samedi 21 février 2009

L'état-major reçoit la monnaie de sa pièce

Un légionnaire photographié à Deh Rawod, en Afghanistan, en novembre 2008 par le Marine Cpl. John Scott Rafoss.

L'association ADREFOMIL, qui se prétend attachée à la défense des fonctionnaires sous l'uniforme (je n'ose pas utiliser les termes de soldats ou de militaires), vient de publier un rapport hallucinant sur l'état des droits de l'homme dans l'Armée française en général et au sein de la Légion en particulier.

Rappelons que cette association a joué un rôle non négligeable dans la médiatisation de l'affaire du jeune lieutenant de Légion dont la responsabilité a été mise en cause par sa hiérarchie dans la mort accidentelle d'un soldat au cours de manœuvres à Djibouti.

Interrogé par le journaliste du Figaro Charlotte Menegaux, Michel Bavoil, responsable de cette association a tenu des propos sur l'Armée qui ne manquent pas de sel.

Pour la première fois, une association publie un rapport sur les atteintes aux droits de l'homme que subissent des militaires en exercice. Son président dénonce des «pratiques d'un autre âge», surtout dans la Légion.

L'Association de défense des droits des militaires (Adefromil), une association créée en 2001 pour recueillir des témoignages de militaires, vient de publier son premier rapport sur les droits de l'homme dans l'armée. Un rapport explosif qui tire la sonnette d'alarme face à l'afflux de témoignages de soldats brimés dans le cadre de leur mission. Michel Bavoil est président de l'association. Capitaine en retraite, il dénonce la situation et réclame des mesures concrètes :

Lefigaro.fr : Quel bilan tirez-vous en matière des droits de l'homme dans l'armée ?

Michel Bavoil : Nous mettons le doigt sur des dysfonctionnements majeurs. Et principalement à la Légion étrangère. La Légion fonctionne sur un système de pression. Les gars sont retenus par la force et par la menace, il faut le savoir : sinon, 85% d'entre eux se sauveraient. Par ailleurs, les commandants profitent de leur pouvoir sur eux, parce qu'ils sont tous étrangers : ils décident des certificats de bonne conduite, dont dépend l'attribution de titres de séjour. Et font du chantage avec ça. Et comme les légionnaires ne s'engagent pas sous leur vrai nom, mais sous une «identité déclarée», des problèmes surgissent toujours en fin de contrat. C'est un scandale, on ne peut pas traiter des étrangers comme ça !

Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Il y a cet ancien légionnaire, Taleb. Il a été réformé suite à une blessure au genou, libéré à Marseille sans ses papiers, ce qui a posé des problèmes quand il s'est présenté à l'hôpital pour se faire opérer. Il y a aussi Gurkha, un Népalais, atteint d'une tuberculose. Il a eu un moment de déprime et s'est retiré de la Légion quelques jours. Ce qui ne lui a pas été pardonné : la Légion l'a renvoyé à Paris, lui a retiré tous ses papiers et lui a bloqué son compte bancaire à La Poste.

Et puis j'ai des photos aussi de légionnaires en train de ramper en slip et en rangers la nuit, avec, à côté, un gradé qui tient un grand bâton et une bière. Ça relève du Code pénal ! C'est un autre monde, on a l'impression de revenir 100 ans en arrière chez eux !

La Légion étrangère est pourtant souvent présentée comme un creuset d'intégration synonyme d'exploits guerriers…

Des mythes tout ça ! Et nous, on met le doigt là où ça fait mal. Faire partie d'une troupe d'élite, c'est être très bon en sports, savoir tirer, bien connaître l'armement, mais ça n'est pas de foutre des coups à des gars ! Les victimes deviennent des hommes sans droits.

Dans votre rapport, vous vous appuyez sur le témoignage de 200 personnes par an en moyenne. Au regard des 347.903 militaires français, ne représentent-elles pas une minorité ?

Pour avoir un dossier béton, nous avons décidé de nous fonder uniquement sur les témoignages de personnes qui ont fait le déplacement et qui ont adhéré à l'association (c'est le seul lien de droit qui nous unit à elles). Mais on ne compte pas les quatre ou cinq militaires qui nous contactent chaque jour souvent anonymement pour parler de leur détresse, par téléphone ou par mail. On leur donne des conseils, et au besoin on les dirige vers des avocats. Quoiqu'il en soit, il y a de plus en plus témoignages, souvent très durs, c'est un fait.

Ne craignez-vous pas qu'on vous accuse de dénigrer l'armée ?

Dévoiler ces dysfonctionnements, est-ce dénigrer l'armée ? Faut-il que ces atteintes aux droits de l'homme continuent ? Mais attention, nous ne sommes pas dans une entreprise antimilitariste, loin de là !

Vous parlez d'une «régression». Faut-il y voir un rapport avec la professionnalisation de l'armée ?

Bien sûr. Les appelés avaient des bouées de secours, avec leurs parents ou les députés. Maintenant que les militaires sont des professionnels, tout le monde s'en fout ! Si le pouvoir ne surveille plus ce qui se passe, ça peut devenir n'importe quoi.

Quelles sont vos propositions ?

Il faut des contre-pouvoirs. On propose des médiateurs dans les armées, avec le renvoi systématique des gens qui pratiquent des brimades.

Qu'attendez-vous des pouvoirs publics ?

Le ministre de la Défense, Hervé Morin, refuse de communiquer avec nous. Michèle Alliot-Marie était beaucoup plus efficace : dès qu'elle entendait parler d'une brimade, elle ordonnait une enquête. Mais actuellement, nous nous sentons un peu seuls et il faudrait que ça change.

Rapport sur les droits de l'homme dans l'armée française, 2005-2008, ADEFDROMIL, 28, rue d'Edimbourg, 75008, Paris. L'intégralité du texte n'est pas disponible sur le Net.

1 commentaire:

Yoyotte a dit…

Bonjour,
Ancien adjudant-chef, fonctionnaire civil toujours dans l'armée, âgé de 61 ans, je me fais massacrer depuis 14 ans. Quelques faits pour saisir : licencié en 1997 pour avoir dit stop par écrit à la barbarie que je subissais de la part d'officiers dont un général. Réintégré administrativement par le Conseil d'Etat en 2005. L'armée a tenté de me faire passer pour fou en payant un médecin civil. J'ai découvert le piège. En représailles, l'armée m'a placardisé chez moi sans traitements ni affectation. J'ai saisi le Conseil d'Etat en 2008. L'armée m'a mis une seconde fois à la porte. Sommations d'un huissier pour que je quitte mon logement domanial. Vu mon recours, l'armée m'a réintégré administrativement une deuxième fois en mars 2009, mais a tenté des manœuvres dilatoires pour que je demande ma mise en retraite. J'ai refusé. Alors pour ne pas me donner un poste, mon avancement et les quelques 500.000 euros qu'elle me doit, l'armée continue de me persécuter jusqu'à ce que je me tire une balle... C'est très sérieux...