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samedi 1 décembre 2007

Weimar en Afrique

Une belle coupure au Zimbabwe.

La mort de l'ancien premier ministre de Rhodésie, Ian Smith, la sortie en DVD du film le Putsch des mercenaires, tout comme la polémique entourant la venue du président du Zimbabwe, Robert Mugabe, au sommet Europe Afrique qui se tient à Lisbonne, sont l'occasion pour offrir à nos visiteurs un bref aperçu de la vie dans une société où une élite noire à remplacé au pouvoir une élite blanche.
La tragédie que connaît ce pays est telle que nul ne fait plus attention à une vie politique entièrement dominée par le président Mugabe et par son parti quasi unique. L'expulsion des fermiers blancs pour permettre à des apparatchiks locaux de s'emparer de leurs terres, la persécution féroce des opposants, la censure des médias, tout cela est passé au second plan.
Un monstre d'un nouveau genre a frappe au ventre une société déjà affaiblie par le Sida : l'inflation. Non pas celle qui affole les places boursières européennes depuis quelques jours, non, une hyperinflation qui dépasse les 35 000%.

Se payer une bière au comptoir à Harare, la capitale du Zimbabwe
(anciennement Salisbury).


Le gouvernement de Robert Mugabe, aux abois, ne peut plus compter sur les ressources normales d'un Etat pour financer ses activités et pour payer les salaires de sa police et de son armée, les seuls piliers qui soutiennent encore son régime.
La solution trouvée par ce génial homme d'Etat africain est de faire fonctionner la planche à billets à plein régime, un véritable cas d'école tel que l'on ne l'avait plus vu depuis les jours tragiques de la république de Weimar, dans l'Allemagne ravagée par la Première Guerre mondiale et ruinée par le traité de Versailles.
Pour tenter de ralentir l'augmentation monstrueuse des prix, le gouvernement s'est penché sur la liste des erreurs à ne surtout pas commettre et s'est attaché à appliquer toutes ces mesures dont l'histoire a démontré, maintes et maintes fois, qu'elles étaient vouées à l'échec.
Première mesure : taux de change imposé. Les exportateurs sont obligés de changer leurs devises au taux de la banque centrale, soit 30 000 ZD contre 1 USD alors qu’au marché libre ce taux est de 3 à 4 millions de ZB pour un dollar américain! Résultat : les exportateurs n’exportent plus et, dans tous les cas, rechignent à rapatrier leurs devises.
Deuxième mesure : contrôle des prix. Les magasins proposant des produits importés ont reçu l’ordre de les vendre à un prix calculé à partir du taux de change officiel. Résultat : les rayons des produits technologiques se sont vidés. Par exemple, on ne trouve plus de ramettes de papier A4 à acheter, des piles électriques ou des cartouches pour les imprimantes.
Troisième mesure : réduction des prix. Le gouvernement a contraint les commerçants à réduire leurs étiquettes pour permettre « aux pauvres de manger ». Résultat : on ne trouve plus rien dans les rayons des magasins à part quelques barils de lessive.
Les producteurs ne peuvent plus vendre et les acheteurs ne peuvent plus acheter. L’économie se réfugie dans l’informel. Les paysans monnaient quelques légumes au coin des rues, le combustible siphonné dans les véhicules de la police ou de l’armée est débité au litre dans des bouteilles que l’on s’échange dans des arrière-boutiques.
Pour s’en sortir, les entreprises ont basculé leurs comptes en dollars ou en rands sud-africains. C’est bien mieux pour la comptabilité, mais cela n’aide en rien le citoyen ordinaire à donner à manger à ses enfants. La seule solution qui lui reste est d’émigrer. Tous les jours, des habitants désespérés quittent clandestinement leur pays et se rendent en Afrique du sud pour prendre les emplois les plus rebutants. Certains, honte suprême, n’hésitent pas à se réfugier au Mozambique, l’ancienne colonie portugaise, longtemps méprisée, mais qui connaît une relative prospérité. Chaque matin, des centaines de « touristes » traversent la frontière et massacrent quelques mots en portugais pour se procurer des biens de première nécessité qu’ils vont revendre dans les rues de Harare.
Heureusement pour le gouvernement, le Zimbabwe est un pays encore largement rural où une partie importante de la population peut survivre en dehors des circuits commerciaux. Cela ne fait que retarder l’échéance. Dans quelques semaines ou dans quelques mois, des rangs de l’armée surgira un apprenti dictateur qui chassera Mugabe. Saura-t-il améliorer la situation des habitants ? Nul ne peut le prévoir. En tout cas il lui sera difficile de l’empirer.

Un billet à date de péremption.

vendredi 23 novembre 2007

La mort d’un vieux lion vaincu

Ian Smith, un Africain paradoxal.


Le 20 novembre dernier est décédé en Afrique du Sud, à l’âge de 88 ans, Ian Smith un personnage hors du commun qui a personnifié une des plus longues résistances aux « vents du changement » qui ont soufflé sur l’Afrique à partir de la fin des années 1950. Fils d’un colon écossais établi dans le centre de la Rhodésie en 1897, Ian Smith revient auréolé de gloire de la Seconde Guerre mondiale. Doué pour la politique, s’intéressant aux affaires publiques, il devient en 1948 le plus jeune élu au parlement rhodésien sous les couleurs du parti libéral. Après 1953, il s’engage progressivement dans la résistance à l’évolution politique prévue par Londres. Il finit par prendre la tête du Rhodesian Front party lequel s’oppose fermement à toute perspective d’instauration d’un régime où les Noirs auraient le droit de vote et donc le pouvoir.
En 1964, Ian Smith devient le premier ministre de la Rhodésie britannique et refuse tout compromis avec le Royaume-Uni quant à l’avenir politique de la colonie. Il officialise la rupture en 1965 en proclamant l’indépendance de son pays.
Cette initiative condamne la Rhodésie à un isolement politique et économique, seulement rompu par l’Afrique du Sud et le Portugal qui va paradoxalement encourager le développement industriel du pays.
Les opposants politiques du nouveau régime, principalement les nationalistes noirs, trouvent refuge dans les jeunes nations africaines voisines de la Rhodésie d’où ils organisent, à partir de 1972, des opérations de guérilla.


Tu ne fais plus partie des unités anti-terroristes, tu devrais laisser tomber tes instincts de pisteur.

Le départ du Portugal d’Afrique en 1975 est un encouragement puissant aux mouvements africains qui reçoivent à partir de cette date une aide considérable de l’Union soviétique. Les opérations subversives se multiplient et se transforment en véritable guerre de basse intensité, menaçant les liaisons routières et aériennes, attaquant les fermes et les missions.
Le gouvernement rhodésien fait face avec le soutien de la population européenne et l’abstention d’une majorité des Noirs. L’effort militaire du régime est très important et l’armée rhodésienne devient une véritable machine de guerre miniature, organisant en son sein des unités d’élite remarquables comme les Selous Scouts ou la Rhodesian Light Infantry. Avec des moyens humains et matériels limités, mais utilisés à bon escient, les Rhodésiens parviennent à restreindre les effets de la guérilla et à infliger des pertes considérables à leurs adversaires.
Mais à partir de 1979, l’évolution politique prévisible en Afrique du sud condamne inévitablement le régime. Ian Smith se résigne à l’inévitable et accepte contraint et forcé la transition politique.

Sur ma course aux chutes de Victoria, aux commandes de ma vieille Grant,
j'ai parfois vu des éléphants sur la voie.


En 1980 son principal opposant Robert Mugabe prend le pouvoir. La Rhodésie cède la place au Zimbabwe, un pays riche et prospère au regard des critères africains.
Vingt-cinq ans plus tard, le contraste est cruel entre une Rhodésie en pleine croissance économique, mais où les noirs étaient les victimes d’une réelle discrimination, et le Zimbabwe, pays en faillite où les Européens et les Matabele ont été l’objet d’une politique de nettoyage ethnique aux conséquences tragiques.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que se développe une nostalgie pour la Rhodésie d’autrefois. Non seulement auprès des Européens expatriés (voir les caricatures qui illustrent cet article) mais aussi des habitants du Zimbabwe qui comparent leur sort aujourd’hui avec celui de leurs parents sous le règne dur mais prospère de Ian Smith.
Le sort de la Rhodésie et celui du Zimbabwe ne sont pas étrangers à la situation actuelle de l'Afrique du Sud. Mais ces avertissement seront-ils suffisants pour éviter à l'ANC de commettre les mêmes erreurs que Robert Mugabe ? L'avenir le dira mais on a le droit de ne pas être optimiste.

Ne craignez rien, il a été pilote d'hélicoptère dans la Rhodesian Air Force
durant six ans.