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vendredi 28 mars 2008

Nolte disponible en français

Ernst Nolte.


Dans l'édition du Figaro datée d'hier, le journaliste Paul-François Paoli écrivait un portrait d'Ernst Nolte, un historien qui échangea avec François Furet une correspondance faite de controverse et de passion.


L'homme par qui le scandale arrive
Ernst Nolte parle lentement dans une langue française qu'il maîtrise inégalement, moins en tout cas que l'italien, qu'il a appris en allant régulièrement dans un pays où ses livres ont peut-être été mieux accueillis qu'en France. Les cheveux blancs, la taille très élancée, l'historien allemand, qui a aujourd'hui 77 ans, et que nous avons rencontré à Paris où il est venu pour quelques jours, impressionne par sa distinction. Son nom n'a cessé, depuis des années, d'engendrer la polémique, mais rien dans son personnage ne laisse transparaître la moindre nervosité.

Pour ce philosophe de formation il fut l'élève de Heidegger , qui enseignait l'allemand et les langues anciennes à la faculté de Bonn, après une guerre qu'il n'avait pas faite, la vie était partie pour ressembler à un long fleuve tranquille, jusqu'à la publication, en 1963, d'une trilogie qui allait connaître un succès mondial : Le Fascisme dans son époque. Comment est née la génèse de ce triptyque monumental consacré à l'Action française, au fascisme italien et au national-socialisme, Ernst Nolte le raconte dans une esquisse d'autobiographie intellectuelle publiée dans Fascisme et totalitarisme (1) à l'occasion de la réédition, en un seul volume, de ces trois ouvrages préfacés par l'historien Stéphane Courtois, auxquels s'ajoute une sélection d'articles inédits de Nolte sur son œuvre et sa réception. « C'est seulement en raison d'un événement fortuit, la lecture de textes du jeune Benito Mussolini, marxiste radical à ses débuts, que je décidai, m'appuyant sur ce que cet homme présentait de singulier, de faire plus de clarté sur des problèmes de l'histoire contemporaine qui avaient donné lieu à bien des discussions, mais qui en étaient encore au stade d'une toute première réflexion », écrit Nolte dans son esquisse.

Bien accueilli, notamment dans les milieux de gauche, son livre faisait de la pensée de Maurras la matrice «  préfasciste » d'une réaction révolutionnaire, antilibérale et antimarxiste, qui allait submerger l'Europe au lendemain de la guerre de 1914-1918, et que l'on retrouverait à l'œuvre dans le fascisme mussolinien et dans le national-socialisme, qualifié de «  fascisme radical ». Au fur et à mesure de ses recherches sur la « guerre civile idéologique » qui a ravagé l'Europe entre les deux guerres, Ernst Nolte s'intéresse à la révolution russe et à ses conséquences. Découvrant un discours hallucinant de Zinoviev, chef bolchevique proche de Lénine qui, le 17 septembre 1917, prévoit l'extermination de 10 millions de Russes rebelles au communisme, il ébauche l'idée d'une relation de dépendance entre les deux idéologies, communiste et fasciste.

Récusant la thèse de l'irrationalité historique du national-socialisme, il fait même de la révolution communiste, qualifiée de « catastrophe originelle du XXe siècle », la cause essentielle de la contre-révolution fasciste. L'affirmation nourrit la fameuse «  querelle des historiens » (Historikerstreit) qui défraye la chronique en Allemagne de l'été 1986 à 1988, au cours de laquelle le penseur Jürgen Habermas qualifie, parmi d'autres historiens, Ernst Nolte de révisionniste, l'accusant de minimiser les causes endogènes propres à l'histoire de l'Allemagne dans l'avènement du nazisme et ainsi de minimiser les responsabilités de ce pays dans la Shoah. Pour Nolte, qui publie, en 1987 en Allemagne, La Guerre civile européenne 1917-1945, ce procès relève de la sorcellerie idéologique.

Revel et Furet le soutenaient
« J'avais lu Hitler et il était clair pour moi que son ennemi premier était le marxisme et non les Juifs, réaffirme-t-il aujourd'hui. L'antisémitisme était moins chez lui une obsession qu'une optique idéologique nécessaire à la dénonciation de ce qu'il appelait le “judéo-bolchevisme”, notion qui fut d'autant plus efficace que de nombreux Juifs occupaient des postes dirigeants dans les instances communistes ». Il a été pris à partie parfois violemment il a été agressé et sa voiture brûlée , mais son travail est soutenu en France par Jean-François Revel et surtout François Furet, qui deviendra son ami et avec qui il échange une correspondance qui sera publiée en 1998 (2).

La polémique est-elle close pour autant ? Il y a lieu de penser que non, même si, dans Entre les lignes de front (3), ouvrage d'en tretiens qu'il publie avec Siegfried Gerlich où il est question aussi de ses relations avec Heidegger, Ernst Nolte peut difficilement être accusé de minimiser le crime commis par les nazis. Il affirme même « que l'extermination national-socialiste fut en définitive “pire” parce que le contexte en fut différent. Les gens étaient exterminés en raison de leurs qualités biologiques ou ethniques, alors que dans l'idéal-type de la révolution marxiste, ils ne devaient à vrai dire qu'être ramenés à leur égalité originelle principe qu'ils auraient en quelque sorte enfreint en appartenant à la classe dominante ».

Un débat complexe, dont l'historien Stéphane Courtois rappelle les enjeux tout à la fois historiques, philosophiques et idéologiques dans sa préface à Fascisme et totalitarisme, en soulignant que la thèse de Nolte sur la relation dialectique entre les deux totalitarismes a été récemment saluée par le philosophe René Girard, qui y a vu l'illustration de sa théorie sur la violence mimétique.
(1) Chez Robert Laffont.(2) Chez Plon. (3) Aux Éditions du Rocher.

dimanche 27 janvier 2008

Le vrai visage de la Révolution

Une catastrophe bien française.


Le livre noir de la Révolution française

Sous la direction de Renaud Escande

Cerf, 882 p., ill., notes, 44 e, ISBN 978-2-204-08160-3.

Cette maison d'édition n'est pas très connue pour son sens de la transgression Bien au contraire : toujours dans le vent et souvent à la remorque de ce qui est bien vu dans la presse comme il faut. Entre les Mémoires de Hans Kung et le pensum du journal parisien de Mgr Roncalli, sans oublier les Clarifications sur l'homosexualité dans la Bible, on trouve heureusement quelques pépites dont Sauvés dans l'espérance, Spe salvi, de Benoît XVI et aussi ce fort volume consacré à la Révolution française.
Remis de l'étonnement de voir le nom des éditions du Cerf sur la couverture d'un livre à contre courant des thèmes à la mode, je me suis plongé dans la lecture de ce recueil de contributions, aux auteurs prestigieux, chacune apportant un éclairage bien informé et argumenté d'un des aspects de cette grande catastrophe de notre histoire.
On peut regretter que le directeur de l'ouvrage, frère prêcheur de son état, puisse sembler être un partisan du moindre effort. Aucune préface, aucune introduction ne vient nous raconter la genèse de ce livre pas ordinaire. Aucune conclusion ne met en lumière les apports originaux des contributeurs ou ne tente une synthèse des différentes analyses. L'éditeur aussi n'est pas à l'abri de toute critique. Ceux qui voudraient se servir de l'ouvrage comme outil de travail en seront pour leurs frais : pas d'index, pas de bibliographie, etc.
Le filon de la mauvaise humeur épuisé, il reste dans le livre de belles et riches veines de pur métal à exploiter. Relevons tout d'abord la qualité des auteurs. Non seulement on trouve des spécialistes, injustement écartés de l'université française par le conformisme idéologiques des toqués qui la gouvernent, comme Reynald Sécher, mais aussi des mandarins solidement entranchés dans l'institution comme Emmanuel Le Roy Ladurie, Stéphane Courtois ou Jean Tulard. Guidé par un instinct très sur du potentiel des ventes, l'éditeur a su également réunir des auteurs bien en cour auprès des libraires : Jean Des Cars, Ghislain de Diesbach, Jean-Christian Petitfils ou Jean Sévillia. On relève aussi des noms d'historiens comme Jean De Viguerie dont les analyses sur le patriotisme révolutionnaire et sur l'adhésion du royalisme moderne de l'Action française à ce patriotisme ont hérissé le poil de quelques secteurs de l'opinion de droite. (*) C'est très bien d'avoir pensé à lui pour cet ouvrage.
Dans une première partie « les Faits », le lecteur trouve notamment un remarquable travail de Pierre Chaunu sur la sécularisation des biens de l'Eglise, un de Reynald Sécher sur la guerre de Vendée, un article de T. Josserand sur la fin de la Marine royale ou encore une analyse de Stéphane Courtois sur la Révolution française et la Révolution d'octobre.
Une deuxième partie, « le Génie » rassemble des contributions consacrées à principalement à des analystes de cette tragédie française : Rivarol, Joseph de Maistre, Louis de Bonald, Donoso Cortez ou encore Hannah Arendt. En revanche, on relève quelques absences inexplicables comme celle de Burke.



Burke, un grand oublié

Enfin, un troisième partie offre une anthologie de textes et de documents liés à la Révolution, bien choisis et toujours à la fois pertinents et émouvants.
Le grand mérite de ce livre est de mettre à la portée du grand public un regard critique sur la Révolution française. Comme le signalent les auteurs, il ne s'agit pas de « noircir » le mythe fondateur de la France contemporaine, mais de rappeler les faits tels qu'ils ont eu lieu. Des faits bien éloignés de la vulgate qui encombre l'esprit des Français.
Reflet d'une exigence de vérité, ce livre est une œuvre d'utilité publique et devrait faire partie de la liste des cadeaux de grands-parents bien inspirés désireux d'éclairer des petits-enfants abusés par une historiographie officielle toute acquise à la cause des sans-culotte.


(*) Jean De Viguerie n'a exprimé qu'un sentiment bien normal d'étonnement devant le ralliement de Maurras au drapeau tricolore, un choix qui devrait révulser tout vrai monarchiste. En lisant cet historien on ne peut qu'approuver ces points de vue iconoclastes, par exemple quand il répond à la question d'un journaliste sur l'Alsace et la Lorraine : « On peut se demander s’il fallait faire tuer un million trois cent cinquante trois mille hommes pour les récupérer ». De Viguerie ajoute que « les Alsaciens-Lorrains n’ont pas tellement souffert sous l’administration allemande, les catholiques notamment. Ils ont jadis fait partie du Saint-Empire et pouvaient demeurer au sein du nouvel Empire allemand...» Je ne vois rien à redire à ce qu'exprime Jean De Viguerie. La France serait bien mieux lotie aujourd'hui, certes sans ces deux provinces, mais aussi sans les monuments aux morts.