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dimanche 13 juin 2010

Belgique : état des lieux


Belgie barst…
«Crève Belgique… tout un programme en deux mots.


Les élections de ce jour dans l'Etat belge rapprochent cette funeste construction juridique de sa mort annoncée. La possible majorité indépendantiste en Flandre est pourtant de bon augure pour l'avenir des relations entre les habitants des Pays Bas méridionaux, tant francophones que néerlandophones.

Les rapports entre ces deux populations sont empoisonnés depuis la tentative de l'élite gouvernante francophone d'imposer le français à l'ensemble de la toute nouvelle Belgique au début du XIXe siècle.

La révolution des nationalités, suscitée par la Révolution française et l'impérialisme français subséquent, a permis l'arrivée au premier plan du néerlandais dans les Pays Bas méridionaux alors qu'il l'était depuis longtemps dans les Pays Bas du nord.

Les Pays Bas méridionaux ont longtemps fait parti d'un ensemble plurinational dont la langue usuelle était le français. Par exemple, les archives de l'armada des Flandres du roi d'Espagne sont conservées à l'Amirauté de Bruxelles sont en français. L'examen des archives de toute nature révèle un usage très important du français non seulement dans la vie publique, mais aussi privée. J'ai été frappé par la lecture de menus de première communion en français dans des villes parfaitement flamandes.
En dehors des ouvrages de Patrick Villiers, probablement le meilleur historien français de marine en général et des corsaires en particulier (voir son Corsaires du littoral), j'invite mes lecteurs à découvrir l'œuvre de R. A. Stradling, notamment son The Armada of Flanders: Spanish Maritime Policy and European War, 1568-1668. Pour télécharger un chapitre d'essai, ici. Pour un aperçu général, ici. Cet ouvrage représente à mes yeux la quintessence d'un travail d'historien.
Cette présence du français s'explique alors tout comme celle de l'anglais aujourd'hui. La disparition progressive de la langue de Robespierre et de Saint-Just du plat pays est tout aussi naturelle et me semble une bonne chose.

Dans un Etat qui se veut binational, il est paradoxal de contraindre des autorités régionales à abandonner l'usage de la langue du pays pour traiter avec des résidents qui se refusent à l'apprendre. Si un francophone choisit de résider en Flandre, il doit apprendre le flamand. S'il refuse ce geste minimal de convivialité, qu'il aille s'installer en Wallonie.

Pour une fois le quotidien Libération publie un bon reportage de José-Alain Fralon dont la bonne tenue étonne dans un quotidien plutôt abonné aux distribes fransquillonnes d'un Jean Quatremer.

Toutefois, je suis étonné par l'ignorance de ces observateurs étrangers de la dimension historique de cette revanche flamande. Nous en avons assez parlé ici pour que je ne me répète pas,

[Bormsherdenking.jpg]

Commémoration de la mort d'August Borms un des fondateurs du nationalisme flamand moderne.

Seul ce bref rappel :

La grande réussite du mouvement flamand actuel est d'avoir communiqué à l'ensemble de la société flamande cette détestation de la Belgique qui avant n'était l'apanage que des nationalistes. Sans l'aide des Francophones et de leur politique d'épuration ethnique après la Seconde Guerre mondiale, il n'y serait jamais parvenu.

La condamnation à mort de la Belgique a été écrite avec le sang des fusillés des deux guerres mondiales et avec les larmes de rage des familles des victimes d'une répression qui dure encore (pas de loi d'amnistie en Belgique alors qu'en France la première a été votée dès 1947). Lire ce post pour plus de détails. A titre de comparaison, il y eut 94 Français pour 100 000 qui furent emprisonnés pour faits de collaboration pour 596 Belges.



La Flandre à mille temps
L’implosion du royaume de Belgique est-elle pour bientôt ? A la veille des élections générales, voyage chez les Flamands, partagés sur l’avenir de leur pays.


En 1968, des milliers d’étudiants flamands de l’université de Louvain dépavaient les trottoirs et défilaient aux cris de «Walen Buiten !» (Wallons, dehors). Chaque jour, des groupes de choc organisaient des razzias, posant une question aux étudiants. «As-tu soif ?», «Hebt jij dorst ?» en flamand. Ceux qui ne comprenaient pas, ou répondaient dans la langue de l’ennemi, étaient précipités dans les eaux de la Dyle. «Même les bilingues, accusés d’opportunisme, faisaient le plongeon», raconte l’écrivain Conrad Detrez (1). Les Flamands obtinrent satisfaction. Les francophones plièrent bagages pour aller fonder, entre vaches et betteraves, une nouvelle université en Wallonie. Cette «victoire de Louvain» est une étape importante du long combat mené par les Flamands depuis la création du royaume de Belgique en 1830, pour être considérés comme des citoyens à part entière et imposer leur langue à égalité avec le français.

Ce mois de mai, dans la même université, le calme règne. Stan, solide étudiant en droit, sourit : «La vaisselle, c’est hier qu’on se l’envoyait à la figure ! Aujourd’hui, tout va bien. Nous ne sommes pas au Kosovo.» Et pourtant. Dans sa courte histoire, la Belgique n’a jamais paru si proche de l’éclatement. A la veille des élections générales de ce dimanche, les sondages révèlent que près de 45 % des électeurs flamands s’apprêteraient à voter pour des partis séparatistes, dont le plus important, la N-VA (Nouvelle Alliance flamande), populiste de droite, pourrait devenir avec plus d’un quart des suffrages le premier parti de Flandre et de Belgique. Même si un autre sondage a montré que 15 % seulement des Flamands se prononcent pour une scission radicale de la Belgique, la question se pose : l’implosion du royaume est-elle pour bientôt ?

«La géographie ne change pas»
A Louvain, Peterjan Gijs, frêle architecte de 27 ans, évoquait rarement «ces histoires» avec ses amis. Depuis la crise ouverte en avril par la démission du gouvernement, il se sent «vraiment concerné». Si Peterjan trouve «ridicule» l’idée d’«un petit Etat flamand, sorte de Liechtenstein ou de Monaco», il doit constater que «plus personne ne maîtrise ce qui se passe, chacun suit sa logique et s’écarte progressivement de l’autre». «Certains de mes copains, dit-t-il, pourraient même voter pour la N-VA. D’abord parce qu’ils sont déçus par les autres partis, mais aussi parce qu’ils estiment que les francophones de Belgique n’ont jamais fait l’effort de nous comprendre.»

Dans une brasserie de la Grand Place d’Anvers, Georges Timmerman, cheveux ras et barbe de plusieurs jours, pose un regard désabusé sur son pays. A 56 ans, cet ancien journaliste du Morgen, (le Libé flamand), a créé un site Internet d’informations politiques, dénommé Apache, en référence aux voyous parisiens et bruxellois du début du XXe siècle. «Fatigué de la Belgique et de ses querelles incessantes», Georges estime que «la fin de la Belgique ne serait pas la fin du monde et permettrait peut-être de s’occuper enfin des vrais problèmes.» Et les Wallons ? «La géographie ne change pas. Nous sommes déjà voisins, nous le serons encore demain et nous trouverons bien les moyens de nous entendre.»

Dans le quartier branché d’Anvers, Guy «Lee» Thys, 57 ans, est producteur et réalisateur. Chaque matin, en arrivant au bureau, il passe devant une immense affiche du Mépris de Godard. Du mépris, il en est vite question. Guy raconte des années d’humiliation lorsqu’il faisait ses études de cinéma à Bruxelles. «Je ne savais pas si le mot croissant était masculin ou féminin. Par peur de dire : donnez-moi une croissante, et de m’attirer la moquerie des clients, j’en commandais toujours deux.» Guy ne soutient pas la cause séparatiste : «Sans Bruxelles, la Flandre n’est rien», assure-t-il. Erwin Mortier, qui vient de recevoir le principal prix littéraire des Pays-Bas pour son roman Godenslaap (Sommeil des dieux) (2) lui fait écho : «La lutte pour maintenir notre langue dans ce pays a été très dure. Mais ce n’est pas parce que nous reconnaissons la légitimité de ce combat que nous devons automatiquement devenir nationalistes.»

Les artistes et intellectuels, Flamands et francophones, semblent être les seuls à se sentir vraiment à l’aise dans leur no man’s land belge. Ils se reconnaissent dans la boutade surréaliste d’Arno : «La Belgique n’existe pas ? Je sais : j’y habite.»

Même si elle n’est pas du même monde que le chanteur déjanté, Léonie van Tielborgh estime aussi que «l’indépendance de la Flandre, ce n’est pas sérieux». Née en 1940, à moins de 5 km de la frontière des Pays-Bas, cette jolie dame blonde assise dans son superbe appartement qui domine Anvers, a peu d’atomes crochus avec ses voisins du Nord. «Les Hollandais, même si nous parlons la même langue, j’ai quelque chose contre eux, cela vient du cœur ! Ils sont bornés, un peu agressifs, imbus de leur personne. Et ces femmes qui vont encore à la messe avec leurs jupes noires.» Léonie, qui a tenu à nous faire goûter sa tarte aux pommes, a connu le temps où les «fransquillons», les «petits de Français», tenaient le haut du pavé dans les villes flamandes. Le temps où «on parlait français au salon et néerlandais à la cuisine». Par son grand-père et à l’école, elle a aussi compris l’un des mythes fondateurs (et, comme tout mythe pas forcément prouvé) de la conscience flamande : les soldats flamands morts durant la guerre de 14-18, pour n’avoir pas compris les ordres que leur donnaient leurs officiers francophones.

«Bruxelles est loin…»

Anvers la cosmopolite, la débrouillarde, où, comme dit le dicton, «on peut toujours trouver à n’importe quelle heure, à n’importe quel jour, un bateau qui part pour n’importe quelle direction», est aussi Anvers la brune. Qui accueille un meeting du Vlaams Belang. Le parti d’extrême droite, en baisse selon les sondages, réalise ici ses meilleurs scores (plus de 33 % lors des municipales de 2003). Plusieurs centaines de militants, de tous âges et de tous milieux, agitent des drapeaux flamands et applaudissent les slogans de leurs candidats. «Bienvenue dans le Chicago flamand», tonne Filip Dewinter, le président du parti, faisant allusion à l’augmentation de la violence à Anvers. Un autre orateur fait éclater la salle de rire en transformant la formule «vivre comme Dieu en France» en «vivre comme Mahomet en Belgique». Valery Vangorp, charmante employée de 22 ans, applaudit à tout rompre. Pourquoi est-elle là ? Son père, «mais pas sa mère», est militant depuis longtemps ; le parti est «le seul à penser à l’avenir des jeunes» ; les Flamands donnent beaucoup trop d’argent à la Wallonie ; elle se sent bien plus proche d’un Hollandais que d’un Wallon ; et «surtout», il y a trop d’étrangers en Flandre… «Bruxelles est loin, dit-elle, je préférerais une République flamande avec Anvers comme capitale.»

Eddy, un ambulancier à la retraite, approuve : «Nous n’avons pas besoin de Bruxelles chez nous !» Dimitri Hoegaerts, le jeune et très correct attaché parlementaire d’un député du Vlaams Belang, veut lui aussi abandonner Bruxelles. Pour les nationalistes, c’est un changement de cap : Bruxelles, située en Flandre mais peuplée en majorité de francophones, a été jusqu’ici la principale raison de l’attachement des Flamands à une Belgique unie. Eddy l’ambulancier continue : les Flamands «germanistes» n’ont plus rien à faire avec ces «latins» de Wallons. Et d’invoquer le scandale des scandales : «En Belgique, 90 % des radars sont en Flandre et pourtant, les deux régions partagent les contraventions payées par les automobilistes flashés. Encore de l’argent qui part de nos poches pour aller dans celles des Wallons !»

La sœur du prince pour reine

Et le roi des Belges dans tout cela ? Valery se dit «républicaine». Pour elle, «ces gens-là coûtent cher et ils ne sont pas très normaux». Philippe, le fils du roi actuel, Albert II, est «particulièrement ridicule». Eddy, lui, balaye la cour de Belgique d’un revers de main énervé : «Finito ! Finito !» Si ce discours antimonarchiste des militants du Vlaams Belang est classique, il surprend plus dans la bouche de Monique van der Straeten, une femme modérée, ancienne fonctionnaire du Parlement européen à Bruxelles qui parle cinq langues. Elle n’est pas tendre avec le prince Philippe : «Un incapable, jamais nous ne l’accepterons !» En l’écoutant, on pense à un avocat bruxellois qui se demandait si la monarchie, considérée comme un pilier de la Belgique, ne pourrait pas en devenir le fossoyeur. «La grande majorité des Flamands, hier fervents monarchistes, pourraient profiter de la montée sur le trône du prince Philippe, qu’ils détestent, pour remettre le royaume en cause», expliquait-t-il. Quitte à choisir un roi, les Flamands préféreraient une reine, possibilité ouverte par l’abolition de la loi salique en 1992. Et pourquoi pas Astrid, 48 ans, la sœur de Philippe ? Elle est sérieuse, catholique et, qui plus est, mariée à un prince autrichien.

Monique raconte elle aussi ses frustrations à Bruxelles : «Je travaillais, en français et en anglais, pour une agence de communication. Un jour, alors que nous déjeunions tous ensemble, je me suis fait engueuler par ma directrice parce que je parlais néerlandais avec une de mes amies !» Monique n’a plus supporté les francophones incapables de prononcer un mot de néerlandais «même pas bonjour ou merci», la provocation des serveurs dans les restaurants, qui font exprès de ne pas comprendre. «Une fois, ce n’est pas grave, mais, tout le temps, ça use !» En 2008, elle est partie vivre à Gand. Selon elle, la morgue des francophones ne date pas d’hier. Dans l’armée belge, raconte Monique, les officiers s’adressaient en français à leurs troupes, en majorité des Flamands qui n’y comprenaient rien. Ils terminaient leurs discours par : «Et pour les Flamands, c’est la même chose !» Monique s’interroge sur son prochain vote. Pourquoi pas la N-VA, même si «une petite Flandre, c’est un peu ridicule» ?

«Une Flandre indépendante, ce n’est pas rien», affirme Wilfried, employé dans une pharmacie de Gand, «avec 6 millions d’habitants, nous sommes plus nombreux que le Danemark, l’Irlande ou la Slovaquie» ! La cinquantaine, cravate et chemise grise assorties, cheveux coiffés sur le côté, il a longtemps eu foi en la Belgique : «Il y a encore trois ou quatre ans, je croyais vraiment à ce pays. Maintenant, c’est fini. Pour une question d’efficacité, nous devons nous séparer. Tout cela coûte trop cher.»

«Rik» - appelons ainsi, cet homme rogue d’une quarantaine d’années qui ne veut pas donner son nom - habite Linkebeek, une des communes de la périphérie bruxelloise situées en Flandre et peuplées en majorité de francophones, qui sont au centre de la crise politique. Les autorités flamandes veulent mettre fin à certaines facilités administratives accordées aux francophones de la zone. Pour Rik, en Flandre, on parle flamand et c’est tout ! Il est de toutes les manifestations et colle des affiches exigeant que les «rats français foutent le camp». Chaque 1er septembre, il participe avec sa famille au Gordel («la ceinture»), une promenade autour de Bruxelles, organisée depuis 1981 pour affirmer le caractère flamand de la périphérie de la capitale. En 1993, plus de 110 000 personnes y avaient pris part. Un record.
Un vrai «Belgicain»

Annelies Kums et Simon Steverlinck, 27 ans, donnent rendez-vous au café Roskam, rue de Flandre justement, dans le centre de la capitale. «A Bruxelles, il y a un quartier portugais, un quartier turc… et un quartier flamand, et c’est là que nous vivons», expliquent-ils. «Comme s’il y avait un quartier français à Paris», ironise Léo, un habitué du Roskam. Il rappelle que Bruxelles est encore la capitale de la Belgique et de la Flandre et que la ville était habitée, à la création du royaume il y a 180 ans, par près de 70 % de personnes parlant un patois flamand. Aujourd’hui, il y a moins de 15 % de Flamands à Bruxelles.

Annelies et Simon, nés dans la province flamande, n’ont pas, «ou très très peu», d’amis francophones. «En fait, ce sont toujours nous, les Flamands, qui devons faire des efforts», explique Simon. Une Flandre indépendante, «pourquoi pas ?» dit-il. «Moi, cela me gênerait, rétorque Annelies. Quand on me demande d’où je viens, je me dis toujours belge.» David Degreef vient les rejoindre au Roskam. Ce Flamand élégant, 27 ans lui aussi, est un vrai «Belgicain» - traduire : partisan de la Belgique unie - qui juge la Flandre trop petite pour être indépendante et affirme se sentir davantage chez lui en Wallonie qu’aux Pays-Bas. Tous les trois ne veulent pas dire pour qui ils vont voter. Ils concluent sur un cri du cœur : «Tout cela ne nous empêche pas de dormir.»

«Si les francophones restent aussi rigides, on va tout droit vers la scission du pays», décrète John Spruyt, agent immobilier, rencontré à Vilvoorde, à une dizaine de kilomètres de Bruxelles. Président du cercle historique de la ville, cet homme rondouillard, avoue son admiration pour Nicolas Sarkozy et la France, sa deuxième patrie. Pourtant, il exige que tous les compromis de vente signés dans son agence soient rédigés en néerlandais. «Nous sommes dans une ville flamande et il faut respecter sa langue. Si quelqu’un veut un texte en français, tant pis pour lui. Les étrangers, Turcs, Africains, Européens de l’Est, prennent tous des cours de néerlandais quand ils arrivent, mais pas les Belges francophones.» Si John est opposé au séparatisme, une «confédération» lui conviendrait parfaitement.
«La Belgique n’est pas une nation»

Confédéralisme, le mot est dans la tête de tous les Flamands. Une manière élégante de se séparer sans divorcer, et de vider progressivement l’Etat central des prérogatives qui lui restent. A Ekkem, un village à quelques mètres de la frontière française, Luc Devoldere, 57 ans, anime Ons Erfdeel, une fondation de promotion de la culture néerlandaise, Flandre et Pays-Bas rassemblés. «Quand j’étais jeune, explique-t-il, je voulais être parisien. Plus tard, italien. Et puis, j’ai accepté mon destin : je suis d’ici, un Belge néerlandophone vivant en Flandre.» Il cite Nietzsche et sa définition d’une nation, des gens qui parlent la même langue et qui lisent les mêmes journaux et constate : «La Belgique n’est pas une nation.» Il reste pourtant optimiste : «Le pays ne cassera pas, il y a de l’espoir. Sauf si les francophones continuent de refuser de nouvelles réformes du modèle belge et que la Flandre se radicalise.» Pour lui «la Flandre est devenue trop riche, trop vite, et l’émancipation flamande a été tellement réussie que la Flandre n’a plus besoin du modèle néerlandais». Luc Devoldere adore Jacques Brel, qui se disait de race flamande et de langue française,tout en s’en prenant violemment aux Flamingants, les nationalistes flamands, «nazis durant les guerres et catholiques entre elles».

Dernière étape du voyage en Flandre : les Fourons, six villages perdus tout au bout de la Belgique, entre la Flandre et la Wallonie, non loin de Maastricht, aux Pays-Bas, et d’Aix-la-Chapelle, en Allemagne. D’abord considérés comme wallons, ils devinrent flamands en 1962, à l’issue d’un marchandage territorial très complexe. Les francophones, alors majoritaires, ne l’acceptèrent pas et ces villages paisibles devinrent le champ clos des affrontements belges, comme le sont désormais les communes de la périphérie bruxelloise. Le calme est revenu aux Fourons, comme à Louvain. Avec l’arrivée de Néerlandais et le départ de certains francophones, les Flamands sont devenus majoritaires. Les deux cafés mitoyens, le francophone Chez Liliane et le néerlandophone Chez Wynants, qui se livraient une guéguerre sans merci, ne font plus qu’un, le Op D’R Pley. Un établissement flamand, même si le patron parle les deux langues.

(1) Conrad Detrez, «l’Herbe à brûler», Paris, Calmann-Lévy, 1978. (2) Erwin Mortier, «Godenslaap», De Bezige Bij, Amsterdam. La version française, «Sommeil des dieux» (Fayard), sera disponible en septembre.

samedi 22 mars 2008

Querelles linguistiques

Divoy et Donnet, en flamand seulement.


Dans les colonnes de la Libre Belgique, le journaliste Christian Laporte rapporte les polémiques qui entourent la restauration d'un monument dédié à deux jeunes Flamands qui sont partis rejoindre la RAF en 1941 dans des conditions spectaculaires.

La réaction de la commune flamande reflète l'évolution du rapport de forces né de l'arrivée des troupes anglo-américaines en Belgique à la fin de 1944. A cette époque, la Flandre était associée par les vainqueurs à l'ennemi allemand. Il est donc normal que le monument soit en français, langue naturelle de la Belgique.

Il n'est guère étonnant non plus que des éléments radicaux de la communauté flamande ne supportent plus cette inscription qui leur rappelle de bien mauvais souvenirs. Si la tendance se poursuit, le monument sera déménagé à l'Imperial War Museum à Londres et remplacé par une stèle à la mémoire d'Irma Laplace.

Cette querelle lapidaire reflète bien la désagrégation du régime belgicain, miné par la résurgence d'une nation qu'il croyait avoir définitivement entérrée sous l'opprobre. Il est dommage que ce règlement de comptes se fasse sur le dos de deux authentiques héros.


Overijse "flamandise" même les héros belges de la RAF !

La stèle dédiée à l'exploit de Divoy et de Donnet amputée de sa version française.
Au hit-parade de l'intolérance linguistique, la commune d'Overijse dégaine tous azimuts depuis quelques semaines, mais la dernière décision en date du collège communal risque de faire du bruit jusqu'en haut(s) lieu (x). Le bourgmestre Dirk Brankaer a en effet décidé, à l'encontre de l'opinion de l'Union nationale des évadés de guerre, de flamandiser la stèle évoquant un des plus audacieux exploits de la Seconde Guerre en Belgique ! A savoir l'envol depuis les proches environs du château de Ter Block appartenant au baron Thierry d'Huart, mais alors occupé par les Allemands, d'un avion destiné à permettre à Léon Divoy et à Michel Donnet de rejoindre l'Angleterre pour s'y enrôler dans la RAF.

Le projet avait failli avorter avant de démarrer car si les deux compères avaient repéré l'avion, son propriétaire en avait ôté les instruments de bord. Ce qui nécessita de nombreux déplacements risqués sur place. Finalement, dans la nuit du 4 juillet 1941, Divoy et Donnet s'envolaient avec d'intéressants plans des aérodromes allemands de Belgique. A moins de 300 mètres des Allemands et sur un minuscule terrain d'envol... Moins de trois heures plus tard, ils atterrissaient dans l'Essex...

En 1951, dix ans après ce pied de nez audacieux à l'occupant, une pierre commémorant l'événement avait été dévoilée sur place. L'acte avait frappé les esprits : pour Camille Gutt, "l'exploit passera à la postérité comme le symbole même de l'indomptable caractère des Belges, de leur ingéniosité dans l'audace et de leur droit au respect de tous".
Une vision que ne partagent pas les militants flamingants qui depuis moult années badigeonnent le monument bilingue. Mais sous le maïorat précédent, de Jef Depré, la commune d'Overijse mettait son point d'honneur à restaurer la stèle. Ce n'est plus la position de son successeur Dirk Brankaer...

Guynemer reste français, même à Poelkapelle.

"De fait, explique Henri Branders, le président actuel des Evadés de guerre, quelle ne fut notre surprise de recevoir une lettre du bourgmestre nous annonçant que lors de sa réunion du 10 mars dernier, le collège avait décidé de faire enlever la plaque et de lui substituer désormais une seule inscription en néerlandais, arguant qu'Overijse se trouve en territoire flamand. Cette décision est d'autant plus effarante que je vais chaque année au monument Guynemer à Poelkapelle où personne n'a jamais contesté les inscriptions dans la seule langue maternelle du pilote français ! Mais le plus incroyable est que l'on s'en prenne aux victimes et pas aux auteurs des méfaits !"

mercredi 12 décembre 2007

Humour wallon

Dans le blog Coulisses de Bruxelles de Jean Quatremer, le correspondant très comme il faut du quotidien français de gauche Libération dans la capitale flamande, j'ai trouvé la vidéo de l'humoriste wallon François Pirette tourné voici trois ans pour RTL-TVI. Cete parodie des politiciens flamands est à la fois drôle et pas si éloignée de la réalité.


vendredi 9 novembre 2007

L’Héroïque petite Belgique, un bobard de plus ?


Le roi Albert vu par la légende.

Dans un article du Spectator qui a fait beaucoup de bruit, l’économiste néo-conservateur flamand Paul Belien, et aussi polémiste à ses heures, a jeté un sacré pavé dans la mare en accusant le roi Albert Ier de Belgique, le « roi chevalier » de nos manuels d’histoire, d’avoir comploté en secret avec les Allemands dans le but de trahir les Alliés et de faire cause commune avec le Reich contre le Royaume-Uni et la France. Au-delà de la polémique, ces accusations reposent-elles sur un fond de vérité ? Les milliers de morts français et anglais tombés sur le sol de la Belgique exigent une réponse sans ambiguïté.

L’« Héroïque Petite Belgique », ce slogan tant répété durant la Première Guerre mondiale, fut-il un bobard de plus ? Cette guerre en avait déjà accumulé pas mal… L’article publié par l’économiste et polémiste flamand Paul Belien dans l’hebdomadaire britannique The Spectator du 31 juillet 2004 sous le titre « Perfidious Belgium » pouvait passer pour un règlement de comptes entre un nationaliste flamand et l’Etat belge.
En dépit des accusations portées contre le roi Albert Ier, l’article resta sans réponse dans la presse belge. La bibliographie francophone ne traite guère le sujet à l’exception d’un gros volume édité en France dès 1970 sous le titre les Buts de guerre de l’Allemagne impériale 1914-1918, (1) dont l’auteur, l’universitaire allemand Fritz Fischer, loin des querelles belgo-belges, confirme largement ou, plutôt, précède sur certains points son collègue flamand, preuves à l’appui.

Le roi Albert à l'époque de ses bonnes relations avec le kaiser.


Albert Ier : roi-chevalier ou roi-otage ?

Il semble qu’en lieu et place d’histoire on ait longtemps vécu sur un « montage » réussi de la propagande alliée.
Les Alliés ont largement fait appel à la Belgique pour alimenter la grosse artillerie de leur propagande. Viol de la neutralité belge, enfants aux mains coupées, soldats crucifiés, infirmières fusillées, tout était bon pour soutenir le moral tant des civils que des soldats.
Sur un registre plus subtil, les publicistes de la cause alliée mettaient en scène à loisir les courageux petits David (Albert Ier et son armée) contribuant à terrasser les méchants Goliath germaniques.
Ainsi naîtra le mythe tenace d’une défense héroïque des Belges face aux Allemands durant la Grande Guerre. Mythe réactivé en 1962 par le livre de Barbara Tuchman The Guns of August.
La réalité serait tout autre : le rôle de la Belgique durant la Première Guerre mondiale aurait été équivoque. Son souverain aurait été prêt à changer de camp en traitant avec l’Allemagne à la moindre occasion.
Rien ne trouve grâce aux yeux des sceptiques. L’héroïque résistance de Liège en août 1914 n’aurait été qu’une tragi-comédie. Quand le futur général Ludendorff, accompagné par seulement un officier, frappa le 7 août à la porte de la citadelle de la ville en s’imaginant qu’elle était déjà occupée par ses troupes, on lui ouvrit et la garnison belge se rendit aux deux hommes. Les Allemands se trouvaient ainsi maîtres de la ville, de sa forteresse, et surtout des deux ponts sur la Meuse, intacts.
Le général belge Leman, qui commandait la garnison de Liège, se trouvait semble-t-il bien abrité dans les profondeurs bétonnées du fort de Loncin, au nord-ouest de la ville. Malheureusement pour lui, l’artillerie lourde allemande dont on ne soupçonnait pas la puissance, faisait exploser le dépôt de munitions de la forteresse le 15 août. Leman, blessé, faisait partie des quelques survivants. Lorsque l’assaillant le releva, il dit à son homologue allemand von Emmich : « Je vous demande de bien vouloir attester le fait que vous m’avez trouvé inconscient ». Grâce à la presse, le malchanceux général belge devint un héros, symbole d’une résistance menée jusqu’à l’extrême limite des forces humaines.

Le roi Albert à l'usage des enfants.

Nous allons maintenant laisser la parole à Paul Belien, tout en nous permettant de commenter son texte lorsque cela sera nécessaire. Pour la compréhension de ce qui suit, rappelons que l’article en question a été publié dans les colonnes du The Spectator, mais ne semble guère avoir entraîné de réactions dans la presse qu’un an plus tard. Signalons aussi que l’auteur, aux opinions ultra-libérales solidement ancrées, est l’époux d’un député du parti indépendantiste flamand Vlaams Belang.
Voici pour la critique de la source. Mais les choix personnels de l’auteur ne doivent pas pour autant justifier le refus de prise en compte de son point de vue. Nous allons vous le livrer aussi fidèlement que possible, et ferons la critique du document lui même comme annoncé plus haut. Le lecteur jugera.

De trompeuses espérances vite déçues

« Au matin du 4 août 1914, le cabinet britannique déclarait la guerre à l’Allemagne par quinze voix contre deux et quatre abstentions. Il y était contraint par le traité de Londres (1831) qui faisait obligation au Royaume-Uni de garantir l’intégrité territoriale du nouvel Etat belge.
« Les troupes allemandes en route vers la France avaient traversé la frontière belge tôt ce même matin. Après l’assassinat à Sarajevo le 28 juin 1914 de l’héritier du trône autrichien, l’archiduc Ferdinand, l’Autriche avait déclaré la guerre à la Serbie. Berlin, qui était allié à l’Autriche, et Paris à la Russie, estimaient que le temps de la guerre était revenu. Si le Royaume-Uni était resté à l’écart, on aurait assisté à une répétition du conflit franco-allemand de 1870. Cependant cela allait coûter cher à Albion de venir au secours de la « pauvre petite Belgique ». Quatre ans plus tard, 700 000 jeunes britanniques avaient été massacrés (1,7 % du total de la population), tandis que les pauvres petits Belges avaient perdu 41 000 hommes (0,6 %).

Sur les bord d'un chemin, une tombe galloise.

« Celui que les Belges honorent encore pour avoir sauvé leurs grands-pères de la mort dans les tranchées de Flandre est le roi Albert Ier, grand-père du roi actuel Albert II. Lorsque le 2 août le kaiser avait lancé un ultimatum à Bruxelles lui demandant le libre passage vers la France pour son armée, les Belges l’avaient rejeté. Le point de vue de l’état-major général belge était que l’armée allemande était largement inférieure aux armées belge et française. Certains avaient même espéré l’attaque allemande sur la Belgique, ce qui devait lui permettre de contre attaquer vers Cologne et Trêves et d’occuper la Rhénanie. « Une telle offensive est dans nos moyens » déclarait un rapport secret de l’état-major général belge dans l’été 1913.
Le roi Albert et ses généraux découvrirent rapidement que les forces militaires allemandes étaient largement supérieures aux leurs. Lorsque Erich Ludendorff arriva à Liège le 7 août et frappa à la porte de la citadelle, la garnison lui ouvrit et se rendit. L’armée belge était sens dessus dessous. Tous les officiers étaient francophones et leurs subordonnés néerlandophones. Les Flamands étant commandés en français, il s’ensuivait de fréquents malentendus. Les artilleurs flamands recevant l’ordre « Visez la meule » détruisaient consciencieusement un moulin proche (dans leur langue, « moulin » se dit meulen).
« La défense belge s’effondra. Le 20 août Bruxelles tombait sans combat. Le roi Albert se replia sur le petit village côtier de La Panne, une petite agglomération avant la frontière française. Il s’installa avec son épouse Elisabeth à la Villa Maskens, qui était littéralement la dernière maison sur le sol belge. Le roi était résolu à attendre l’arrivée des Allemands pour se rendre. Il interdit aux soldats belges de franchir la frontière pour continuer à combattre le kaiser depuis la France. Pour Albert, la Belgique s’était bornée à défendre son propre territoire face à une agression, ce que les lois internationales permettaient à un pays neutre ; mais elle n’avait jamais rejoint le camp des Alliés, et ainsi n’était pas l’ennemie de l’Allemagne. Il espérait que cet argumentaire arriverait à convaincre Guillaume II de lui conserver son royaume. »
Paul Belien n’est pas le seul à le dire. L’historien Evrard Raskin a découvert le compte rendu de conversations entre le souverain et son premier ministre, Charles de Broqueville confirmant que le roi voulait capituler. C’est son épouse Elisabeth qui l’en dissuada avec fermeté.

Sauvé par l’inondation

Ce sont deux simples civils flamands qui devaient sauver la situation. Il s’agit de Charles Cogge, employé chargé de la surveillance des digues qui entouraient la ville de Nieuport à l’embouchure de l’Yser ; et Hendrik Geeraert, un vieil alcoolique, qui suggérèrent de noyer l’estuaire de l’Yser, créant ainsi un barrage aquatique d’un kilomètre et demi entre les Belges et les Allemands. On ouvrit les vannes le 27 octobre, engloutissant les prairies flamandes. Les Allemands n’arriveront pas à franchir la barrière de l’Yser.


Les Bretons ont chèrement payé la défense de l'Yser.

Le danger venait maintenant du sud : à une quarantaine de kilomètres de La Panne se trouvait la cité médiévale d’Ypres, qui elle n’était pas protégée par les flots. Les Belges l’avaient évacuée le 7 octobre, laissant le champ libre à l’ennemi. Mais les Britanniques reprenaient la ville le 13 octobre. Ils s’y accrochèrent durant les quatre semaines suivantes, mais au prix très lourd de 58 000 hommes. Les Allemands lancèrent une nouvelle offensive sur Ypres au printemps 1915. Les combats coûtèrent aux Britanniques 59 000 hommes. Les Belges n’ont participé à aucune de ces batailles. Ils défendaient un front largement submergé d’une quarantaine de kilomètres entre la mer et Dixmude, à une dizaine de kilomètres au nord d’Ypres. »


La naissance d’un mythe

« Durant les quatre années suivantes, les Belges se sont contentés d’être spectateurs de la guerre. Néanmoins, le couple royal belge devint immensément populaire dans la presse alliée. L’image du vaillant chevalier qui défendait chaque mètre du sol de son pays, littéralement depuis la dernière habitation de son royaume, séduisit le grand nombre. Le comte de Rosebery écrivit qu’Albert prouvait que « cette royauté n’est pas morte et que l’héroïsme est encore vivant ». Le comte faisait partie des plus de cent princes, hommes d’Etat et d’Eglise, écrivains et artistes, ayant contribué au King Albert’s Book de décembre 1914, hommage exaltant les vertus d’Albert et de « son petit royaume, nation martyre de cette guerre, vouée à la liberté, laissée en otage et mourant pour elle ».

Qu’en était-il réellement ?

Pour le savoir, nous allons provisoirement couper la parole au Flamand citoyen belge pour la donner à l’universitaire allemand Fritz Fisher, aujourd’hui décédé, lequel a légué à la postérité les Buts de guerre de l'Allemagne impériale, un pavé de 654 pages avec d’innombrables notes, agrémenté d’annexes, d’une bibliographie qu’il qualifie modestement de « sommaire », d’un index et de cartes. Dans cet ouvrage aussi rigoureux que volumineux, quelques dizaines de pages concernent les relations germano-belges.
On apprend ainsi que dès la crise de 1904, l’empereur Guillaume II avait exigé du roi des Belges, qui était alors Léopold II, une alliance avec la possibilité pour ses troupes de traverser la Belgique. Il lui offrait en échange le rétablissement du duché de Bourgogne, cadeau qui ne lui aurait pas trop coûté puisqu’il l’aurait fait aux dépens de la république française. Mais le souverain belge refusa.
Guillaume II invita son successeur Albert à Berlin en novembre 1913, alors que la guerre s’annonçait : la France venait de voter « la loi des trois ans » (de service militaire). Il offrit de nouveau une alliance à la Belgique dont le nouveau roi se déroba encore, scellant ainsi le sort de son pays.
Les projets d’entente entre souverains ayant échoué et la neutralité belge une fois violée, l’Allemagne allait derechef faire de nouvelles propositions au gouvernement du pays qu’elle venait d’envahir. Ceci dès la chute de Liège, soit en août 1914. Albert refusa de nouveau, estimant qu’accepter les offres de Berlin équivaudrait à renoncer à la neutralité à laquelle il tenait tant.
Une deuxième tentative va être faite à l’été 1915. Elle passera par la Bavière qui, rappelons-le, constituait un royaume, et le plus puissant des Etats hors la Prusse à l’intérieur de l’empire allemand. Or sa dynastie, les Wittelsbach, était apparentée à celle de Belgique dont il ne faut pas oublier l’origine germanique (9). Le chancelier de l’empire, Bethmann-Hollweg, accueille favorablement la proposition formulée par le comte Hertling, président du conseil du royaume de Bavière. L’intermédiaire sera la princesse Sophie, sœur de la reine Elisabeth de Belgique, représentée par son mari le comte Törring-Jettenbach pour les pourparlers.
Mais redonnons la parole à Paul Belien.

Pourparlers en famille

« Cependant à l’automne 1915, l’enfant chéri des Britanniques et des Français notait dans son journal (intime) que les Alliés étaient voués à une défaite totale ». « Dans les Empires centraux règnent la discipline et l’unité, tandis que du côté des Alliés tout dépend des politiciens. Les souverains d’Angleterre et de Russie sont inexistants, et permettent aux parlements – déjà totalement incapables en temps de paix – de prendre des décisions à des moments où la clairvoyance et l’énergie d’un homme supérieur seraient nécessaires. » Albert était particulièrement mordant vis-à-vis de « l’incroyable vanité » des Britanniques. « Si seulement la France voulait bien comprendre que ce n’est pas son intérêt de répandre son sang pour servir les buts égoïstes des Anglais. » La Belgique devait se détacher d’eux.
Albert contacta son beau-frère, diplomate allemand, le comte Hans von Törring zu Jettenbach. « Les rapports entre Londres et Bruxelles ont été empreints de froideur et de méfiance durant vingt ans » écrivait le roi à Törring le 30 octobre 1915. Celui-ci faisait savoir à Albert que Berlin voulait que la Belgique abandonne sa neutralité et s’allie militairement à l’Allemagne. Il exigeait aussi que dans la Belgique d’après-guerre la Flandre ait une administration civile distincte de celle de la Wallonie francophone. Le roi aurait pu accepter la première exigence, pas la seconde. Dans une lettre à Törring du 10 décembre 1915 il expliquait qu’il refuserait toute négociation ultérieure si les Allemands n’acceptaient pas le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures belges. A la suite de quoi Berlin abandonna son exigence pro-flamande, mais insista encore pour qu’Albert devienne son allié militaire. Mais rejoindre le camp allemand impliquait que les Britanniques s’empareraient du Congo, la riche colonie africaine de la Belgique. Le roi n’était pas prêt à prendre ce risque. »
Voyons maintenant comment l’historien allemand présente ces pourparlers.
Disons d’abord qu’il est beaucoup plus disert que Paul Belien, qui il est vrai devait faire tenir tout son propos dans un article de journal.
Comme nous l’avons brièvement vu plus haut, il semble que, contrairement à ce qu’affirme Belien, ce sont les Allemands qui ont pris l’initiative des contacts, plus particulièrement initiés par un Bavarois ce qui n’est pas indifférent : « Törring semble établir rapidement une liaison avec la Belgique. »
Pour le reste, Fischer confirme en détaillant les propos du Flamand.
Ainsi : « De la fin du mois de novembre 1915 au mois de février 1916, quatre rencontres secrètes eurent lieu à Zurich entre Törring et le professeur Waxweiler, le mandataire du roi des Belges. »

Les Allemands ont aussi perdu une partie de leur jeunesse en Belgique.


Quatre rencontres secrètes sans lendemain

A la demande de Bethmann-Hollweg, les 24 et 25 novembre 1915 Törring se montre officiellement très réservé. Waxweiler lui remet une lettre du roi des Belges où celui-ci, s’adressant à son beau-frère « s’élève énergiquement contre l’accusation par Berlin… selon laquelle la Belgique n’aurait pas avant la guerre observé impartialement la neutralité de son pays. » Mais Albert Ier précise que s’il combat aux côtés de l’Entente, c’est uniquement pour défendre la neutralité de son royaume et non en tant qu’allié.
Le Bavarois fait alors des propositions « privées », en fait celles du gouvernement allemand : droit d’occupation et de passage pour les troupes, mise sous contrôle des chemins de fer belges, rattachement à l’union douanière allemande. On voit que l’Allemagne vise des objectifs autant, sinon plus, économiques que militaires, ce qui reste ignoré de la plupart des historiens qui ont gardé les yeux fixés sur les champs de bataille. Ceci sera récurrent, le gouvernement de Berlin semblant avoir un temps d’avance sur celui des autres pays dans la prise en compte de l’importance de l’arme économique et de la géopolitique : malheureusement pour la « petite Belgique », elle se trouvait mal placée sur la carte de l’Europe. Ainsi Fritz Fisher écrit «…la Belgique est la clé de la paix générale. »
Le négociateur belge rejette ces « propositions » en s’accrochant au trinôme neutralité-intégrité-souveraineté.
Mais néanmoins il ne semble pas indifférent à un autre argument : l’éventualité d’annexion de régions belges d’intérêt stratégique, qui seraient compensées aux dépens du territoire français frontalier, en particulier en Flandre. Waxweiler reconnaît que certaines « améliorations » dans ce domaine seraient « souhaitables ».

Un début de conciliation

Lors de la deuxième rencontre le 20 novembre, on assiste à un début de conciliation.
Törring a fait entre temps un aller-retour à Berlin et Waxweiler « a reçu l’ordre de se montrer plus conciliant ». Même si l’historien allemand ne le dit pas, il est évident que cet ordre émane du roi en personne.
L’important est que les deux négociateurs vont rédiger un texte commun. En français, car c’était la langue diplomatique d’alors. Voici le préambule :
« L’Allemagne n’annexera pas la Belgique. L’Allemagne ne signera pas de paix sans obtenir des garanties contre les attaques pouvant venir de l’Angleterre ou de la France. Ces garanties seront établies en Belgique. En tout cas, elles respecteront la complète autonomie intérieure du royaume et n’entraîneront aucune immixtion dans l’administration du pays. »
Ceci laissa Törring penser que l’on pourrait aller plus loin, et sinon satisfaire aux exigences allemandes présentées plus haut, du moins obtenir que la Belgique renonce à sa neutralité. Ce qui aurait du coup enlevé aux Alliés une justification morale à leur guerre, ajouterons-nous.
Ainsi pour les Belges le spectre de l’annexion s’évanouissait. La perte de territoires avec des compensations au détriment de la France (vallée de la Meuse, Maubeuge, Roubaix et Tourcoing) semblait satisfaire Waxweiler. De plus, le négociateur allemand suggérait à son gouvernement de se montrer lui aussi conciliant. Connaissant « la fin de l’histoire » on a aujourd’hui peine à imaginer que c’était l’Allemagne qui envisageait alors d’exiger des « réparations », en particulier de la Belgique : Törring propose au contraire qu’on lui offre « une indemnité de guerre mise à la charge de nos adversaires. » Il n’empêche que le but final était d’établir une forme de protectorat sur le royaume (les Allemands employant la formule « Etat tributaire »).

Le point optimum pour les Belges

Lors de la troisième rencontre des 5 et 6 janvier 1916 est atteint le « point optimum des dispositions favorables des Belges ». Fritz Fischer précise cependant, avec la prudence de l’historien scrupuleux, « apparentes ou réelles ».
Mais le roi Albert Ier aurait-il osé faire preuve de duplicité dans une lettre autographe à son beau-frère (destinée en fait au chancelier d’Allemagne) ?
Le souverain belge y fait des contre-propositions qui pour Törring manifestaient sa disposition à « renoncer au principe de la neutralité et à s’appuyer à l’Allemagne… »
Dans sa missive Albert prend acte du fait que la neutralité imposée à son pays lors de sa création (1830-1831) n’a pas réussi à l’empêcher d’être impliqué dans le conflit. Il en déduit qu’il faut adopter de nouvelles « dispositions », mais que le serment qu’il a prêté à la Constitution lui interdit « un quelconque témoignage d’inféodation ». Il suggère un accord germano-belge sous forme de convention défensive, mais entre partenaires traitant sur un pied d’égalité, et que les Allemands se contentent d’occuper des villes françaises frontalières auquel cas il mettrait les voies ferrées nécessaires aux liaisons sous leur contrôle. Et pour faire bonne mesure les Belges céderaient de fait les places fortes de Liège, Namur et Anvers, en y laissant des garnisons symboliques.
Le roi conclut ainsi :

A l’instant même où l’Allemagne aura compris que les garanties qu’elle demande pour assurer sa sécurité à l’ouest ne doivent en aucune façon toucher à l’indépendance politique et économique de la Belgique ou à son intégrité territoriale, l’inquiétude dont tu parles disparaîtra.
On aura au passage remarqué que l’intimité d’Albert avec Hans (von Törring) est telle qu’il emploie le tutoiement.
En conclusion, ce qui est proposé est une véritable collaboration avant l’heure.

La dernière rencontre

La quatrième et dernière rencontre de Zurich aura lieu le 25 février 1916.
Le point crucial est la réponse du chancelier Bethmann-Hollweg aux propositions belges du 5 janvier formulée dans une lettre de Törring à Waxweiler. Nous ne la citerons pas in extenso comme le fait Fisher, nous contentons d’en relever les points-clé.
L’Allemagne est toujours attachée à ses « garanties réelles », comme avec la Pologne à l’est, et le texte commence ainsi :
« Le gouvernement impérial apprend avec plaisir la décision de S.M. le roi Albert de renoncer à la neutralité de son pays. » C’était à notre avis forcer un peu la main au souverain belge.
« La complète autonomie intérieure de la Belgique sera conservée et garantie à ce pays. » Mais pour les limites du territoire, ce sera selon la bonne volonté du gouvernement de Bruxelles. On évoque aussi l’outre-mer : le riche Congo attire les convoitises de l’Allemagne qui en voudrait bien un morceau. Par ailleurs Berlin réclame de véritables « places de sûreté », et pas seulement en France.
Le texte revient aussi sur la volonté de contrôle économique, dans un but annoncé comme stratégique : chemins de fer, port d’Anvers, et une union douanière pour couronner le tout. Bizarrement l’Allemagne semble tenir beaucoup à ce que la Belgique aligne sa législation sociale sur la sienne (la plus avancée de l’époque) : « Cet engagement devra être dans le texte du traité de paix », conclut le mémorandum.
Mais Törring garde prudemment le document en poche plutôt que de le remettre à Waxweiler.
De son côté Berlin estime que les négociations sous le signe des alliances dynastique piétinent. Et il y a eu des « fuites », qui ont entraîné l’expédition par l’Entente d’une note à la Belgique qui manifestement adopte un profil bas et répond le 12 février dans des termes qui « affectent douloureusement » le gouvernement allemand, comme le dira le 25 février le comte Törring à son interlocuteur belge. Celui-ci assure que seuls le roi et la reine sont au courant. Néanmoins les pressions alliées ont porté leurs fruits.
Et l’on se quitte sans que l’Allemand ait remis le texte en question, de peur de jeter de l’huile sur le feu.
Un prochain rendez-vous est convenu pour mai : il n’aura pas lieu.
L’historien allemand – mais qui se montre peu indulgent pour la politique de son pays – se demande « à quel motif obéissait le roi Albert en acceptant la discussion avec l’Allemagne ? » Il formule plusieurs hypothèses mais prudemment ne conclut pas.
Mais nous avons trop longtemps privé de parole l’auteur de l’article du Spectator.

Selon le sort des armes…

« Au début de 1918, après trois ans d’inquiétudes au sujet du Congo, de nouvelles négociations étaient ouvertes avec Törring. Elles coïncidaient avec la grande offensive allemande de mars qui avait refoulé les Alliés sur la Somme. Compte tenu de l’ampleur de l’offensive allemande, les commandants des armées françaises et britanniques, les maréchaux Foch et Haig, demandèrent de nouveau aux Belges de placer leurs troupes sous un commandement allié commun. Albert refusa encore. Le président français Raymond Poincaré, le premier ministre (sic) français Georges Clemenceau et le premier ministre britannique David Lloyd George se rendirent tous à La Panne pour s’efforcer de convaincre Albert. Ils échouèrent.
Le 10 juillet 1918, Albert se décidait finalement pour une paix séparée germano-belge. Le général Galet, son plus proche conseiller militaire, formulait ainsi la chose : « Nous sommes convaincus que l’Allemagne nous rendra notre pays. La France va continuer la guerre pour (re) prendre l’Alsace-Lorraine, et l’Angleterre pour assurer son prestige mondial. Ce sont les buts de guerre des grandes nations pour lesquels nous ne sommes pas prêts à verser une goutte de sang belge. »
Ces négociations secrètes sont confirmées par Fisher, du moins celles menées avant l’offensive allemande de printemps, et très brièvement : « Le (Albert) menaçant et le suppliant en même temps, on lui offrait une dernière chance de paix séparée, basée sur les conditions allemandes. » Cette dernière chance ne sera pas saisie, c’est Belien qui explique pourquoi.
« Mais une semaine plus tard il se produisait un dramatique retournement de situation sur le front. Le 18 juillet les Britanniques et les Français contre-attaquaient et réussissaient à arrêter l’avance allemande. Albert décida d’attendre et voir comment la situation allait évoluer. Le 8 août les Anglais et des Américains nouvellement arrivées portaient un coup sévère aux forces allemandes près d’Amiens : 15 000 Allemands à bout de forces déposaient les armes. Avant le 25 août, 140 000 Allemands de plus s’étaient rendus tandis qu’un demi-million désertait (12). La résistance allemande s’effondrait bientôt sur tous les fronts. Le 26 septembre 1918, Albert plaçait finalement l’armée belge sous commandement allié. Il n’était plus « neutre ». L’offensive alliée finale fut lancée le 29 septembre. C’était la première offensive de la guerre à laquelle les Belges participaient.
Le roi (des Belges) devenait soudainement le combattant le plus enthousiaste. Lorsqu’au début novembre les Allemands demandèrent un armistice, il fut très déçu. Le président français Poincaré, qui le rencontra le 9 novembre, nota dans son journal qu’Albert était « attristé par la nouvelle de l’armistice, qui, disait-il, lui dérobait sa victoire. »

Albert, un roi face à un choix et sauvé par le succès anglais du 8 août 1918.




Allemands et Flamands, même combat ?

Bien que l’article du Spectator n’en parle pas, il nous paraît intéressant d’introduire dans cette étude comparative les rapports entre l’occupant de la Belgique et des éléments Flamands, qui font incontestablement partie du contexte.
Revenant sur la question belge en novembre 1917, Fisher traite des conclusions tirées par Ludendorff de la seconde révolution russe dite « d’octobre », survenue en début de mois. La Russie mettant à son tour en avant le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », les rapports avec les Flamands s’en trouvent affectés.
Dès août 1916, le Vatican avait offert de servir d’intermédiaire entre l’Allemagne et la Belgique en vue de négociations. Déjà le 16 juin le député du centre catholique au Reichstag Matthias Erzberger avait été chargé d’informer le pape que « l’Allemagne est toute disposée à accueillir favorablement des pourparlers de paix par l’intermédiaire de Sa Sainteté. Pour le secrétaire d’Etat von Jagow la Belgique serait le point « où Sa Sainteté doit appliquer d’abord le levier » en vue de parvenir à une paix séparée préludant à un accord général : la diplomatie allemande avait de la suite dans les idées.
En se limitant à ce qui nous intéresse ici, signalons qu’Erzberger prévoyait la séparation administrative de la Flandre et de la Wallonie, avec pour argument vis-à-vis du saint-Siège : « Les Flamands sont des catholiques fervents, tandis que les Wallons sont en majorité francs-maçons et socialistes et tendent sans cesse à se réclamer de la France républicaine et athée. ». Déjà le gouvernement militaire allemand d’occupation avait promis le libre usage du flamand à l’école, dans les bureaux et dans la presse. Mais les choses sont allées plus loin.
Elles progresseront en 1915-1916 alors même que les pourparlers sont entamés en vue d’une paix séparée avec la Belgique. Le chancelier du Reich crée un « comité flamand » et le « Conseil des Flandres » naîtra en février 1917. Bethmann-Hollweg s’en explique sans complexe : « Au point où en sont les choses, nous ne pouvons espérer disposer à notre gré de la Belgique à la fin de la guerre… Le problème est de savoir si en soutenant énergiquement la cause flamande nous améliorons notre position basée sur une telle alliance défensive avec la Belgique. Je crois pouvoir répondre par l’affirmative ».
Il y avait donc manifestement une part de realpolitik dans le soutien apporté aux Flamands. Ainsi le chancelier renouvelait un gouverneur général von Bissing son désir de présenter l’Allemagne en « bienfaitrice des Flamands ». En septembre 1917, toujours en vue d’un « traité de paix avec la Belgique » il est envisagé de diviser celle-ci en deux Etats autonomes en union personnelle avec la couronne.
L’empereur Guillaume II lui même était enthousiasmé, et il ébaucha par écrit un programme prévoyant : « Dans le cas d’une Flandre autonome, convention militaire » ; le texte comprenait aussi un volet politique : « Flamands réunis aux Hollandais afin de brouiller ces derniers avec les Belges ». Le retour à la situation antérieure à la révolution (provoquée) de 1830, en quelque sorte.
Mais les autonomistes flamands les plus radicaux allèrent encore plus loin : le 22 décembre 1917, le Conseil des Flandres proclamait l’indépendance et s’auto dissolvait en vue d’une consultation électorale.
Les Flamands voulaient un véritable Etat, avec représentation à l’étranger : c’était trop pour les autorités allemandes, et le gouvernement général interdit la publication de l’appel.
Néanmoins, lorsque le gouvernement belge, replié à Sainte-Adresse en Seine Inférieure, repoussa l’offre officielle de paix formulée par Hertling, Guillaume II écrivit rageusement : « Plus de pardon ! Qu’on les divise. » [les Belges].
Certes le gouvernement allemand a subordonné son soutien des autonomistes Flamands aux intérêts du Reich et il ne s’en est pas caché. Mais celui-ci avait aussi une base plus profonde que la realpolitik.
Un élément dont on croit généralement qu’il n’a été pris en compte que par le IIIe Reich : la solidarité des peuples germaniques et le devoir pour l’Allemagne d’en être le moteur.
Dès mars 1915, le général Bissing, gouverneur du pays occupé, admettait (comme son chancelier) que l’Allemagne « est tenue, moralement, de protéger la population flamande également d’origine germanique. »
A coté des considérations pratiques concernant le déroulement des opérations militaires et la politique générale, ce thème restera un fil conducteur tout au long du conflit.
Cette conscience d’appartenance à un même ensemble ethno-culturel était réciproque, et l’« Exposé de la délégation du Conseil des Flandres à Son Excellence monsieur le chancelier du Reich » est ainsi conclu : « Seule l’intervention allemande peut sauver l’avenir national du peuple flamand. Ainsi l’Allemagne veille à la sauvegarde de ses intérêts et accomplit sa plus noble mission dans le monde, qui est de ne pas laisser périr ce poste avancé du germanisme dans la marche de l’ouest ». Certes ce texte aurait été inspiré par la tendance radicale « Jeune Flandre ».
Enfin, c’est le chef de la section politique auprès du gouvernement général, von der Lancken, qui fait fin 1917 pour Ludendorff un bilan réaliste mais sans rien abandonner sur le plan des principes :
« Le sens racial germanique… des masses se trouvait affaibli par des influences politiques et religieuses. Les sentiments démocratiques des Flamands prédisposaient mal ceux-ci à n’être qu’un rouage d’une machine politique étrangère. »
Ce serait manquer de probité que de ne pas reproduire la conclusion de l’article de Paul Belien, même si elle est volontairement provocatrice :

Un Flamand dénonce les Belges aux Anglais

La vérité au sujet de la politique du roi Albert durant la guerre de 1914-1918 est peu connue au Royaume-Uni. Beaucoup croient encore au mythe selon lequel le roi des Belges aurait été l’un des plus grands héros alliés. Alors que les Belges étaient déjà durant la Première Guerre mondiale tels que Winston Churchill les définissait durant la Seconde « les plus méprisables de tous les neutres » et leur roi « un être faible, parfaitement représentatif de la nation belge qui a vainement espéré se tenir à l’écart de cette guerre, sans considération de ce qu’elle devait à ceux qui l’avaient sauvée dans la dernière.
Les éditeurs britanniques auxquels j’ai proposé un manuscrit sur l’histoire (history) de la Belgique et ses nombreuses trahisons du Royaume-Uni – à laquelle la nation belge doit son existence – me l’ont renvoyé. Ils déclarent que le public britannique ne sera pas intéressé par cette histoire (story). Je peux comprendre cette répugnance à confronter la triste vérité à la mort de centaines de milliers de soldats britanniques pour un pays qui ne méritait pas leur sacrifice. En tant que Flamand, je ne peux m’empêcher, en parcourant les innombrables cimetières britanniques qui entourent Ypres, d’éprouver une profonde mélancolie devant un tel gâchis.


Les fleurs des Flandres.
Les propos de Paul Belien sont à replacer dans le contexte des rapports polémiques entre les Flamands et l’Etat belge. Toutefois, il a l’immense mérite de mettre en lumière des faits indéniables qui s’inscrivent