Légionnaire français en Afghanistan, photographié par l'USMC.
J.-D. Merchet se prête à nouveau à son rôle de porte-voix préféré de l'état-major. Il publie sur son blog un entretien avec Louis Pichot de Champfleury, commandant de la Légion étrangère, lequel tente de limiter les dégâts après les révélations de Michel Bavoil, patron de l'ADEFDROMIL.
«La Légion étrangère n'est pas une zone de non-droit» nous dit son commandant
L'association de défense des droits des militaires (Adefdromil), présidée par le capitaine en retraite Michel Bavoil, vient de publier un "Rapport sur les droits de l'homme dans l'armée française", dans lequel elle s'en prend très violemment à la Légion étrangère. Parlant de "quasi-servitude" des Légionnaires, le capitaine Bavoil expliquait ainsi au Figaro.fr que "la Légion fonctionne sur un système de pression. Les gars sont retenus par la force et la menace, il faut le savoir : sinon, 85% d'entre eux se sauveraient".
Secret-Défense a demandé au général Louis Pichot de Champfleury, commandant de la Légion étrangère (COMLE) de répondre à ces accusations graves. Voici l'entretien exclusif avec le "Père Légion".
Vous êtes accusé par l'Adefdromil de violer les droits de l'homme au sein de votre institution. Pour beaucoup, la Légion est un univers opaque. Qu'en est-il ?
Lorsque je lis les propos du capitaine Bavoil, j'ai l'impression que le droit commun ne s'applique pas chez nous, que les légionnaires sont soumis au bon vouloir de leur chef. Rassurez-vous: je ne suis pas un général qui fait ce qu'il veut. Nous ne sommes pas une zone de non-droit. D'abord parce que la Légion est partie intégrante de l'armée de terre et que nous sommes régis par les mêmes textes, à savoir le statut général des militaires qui date de 2005. Il y a en effet un statut particulier pour les hommes qui servent chez nous "à titre étranger". Leur statut a fait l'objet d'un décret pris en Conseil d'Etat en septembre 2008. Or, le Conseil d'Etat n'a pas la réputation de traiter avec légereté les règles de la République...
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes? Le rapport cite pourtant des cas particuliers douloureux...
Le rapport contient beaucoup d''affirmations approximatives, voire erronées. Ainsi lorsqu'il affirme que devant un conseil d'enquête, le légionnaire n'a pas le choix de son défenseur. C'est simplement faux. Mais, attention, je ne dis pas que dans une collectivité de 7600 hommes, nous n'avons pas de temps en temps une part de responsabilité dans des erreurs administratives ou de gestion.
L'Adefdromil s'en prend particulièrement à "l'identité déclarée" sous laquelle s'engage tous les légionnaires et qui les placerait dans une situation de "quasi-servitude" par rapport à la hiérarchie. De quoi s'agit-il ?
Depuis que la Légion étrangère existe (1831), on s'y engage sous une identité déclarée, c'est-à-dire une autre identité que la sienne. Si nous avons maintenu ce principe, ce n'est pas par respect des traditions mais pour de bonnes raisons, que le Conseil d'Etat a reconnu. D'abord le principe d'égalité entre les engagés. Nous ne voulons pas de discrimination entre les "francophones" [citoyens français - ndlr] et les autres. En effet, pour des raisons de sécurité, nous vérifions l'idendité réelle des gens qui s'engagent chez nous. Il nous faut en moyenne un an pour nous assurer de la véracité des déclarations faites lors de l'engagement. Nous vérifions par exemple que l'engagé n'est pas recherché par la police de son pays pour un crime commis à la veille de la signature de son contrat. Cela prend du temps, car cela se passe souvent dans des pays lointains. Pour nous, l'identité déclarée est une phase d'entrée. Au bout de trois ans, 80% des légionnaires ont repris leur vraie identité. Dans l'ensemble de la Légion, nous n'avons qu'une cinquantaine de légionnaires avec plus de cinq ans d'ancienneté qui servent sous "identité déclarée". Retrouver son identité est un processus long car nous demandons des papiers fiables, certifiés, pas des photocopies. Il faut des traducteurs habilités, etc... Pour nous, la simplicité, c'est que les engagés servent sous leur identité réelle.
Avez-vous des difficultés de recrutement ?
En 2008, nous avons recruté 1000 légionnaires et nous avons eu 8000 candidats. Donc, huit candidats par poste. Les meilleurs agents recruteurs sont les anciens légionnaires rentrés dans leur pays d'origine.
Quelle est l'origine des légionnaires ?
Un tiers d'Europe occidentale, dont la France, un tiers d'Europe de l'Est et un tiers du reste du monde - qui se décompose entre 10% d'Amérique latine, 10% d'Asie et 10% de l'ensemble Maghreb, Afrique, Moyen-Orient. Nos effectifs sont de 7600 dont 7200 servent "à titre étranger", parmi lesquels on compte 40 officiers et 1700 sous-officiers.
La Légion est connue pour la fréquence des désertions. Qu'en est-il ?
Les chiffres sont stables. En moyenne, j'ai 250 déserteurs sur l'année, soit une quinzaine en permanence, sur un effectif de 7600 légionnaires. Mais c'est un phénomène compliqué : des jeunes partent parce qu'ils ont un coup de cafard, qu'ils doivent rentrer chez eux pour soigner leur mère, etc. Et parfois, ils reviennent ensuite.
La Légion a récemment été secouée par l'affaire de Djibouti, avec la mort d'un légionnaire et la mise en examen de son lieutenant. Beaucoup dans l'institution militaire accuse la hiérarchie - donc vous - d'avoir lâché cet officier. Que leur répondez-vous ?
Je souhaite rester neutre dans cette affaire afin de ne pas influer la justice qui doit faire son travail en toute indépendance. Ce que je peux dire, c'est que le conseil d'enquête - c'est-à-dire les pairs du lieutenant Bertaud - a proposé sa mise à pied et sa radiation des cadres, non pas parce qu'il a été jugé coupable, mais parce qu'il a gravement transgressé les réglements militaires.
5 commentaires:
N'accusez pas trop vite J.D. Merchet. Après tout, il vaut mieux donner la parole au patron de la Légion que de la réserver au seul réceptacle des rancoeurs militaires qu'est l'Adefdromil. Merchet est un spécialiste des questions militaires, pas un journaliste d'investigation : il est compréhensible qu'il rende des services à l'Etat-major s'il veut en obtenir aussi des informations. Et si l'on regarde ses écrits au deuxième degré, il n'est pas forcément si complaisant. Voyez par exemple la dernière question de cette interview. Non seulement elle est neutre sur le fond de l'affaire, mais elle souligne que "Beaucoup dans l'institution militaire accuse la hiérarchie - donc vous - d'avoir lâché cet officier". Avez-vous vraiment l'impression que le général Pichot de Champfleury souhaitait qu'on lui rappelle le malaise provoqué chez les officiers par le lâchage du lieutenant Bertaud ? La réponse du général est d'ailleurs plutôt emberlificotée, et l'appel à l'indépendance de la justice assez cocasse puisque -- J.D. Merchet l'avait souligné en son temps dans Libé -- l'armée elle-même avait réclamé la mise en examen du lieutenant ! Cette distanciation pourrait bien signifier que l'armée ne croit plus guère à la culpabilité du lieutenant : elle prépare ses arrières au cas où il serait innocenté. Voyez d'ailleurs ce que dit le général : le lâchage vient du conseil d'enquête "c'est-à-dire les pairs du lieutenant Bertaud". En somme, si le lieutenant a été victime d'une injustice, c'est la faute d'autres lieutenants, surtout pas de la hiérarchie !!!
En relisant la partie de l'entretien relative au lieutenant incriminé, vos observations me semblent pertinentes. La hiérarchie lâcherait-elle du lest au sujet de ce jeune officier, trop vite abandonné aux chiens ? C'est possible.
Quant à Merchet, j'attends avant de modifier mon point de vue. Je comprends bien qu'il relaie le point de vue de l'état-major, ce n'est pas ce que je lui reproche le plus.
Je persiste à penser que la double page qu'il a consacrée à ce jeune officier tout juste incarcéré, en bénéficiant d'une ouverture des portes au 2eREP, s'apparentait davantage à un lynchage médiatique qu'à un travail de journaliste d'investigation.
D'ailleurs, comme vous le faites remarquer : « Merchet est un spécialiste des questions militaires, pas un journaliste d'investigation ».
Merci pour ce commentaire fort éclairant.
Lynchage médiatique ? Peut-être... quoique, si l'on relit au second degré l'article de J.D. Merchet dans Libé du 9 janvier, on y voit pas mal de réserves implicites. D'abord, il avertit nettement que les messages sur l'affaire sont téléguidés par l'armée ("pas d'omerta militaire, bien au contraire" : c'est quoi le contraire de l'omerta ?). Ensuite, il dit assez clairement que la victime n'aurait jamais dû se trouver là, que les coups portés n'ont pas été violents, que la privation d'eau a duré moins de deux heures, que le lien entre la privation d'eau et l'hémorragie n'est que "vraisemblable", que le dossier militaire du lieutenant ne contient que des bricoles du genre port de chaussures non réglementaires, que l'armée a fait pression sur la justice pour obtenir une mise en examen, qu'elle avait besoin de faire un exemple pour éviter des bavures en Afghanistan, etc. Au total, ça fait beaucoup pour un journaliste "aux ordres" !
Vous allez finir par me convaincre !
Vous démontrez qu'il est bon de revenir sur des textes commentés « à chaud » et de les relire avec recul. Je ne l'ai pas fait.
Je viens de relire l'article en question et je persiste à penser que pour un lecteur pas assez attentif au second degré, le portrait à charge est féroce et univoque.
Merchet a néanmoins l'opportunité de nous démontrer sa liberté d'action en s'intéressant à la version du mis en examen.
En dehors de l'entretien accordé par un de ses avocats à un hebdomadaire, les arguments à décharge n'ont pas beaucoup eu la possibilité d'atteindre l'opinion publique.
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