During the Vietnam War, he repeatedly urged America to abandon the struggle, and tensions accumulated between Paris and Washington.

In 1968, I toured the Argonne region, working on an article for American Heritage about the AEF’s bloody struggle there in 1918. It cost well over half of the 50,000 doughboys who died in World War I. In the town of Varennes, I met a group of Frenchman who warmly approved what I was doing. One of them said: “Don’t pay any attention to those ---- ---- ---- in Paris. Around here we will never forget you saved us from the Germans, not once, but twice!” Whereupon each man in the group shook my hand.

That story may explain why Nicholas Sarkozy was elected president of France.



Avant l'élection, Nicolas Sarkozy a rendu visite à George W. Bush à la Maison blanche. Un signe pour les électeurs. Mais quels électeurs ?

samedi 24 novembre 2007

Bonnet d'âne pour El Pais

Les journalistes espagnols ne font pas dans la dentelle. A droite, chaque matin, au micro de la Cope, Federico Jimenez Losantos attaque bille en tête le gouvernement socialiste avec un ton qui laisserait pantois bien des auditeurs français. A gauche, à défaut de talent dans l'invective, les journalistes se font remarquer par leur inculture abyssale. Par exemple, le 22 novembre dernier, sur les ondes de France Culture, dans la très inégale émission « Du Grain à Moudre», Octavi Marti, un correspondant à Paris du quotidien El Pais, a gagné le pompon radiophonique de la plus grosse bourde historique.
Interrogé par le locuteur français qui s'étonnait que le drapeau espagnol soit toujours celui en usage du temps de Franco, le journaliste espagnol a répondu :
« Ce n'est pas exact. C'est le drapeau d'un régiment militaire qui a été choisi comme drapeau espagnol au XIXe siècle.
Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour savoir que le drapeau espagnol actuel est le résultat d'un choix du roi Charles III entre plusieurs projets qui lui ont été proposés en 1785 dans le but de doter la marine royale espagnole d'une enseigne nationale donnant moins lieu à des confusions sur le champ de bataille.

Drapeau national choisi par Charles III en 1785.


C'est ce même correspondant du quotidien El Pais qui a fait preuve d'un grand esprit d'ouverture et de tolérance en février dernier sur France 5 en demandant la fermeture de la Cope et du quotidien El Mundo (qui taille des croupières à El Pais) à l'aide d'arguments dignes d'une autre époque.



Drapeau espagnol utilisé à partir de 1501 et abandonné progressivement après 1785. On commence à le revoir dans les manifestations à Madrid.

Manifestation des victimes du terrorisme à Madrid au printemps 2007. Aux cotés du drapeau national espagnol ont voit apparaître quelques drapeaux aux bâtons noueux de Bourgogne et aussi la silhouette noire du célèbre taureau Osborne, devenu un symbole national officieux.

Un tour du monde à redécouvrir

Le tour du monde en 1936
Alain Daniélou
Rocher, 262 p., ill., biblio., 19 e, ISBN 978 2 268 06383 6.

Avec cette réédition enrichie de dessins de l'auteur, les éditions du Rocher font un beau cadeau à tous les amoureux de l'Inde en leur permettant de redécouvrir une œuvre de jeunesse d'un des meilleurs témoins du sous-continent.
Alain Daniélou part au printemps 1936 effectuer un tour du monde en compagnie de son jeune compagnon le photographe suisse Raymond Burnier. Les deux voyageurs ont reçu le soutien d'amis très riches comme le diététicien Gayelord Hauser ou le très influent Pierre Gaxotte, directeur de Je Suis partout et de Candide.
Le récit de ce périple ne manque pas de sel pour ceux qui savent le lire en ayant en tête la future évolution de l'auteur.

Les chasseurs du Bremen fort une forte impression sur Alain Daniélou.

Le récit de l'arrivée à bord du paquebot allemand Bremen est drôle tout comme leurs expériences avec la douane américaine, avec des jeunes baigneurs en Californie ou avec des athlètes à Chicago.

Un idéal musclé.

De la patinoire de Salt Lake City aux maisons pas si closes de Pékin, en passant par Calcutta, nous partageons des souvenirs de voyage sur un monde disparu. Ce petit volume nous régale tant par la légèreté de son style que par le recul que l'auteur prend, tant sur lui-même que sur les gens qu'il croise. Ce livre est un bel exemple de ces reportages publiés dans la presse à une époque où le dépaysement est rare et cher.
L'auteur de la postface, Jacques Cloarec, fait une œuvre utile en maintenant vive la flamme de la mémoire d'Alain Danielou, mort en Suisse en 1994. Il est rafraîchissant de constater qu'à une époque où règne le « sexuellement correct », il ne nous assomme pas avec les inclinaisons affectives d'Alain Daniélou, tout comme il reste d'une délicatesse de rosière quant à l'identité de l'hebdomadaire qui a publié les reportages qui font la substance de cet ouvrage. Candide ou Je suis partout ? Bien intelligent le lecteur qui parvient à le savoir. Peut-on l'en blâmer ? Pas quand on connaît la férocité des délateurs professionnels.

vendredi 23 novembre 2007

La mort d’un vieux lion vaincu

Ian Smith, un Africain paradoxal.


Le 20 novembre dernier est décédé en Afrique du Sud, à l’âge de 88 ans, Ian Smith un personnage hors du commun qui a personnifié une des plus longues résistances aux « vents du changement » qui ont soufflé sur l’Afrique à partir de la fin des années 1950. Fils d’un colon écossais établi dans le centre de la Rhodésie en 1897, Ian Smith revient auréolé de gloire de la Seconde Guerre mondiale. Doué pour la politique, s’intéressant aux affaires publiques, il devient en 1948 le plus jeune élu au parlement rhodésien sous les couleurs du parti libéral. Après 1953, il s’engage progressivement dans la résistance à l’évolution politique prévue par Londres. Il finit par prendre la tête du Rhodesian Front party lequel s’oppose fermement à toute perspective d’instauration d’un régime où les Noirs auraient le droit de vote et donc le pouvoir.
En 1964, Ian Smith devient le premier ministre de la Rhodésie britannique et refuse tout compromis avec le Royaume-Uni quant à l’avenir politique de la colonie. Il officialise la rupture en 1965 en proclamant l’indépendance de son pays.
Cette initiative condamne la Rhodésie à un isolement politique et économique, seulement rompu par l’Afrique du Sud et le Portugal qui va paradoxalement encourager le développement industriel du pays.
Les opposants politiques du nouveau régime, principalement les nationalistes noirs, trouvent refuge dans les jeunes nations africaines voisines de la Rhodésie d’où ils organisent, à partir de 1972, des opérations de guérilla.


Tu ne fais plus partie des unités anti-terroristes, tu devrais laisser tomber tes instincts de pisteur.

Le départ du Portugal d’Afrique en 1975 est un encouragement puissant aux mouvements africains qui reçoivent à partir de cette date une aide considérable de l’Union soviétique. Les opérations subversives se multiplient et se transforment en véritable guerre de basse intensité, menaçant les liaisons routières et aériennes, attaquant les fermes et les missions.
Le gouvernement rhodésien fait face avec le soutien de la population européenne et l’abstention d’une majorité des Noirs. L’effort militaire du régime est très important et l’armée rhodésienne devient une véritable machine de guerre miniature, organisant en son sein des unités d’élite remarquables comme les Selous Scouts ou la Rhodesian Light Infantry. Avec des moyens humains et matériels limités, mais utilisés à bon escient, les Rhodésiens parviennent à restreindre les effets de la guérilla et à infliger des pertes considérables à leurs adversaires.
Mais à partir de 1979, l’évolution politique prévisible en Afrique du sud condamne inévitablement le régime. Ian Smith se résigne à l’inévitable et accepte contraint et forcé la transition politique.

Sur ma course aux chutes de Victoria, aux commandes de ma vieille Grant,
j'ai parfois vu des éléphants sur la voie.


En 1980 son principal opposant Robert Mugabe prend le pouvoir. La Rhodésie cède la place au Zimbabwe, un pays riche et prospère au regard des critères africains.
Vingt-cinq ans plus tard, le contraste est cruel entre une Rhodésie en pleine croissance économique, mais où les noirs étaient les victimes d’une réelle discrimination, et le Zimbabwe, pays en faillite où les Européens et les Matabele ont été l’objet d’une politique de nettoyage ethnique aux conséquences tragiques.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que se développe une nostalgie pour la Rhodésie d’autrefois. Non seulement auprès des Européens expatriés (voir les caricatures qui illustrent cet article) mais aussi des habitants du Zimbabwe qui comparent leur sort aujourd’hui avec celui de leurs parents sous le règne dur mais prospère de Ian Smith.
Le sort de la Rhodésie et celui du Zimbabwe ne sont pas étrangers à la situation actuelle de l'Afrique du Sud. Mais ces avertissement seront-ils suffisants pour éviter à l'ANC de commettre les mêmes erreurs que Robert Mugabe ? L'avenir le dira mais on a le droit de ne pas être optimiste.

Ne craignez rien, il a été pilote d'hélicoptère dans la Rhodesian Air Force
durant six ans.

Acción de gracias en San Agustín

Robyn Gioia ne supporte plus l'arrogance de Plymouth.
Elle attend un appel de la rédaction de
la Croix.


La vérité historique sur le premiers Thanksging ou fête d'action de grâces, se fait progressivement jour aux Etats-Unis, même si les lecteurs de la Croix l'ingorent. Un récent papier de USA ToDay l'explique à ses lecteurs éhahis : « Florida teacher chips away at Plymouth Rock Thanksgiving myth ».

jeudi 22 novembre 2007

Un bon film de guerre


Depuis juin dernier, est disponible en DVD un film passé inaperçu lors de sa sortie en salle en France en 1980. Je crois bien avoir été un des rares spectateurs de ce long-métrage de 113 minutes qui ne fut mis à l'affiche à Paris que dans des salles de quartier alors spécialisées dans les films d'action asiatiques. Son titre, le Putsch Des Mercenaires est absurde car il n'y est question ni de putsch ni de mercenaires. En outre, le résumé qu'en font les éditeurs révèle seulement qu'ils ne l'ont même pas visionné.
Pour se débarrasser des rebelles de Rhodésie qui harcèlent ses troupes, le gouvernement sud-africain décide d'acheter des hélicoptères de combat. Les sud-africains contournent l'embargo sur les armes en faisant appel à David Swansey, un ancien mercenaire reconverti dans les affaires. Gidéon Marunga, un fervent patriote rhodésien, ne sera pas le moins acharné à faire échouer cette sale entreprise.
En réalité, les Sud-Africains brillent par leur absence. Il s'agit plus prosaïquement des efforts déployés par le gouvernement rhodésien pour acheter des voilures tournantes, outil indispensable à sa stratégie anti-subversive, avec l'aide d'un de réserviste (David Swansey) reconverti dans les affaires. Il aura face à lui un militant courageux et intrépide (Gidéon Marunga), membre d'un des mouvements de guérilla noir, aucunement un « Rhodésien ».
Ce film, réalisé par James Fargo, avec dans le rôle principal Richard Harris (qui sera un des Dumbledore de la série Harry Potter, est un des meilleurs jamais réalisés sur la guerre en Afrique à l'époque de la décolonisation.
Des Français qui s'étaient engagés dans l'Armée rhodésienne durant le conflit m'avaient alors confirmé qu'il s'agissait d'un reflet très véridique, non seulement du type de guerre mené dans ce pays, mais aussi de l'état d'esprit des Blancs qui y résidaient.

Il est en vente pour seulement 6,99 euros chez Opening.

mercredi 21 novembre 2007

La Croix en flagrant délit d'ignorance

Voici ce que l'on pouvait lire dans l'édition du quotidien catholique la Croix :

Les Américains s'apprêtent à célébrer jeudi le jour d'action de grâce en s'attablant autour de l'incontournable dinde, accompagnée de sauce aux canneberges et suivie d'une tarte au potiron, mais ce menu n'aurait rien à voir avec celui du premier "Thanksgiving" en 1621.

Cette année-là, ce repas est censé avoir été servi pour la première fois par des colons anglais et des indiens.

Mais des historiens estiment qu'il n'y avait alors ni dinde, ni tarte au potiron au menu de la première édition de "Thanksgiving", qui, selon eux, n'était pas une fête religieuse mais une fête des récoltes.

"Nous savons que le repas de 1621 comprenait du gibier, apporté par les indiens wampanoag, et de la volaille sauvage, probablement du canard ou de l'oie, qui étaient chassés par les colons", affirme à l'AFP Kathleen Curtin de la Plantation de Plymouth (Massachusetts, nord-est), où un village de colons anglais du 17e siècle a été recréé.

"Ils n'avaient pas de farce, ils n'avaient pas de sauce aux canneberges parce que cela demande trop de sucre. Et probablement qu'ils avaient du potiron, mais ni farine, ni beurre pour faire une tarte", ajoute-t-elle.

"C'était clairement une fête des récoltes" qui se déroulait plutôt en septembre ou en octobre, précise Mme Curtin.

"Thanksgiving" est l'une des principales fêtes américaines et tombe le dernier jeudi du mois de novembre, qui est férié aux Etats-Unis. Cette date a été fixée par le président Abraham Lincoln en 1863.

Ce quotidien catholique devrait corriger les erreurs de l'AFP dont les correspondants ne brillent ni par leur érudition historique ni par leur connaissance de l'histoire du catholicisme. Mais visiblement les journalistes de la Croix n'ont plus les réflexes propres à une publication catholique. Les pères assomptionnistes doivent s'en retourner dans leur tombe.

Le mythe du premier thanksgiving à Plymouth est le résultat d'une politique délibérée d'exaltation de l'héritage anglo-saxon et protestant au détriment de l'héritage hispanique et catholique. Depuis lors les historiens rappellent que le premier office d'actions de grâces (Thanksgiving) a été célébré par Juan de Padilla au Texas en 1541 au cours d'une expédition conduite par Vázquez de Coronado.

Voici ce que les lecteurs de la Croix n'ont pas le droit de savoir.

Quant au premier Thanksgiving célébré dans un établissement permanent, il a eu lieu à San-Agustin, en Floride, le 8 septembre 1565 quand les colons espagnols, après l'office d'action de grâces, ont partagé un repas avec les indiens Timucuas.

Richelieu mis à jour


Richelieu en route vers la mort.

Richelieu

Françoise Hildesheimer

Flammarion, 586 p., ill., notes, annexes, chrono., sources, biblio., cartes, 26 €, ISBN 2-08-210290-4.


Chartiste de formation, l’auteur est un des conservateurs des Archives nationales où elle déploie une activité considérable. Elle est réputée parmi les historiens pour la qualité et la chaleur de l’accueil qu’elle réserve aux chercheurs. En quelques minutes elle remet les égarés sur la voie, dissipe les malentendus et corrige les erreurs. Mais elle ne se contente pas d’aplanir les difficultés des autres, elle plonge la tête la première dans l’océan documentaire qu’elle côtoie chaque jour pour taquiner Clio à son tour. Spécialisée dans l’Ancien Régime, et plus particulièrement le xviie siècle, l’auteur ne pouvait manquer de rencontrer au hasard des travées et au détour d’un carton, la figure formidable du cardinal ministre de Richelieu. Après avoir butiné le personnage en s’intéressant à son testament politique et à ses écrits théologiques, Françoise Hildesheimer décide de franchir le Rubicon et de s’atteler à l’écriture d’une biographie de l’éminence rouge de Louis XIII. Avec un talent certain, qu’elle a eu l’occasion d’affûter auparavant dans des travaux remarqués, Françoise Hildesheimer réussit à renouveler le genre en dévoilant mieux que ses prédécesseurs la dimension spirituelle d’un homme mieux connu pour son sens de l’Etat que par sa volonté de perfection chrétienne. Il faut néanmoins beaucoup d’efforts à l’auteur pour nous en convaincre. Comment comprendre un prince de l’Eglise qui privilégie ses rapports avec les puissances protestantes pour mieux contrer l’Espagne catholique et dont la volonté politique de retrouver l’unité religieuse du royaume semble vacillante ? Françoise Hildesheimer brosse avec talent les grands épisodes de la vie du cardinal, comme le siège de La Rochelle ou l’affaire Cinq-Mars. Dans ces deux cas, se fait jour le seul regret que nous ayons à exprimer au sujet de ce travail remarquable, le manque d’exploitation des sources étrangères. Ainsi, la flotte espagnole serait arrivée volontairement en retard au siège de La Rochelle écrit-elle. Cette affirmation mérite des explications car le profane manque des clefs nécessaires à la compréhension de cette attitude. De même, on ne sait rien des raisons qui poussent Madrid à traiter avec Cinq Mars. Tout comme on n’apprend pas grand-chose des adversaires de Richelieu comme le comte-duc d’Olivarès ou des horreurs commises par les troupes françaises en Franche-Comté. A juste titre l’auteur pourrait rétorquer qu’il est impossible de condenser la vie de Richelieu en moins de 600 pages sans faire des choix douloureux. En dépit de ces fugaces regrets, l’auteur a réussi un portrait de Richelieu qui lui rend justice sans pour autant le flatter.

Six mois de la vie de Louis XIII



La double mort du roi Louis XIII Françoise Hildesheimer
Flammarion, 412 p., biblio., annexes, index, 22,50 euros, ISBN 978-2-0812-0308-2.


Grande dame des archives, Françoise Hildesheimer nous a gratifiés voici peu d’une belle biographie du cardinal de Richelieu (voir plus haut). Dans ce précédent ouvrage, elle a rééquilibré le couple politique à la tête de l’Etat en réhabilitant la part dévolue au monarque car il est difficile de faire le tour du cardinal-duc sans se heurter à la personne du roi. Toutefois, cerner la personne royale reste un exercice aux limites du possible tant la personnalité du prince de l’Eglise est imposante et hyperactive. Avec un nez remarquable, éduqué par des années de pratique, l’auteur a eu l’idée lumineuse de s’intéresser aux derniers mois du règne de Louis XIII, ceux qui séparent la mort de son premier ministre de la sienne. Cet intervalle, entre décembre 1642 et mai 1643, est très révélateur du rôle et de la personnalité du monarque, pourtant miné par la maladie.


Louis XIII, un roi méconnu.

Avec beaucoup de pédagogie, l’auteur introduit le lecteur aux grands débats politiques d’une France où le roi se meurt. Tout le royaume sait que le monarque n’a que quelques semaines, ou au mieux quelques mois à vivre, et la grande question est celle de la régence car le futur souverain n’a que quatre ans.
Françoise Hildesheimer montre bien que le roi ne peut pas régler sa succession selon son bon plaisir, les « lois fondamentales » du royaume s’imposent à tous, même à lui. L’autorité royale se transmet de manière automatique à un successeur désigné par la loi et non par le rapport de forces politiques.
En revanche, la charge de la régence n’obéit pas à de telles règles. Deux candidats sont en lice : Anne d’Autriche, la mère du dauphin, et Gaston d’Orléans, le frère cadet du roi. Qui va l’emporter ?


Anne d'Autriche, bien placée pour la régence.

En attendant, dès la mort de son premier ministre, Louis XIII poursuit l’œuvre de Richelieu et nomme Mazarin au Conseil, un signe évident de continuité.
L’auteur insiste à juste titre sur les mécanismes juridiques qui sont le fondement de la monarchie, comme les lits de justice. Elle en décrit minutieusement le fonctionnement, tout comme elle détaille la montée en puissance de Mazarin, dont elle met en lumière le peu d’intérêt pour les questions religieuses : il n’est même pas prêtre !
Françoise Hildesheimer se surpasse en plongeant le lecteur dans les circonvolutions d’une société compliquée où les alliances se fondent à la fois sur les rapports de force et les liens de sang. Les portraits qu’elle trace au fil des pages, du roi, de son principal ministre Mazarin ou de la reine Anne d’Autriche sont à la fois précis et concis.
Comme un magistrat instructeur, l’auteur dresse la liste des témoignages et sources de documents qui lui permettent de reconstituer les derniers mois de l’activité du souverain. Car il faut faire preuve d’ingéniosité pour combler les vides dans la vie d’un roi qui n’a pas laissé d’écrits. C’est en coupant et en recoupant les sources que l’historien peut reconstruire un récit cohérent, quitte à égratigner au passage ses prédécesseurs, moins férus de documents originaux et plus à même de faire confiance à des sources uniques.
Le roi s’affaiblissant de plus en plus, l’agitation s’accroît car tout le monde cherche à se placer en fonction de ses calculs pour la régence.
Enfin, le 20 avril 1643, le roi fait lire, devant les Grands du royaume et les représentants du Parlement, ce qui peut être considéré comme son testament politique dans lequel il désigne son épouse comme régente du royaume, mais en l’encadrant d’un quatuor de ministres en mesure de brider ses possibles initiatives. Quant à son trublion de frère, le roi le nomme lieutenant général du royaume, soit le garant de l’ordre dans le pays. Comme l’écrit l’auteur, il est à la fois « honoré et neutralisé ».
La mort de Louis XIII évoque celle de Philippe II, tous les deux affreusement minés par des maladies peu ragoûtantes et tous les deux animés par une foi sincère et une grande simplicité de vie, comme en témoigne la modicité de son trousseau.
Enfin, le livre s’attarde longuement sur le premier lit de justice de Louis XIV, organisé par Anne d’Autriche, qui casse les dispositions de son prédécesseur. Maintenant la régente tient son pouvoir du roi, imposant ainsi sa volonté au Parlement et réaffirmant les prérogatives royales.
Dans une certaine mesure, on peut parler de victoire posthume de Louis XIII car il a rallié son épouse à ses vues et le tandem Anne d’Autriche-Mazarin fait suite à celui formé par Louis XIII et Richelieu. Avec cette transition en douceur, l’Etat se normalise et se pacifie, annonçant la stabilité monarchique des règnes ultérieurs. Mais déjà se fait jour une évolution majeure, du roi serviteur de l’Etat que se voulait Louis XIII, on s’avance vers l’Etat au service du roi, comme le symbolise si bien le mot apocryphe de Louis XIV : « l’Etat, c’est moi ».
Rondement mené, d’une lecture plaisante, cet ouvrage n’en est pas moins le résultat d’un travail d’historien. En annexes, le lecteur trouve de nombreux documents originaux dans leur version intégrale, utiles à la compréhension du sujet ainsi que quelques pages consacrées à l’atelier de l’histoire qui se lisent avec bonheur. Bref, un ouvrage de qualité qui n’assomme le lecteur ni sous le poids d’une érudition aussi gratuite qu’inutile ni sous le nombre de pages. A recommander vivement.