samedi 15 novembre 2008
La Guerre d'Espagne en images
Voici quelques images de guerre civile espagnole diffusées dans l'Amérique de Roosevelt. Le commentaire est très partisan et les scènes montées dans le désordre. On identifie des images de l'attaque contre l'Alcazar de Tolède en l'été 1936 et la prise d'Irun par le général Mola en septembre 1936. Mais on peut toujours se boucher les oreilles et tenter d'identifier les lieux. Quelques scènes étonnantes ne sont pas expliquées par le commentaire, comme cet homme en frac et haut de forme qui semble errer sur un pont. Qui sera capable de repérer les images provenant de la Première Guerre mondiale (ou plutôt de films de fiction) qui ont été incluses pour muscler l'action ?
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Charlie Wilson’s War
The extraordinary story of how the Wildest Man in Congress and a Rogue CIA Agent Changed the History of our Times
George Crile
Grove Press, 544 p., ill., index, 15 e, ISBN 978-0-8021-4341-9.
Qui a bouté les Soviétiques hors d’Afghanistan ? À cette question, le président du Pakistan Zia ul-Haq répondait sans hésiter une seconde :
— C’est Charlie qui l’a fait !Charlie Wilson, le plus mauvais garçon de tous les élus du Texas ? Connu pour son penchant immodéré pour la bonne bibine et pour les filles un peu faciles ? Comment ce grand pêcheur devant l’Eternel a-t-il pu soutenir le combat des moudjahiddines afghans, plus connus pour leur fanatisme religieux que pour leur goût de la bamboula ?
George Crile, grand reporter à la télévision américaine, a répondu à cette question en reconstituant les différents épisodes de cette guerre secrète avec tant de talent qu’il a séduit le cinéaste Mike Nichols dont le film la Guerre selon Charlie Wilson est sorti en janvier dernier sur nos écrans avec Tom Hanks, Julia Roberts et le whiskey Jack Daniels dans les rôles principaux.
Qui se souvient des années 1970 ?
L’Amérique de la fin des années 1970 nous semble bien lointaine. Sonnée par la défaite humiliante du Viêt-nam en 1975, elle s’est donnée à un président vertueux et pacifiste, Jimmy Carter qui sait bien mieux cultiver les arachides et louer le seigneur que conduire une guerre secrète. Mécontent de la mauvaise réputation de la CIA, le prêcheur de la Maison blanche confie à son ami l’amiral Stansfield Turner la tâche de la débarrasser des barbouzes de tout poil qui n’hésitent pas à ouvrir le courrier d’autrui et à écouter aux portes.
Pourtant, l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques le 24 décembre 1979 va changer l’agneau de Dieu en bras armé du Seigneur. Non seulement Carter décide de boycotter les Jeux olympiques de Moscou mais il autorise la CIA à conduire des opérations clandestines contre l’Union soviétique.
La décision du président tombe à pic pour les Afghans. Au cours de ces premiers mois de la lutte armée, les combattants n’ont et tout et pour tout que des pétoires anglaises datant de la Grande Guerre et quelques poignées de cartouches par fusil. C’est bien peu pour affronter les chars et surtout les redoutables hélicoptères de combat MI 24 Hind.
Dan Rather, le journaliste vedette de la télévision américaine est un des rares à s’aventurer en Afghanistan sous la botte soviétique. Il dénonce sans trêve l’incapacité de l’Occident à aider les Afghans confrontés à la première armée du monde.
Le député Charlie Wilson est touché par les reportages sur les moudjahiddines. Élu du Texas, il a été élevé dans le souvenir de la geste d’El Alamo où une poignée de colons anglophones, retranchés dans un monastère, a résisté jusqu’au dernier aux vagues d’assaut mexicaines. C’est la lecture d’une dépêche de l’Associated Press, complétant le reportage de Dan Rather par un récit détaillé du martyre du peuple afghan sous la botte communiste, qui va pousser cet obscur représentant du Texas à agir.
Or, par chance, le député se trouve à un endroit idéal pour agir sur les événements. Grâce à un subtil jeu d’influence orchestré par le lobby israélien du Congrès, Charlie Wilson a été élu membre de la commission parlementaire qui décide de l’affectation des fonds de la CIA. Le député décroche son téléphone pour appeler Jim Van Wagenen, le fonctionnaire qui gère au jour le jour ces fonds secrets.
— Jim, combien donne-t-on aux Afghans ?Après quelques instants de réflexion, Charlie Wilson raccroche en disant :
— Cinq millions.
— Doublez la somme.Sans s’en douter, Charlie Wilson vient d’infléchir l’histoire. Pour la première fois, un député prend de son propre chef l’initiative d’accorder des fonds à la CIA pour une opération clandestine.
Trois critères : une bouche, deux seins et un cul
Comment un homme aussi peu connu que Charlie Wilson a pu être choisi pour occuper un poste aussi important ? C’est d’autant plus inexplicable que le député jouit d’une réputation sulfureuse au Congrès. Par exemple, ses assistantes parlementaires ont été recrutées exclusivement sur trois critères : une jolie bouche, une belle paire de sein et un cul bien galbé. À ceux qui s’en étonnent, Wilson répond :
— On peut apprendre à une gonzesse à taper à la machine, mais on ne risque pas de lui faire pousser des nichons quand elle est plate comme une planche à pain.Pour que personne ne doute de ses priorités dans l’existence, Charlie Wilson a puisé des idées de décoration pour son appartement dans les pages de Playboy et, avec un bon goût très sûr, il a placé un immense jacuzzi au centre de sa chambre à coucher, sobrement décoré d’une paire de menottes en argent. Une mise en scène lui évitant de bien longs discours avec ses invitées d’une nuit. Pourtant, c’est le même homme qui, au milieu d’une nuit d’insomnie, se lève pour relire des pages des mémoires de guerre de Winston Churchill ou un austère manuel d’histoire militaire.
Né à Trinity, un petit village du Texas comme il y en a tant, Charlie Wilson a tout juste huit ans quand les Japonais attaquent Pearl Harbour. Il se souvient encore de la voix de Roosevelt et de Churchill aux informations de la radio. Mais l’image qui le hante encore est celle de ces soldats de l’Afrikakorps en route pour le camp de prisonnier qui défilent crâneurs sous les yeux ébahis des petits Texans.
Après la guerre, pour un gars de la campagne, le meilleur moyen de se tirer de son trou perdu est d’entrer dans l’armée. À l’instigation de son père, Charlie Wilson entre en 1952 à l’Académie navale d’Annapolis d’où il sort, relégué au fin fond du classement, mais avec la distinction d’être le cadet ayant cumulé le plus de blâmes dans l’histoire de l’école.
Jeune officier à bord d’un destroyer américain fendant les flots des sept mers au plus fort de la Guerre froide, Charlie Wilson est convaincu d’être un de ces guerriers qui défendent les libertés de l’Amérique. Contre toute attente, il se révèle un excellent officier. Responsable de la conduite de tir à bord de son bâtiment, son navire se classe parmi les tout premiers de la flotte pour la précision de son tir. Ces entraînements incessants expliquent sans aucun doute pourquoi le destroyer rentre à son port d’attache aux Etats-Unis les soutes à munitions vides. Le fait que le jeune officier en profite pour y cacher de l’alcool de contrebande acheté bon marché au cours des escales à Gibraltar n’y est probablement pour rien. Comme l’écrit son commandant :
— Charlie Wilson un excellent officier en mer et… un désastre au port !Quand il n’est pas de quart, Charlie Wilson passe de longues heures à lire et à relire ses auteurs favoris. Les Mémoires de guerre de Winston Churchill, des biographies de Roosevelt et, plus étonnant, les écrits de George Kennan, le diplomate américain ayant conçu la politique de « containement » du communisme mise en œuvre par les États-Unis durant la Guerre froide.
En dehors des entraînements au tir, le jeune officier consacre beaucoup de son temps à la chasse aux sous-marins soviétiques. Dans ce jeu du chat et de la souris, les Américains cherchent à forcer l’adversaire à faire surface, l’occasion de prendre quelques photos et d’accrocher le sous-marin au tableau de chasse fictif de l’équipage.
Finalement, ses incartades ne découragent la Marine qui le nomme au sein d’une équipe ultrasecrète chargée au Pentagone de surveiller l’armement nucléaire des Soviétiques. Cette confrontation quotidienne avec la menace communiste a de profondes répercussions sur son caractère et explique en grande partie son engagement ultérieur aux côtés des moudjahiddines.
L’entrée en politique de Charlie Wilson
Pourtant, c’est un autre événement qui bouleverse le cours de sa vie. John Kennedy, un ancien officier de Marine, se bat pour décrocher la présidence des États-Unis. La personnalité du candidat, son passé militaire, son idéalisme, attirent Charlie Wilson lequel, après ses heures de service, se transforme en supporter démocrate. Le virus de la politique se révèle plus fort que son amour de la Marine et, en contravention de tous les règlements militaires, il prend un mois de permission pour faire campagne dans sa ville natale pour décrocher un siège au parlement de l’État du Texas. Il réussit à emporter la circonscription tant convoitée sans même que ses supérieurs au Pentagone s’en aperçoivent. En 1961, à 27 ans, il démissionne de l’US Navy et prête serment à Austin, le même mois que son inspirateur entrait à la Maison blanche.
Au cours des douze années suivantes, Charlie Wilson bataille dur pour sa circonscription, décrochant même le surnom de « Timber » Charlie tant il a à cœur de défendre les intérêts de l’industrie forestière, premier employeur de sa ville et aussi… principal soutien financier de sa campagne.
Le style de vie de Charlie Wilson et certaines de ses convictions, notamment son soutien au droit à l’avortement, ne découragent pas ses électeurs, chrétiens fondamentalistes pour la plupart. La seule explication à ce mystère est qu’on meurt d’ennui dans cette circonscription. Les choses ne commencent à bouger que lorsque le député vient faire sa tournée des popotes. Pour comprendre la persistance de son succès électoral, il suffit de voir l’empressement des mamies à se faire photographier en sa compagnie lorsqu’il visite une maison de retraite.
L’Israël connexion
Comme tous les députés, Charlie Wilson est invité tous frais payés en Israël par le puissant lobby pro-israélien. L’objectif avoué est de séduire les parlementaires afin qu’ils défendent les intérêts israéliens au Congrès. Pour y parvenir, les Israéliens font feu de tout bois. Au cours d’un de ces voyages, le parlementaire est présenté à une jeune capitaine de l’armée qui ne tarde pas à tomber sous le charme de l’élu. Un officier supérieur israélien, mécontent de voir cette jolie fille en tenue camouflée prête à succomber aux avances du Texan, lui ordonne de rester à la caserne. Le maire du New York, Ed Koch, a avoué à l’auteur du livre George Crile qu’il est intervenu auprès de l’Armée pour que cette jeune femme revienne aux côtés du député :
— Vous êtes fous ? Un parlementaire du Texas, un homme du pétrole, qui est pro-israélien et vous voulez lui aigrir le séjour ? Cette fille est majeure et vaccinée. Laissez-la mener sa vie comme elle l’entend.Il va sans dire que la jeune capitaine s’est retrouvée bien vite dans les bras accueillants de Charlie Wilson.
Le soleil d’Israël, les belles femmes qui lui ont été présentées, les récits romantiques des combats contre les Arabes, son imprégnation protestante, le transforment dès son retour en un « vrai commando israélien au Congrès des États-Unis ». Sans qu’il ait à les solliciter, l’AIPAC (principal lobby pro-israélien américain) incite des donateurs juifs à verser des sommes importantes à son trésor de guerre électoral. Grâce à cette manne, il est en mesure de vaincre facilement ses concurrents. Cet échange de bons procédés entre la communauté juive américaine et le parlementaire ne s’arrête pas là. Enchantés de pouvoir compter sur le soutien sincère d’un député du Texas, Etat réputé pour sa proximité avec les intérêts pétroliers, les dirigeants de l’AIPAC font appel au parlementaire pour prendre la parole dans de nombreuses réunions de soutien à Israël.
Le lien d’amitié et de complicité entre les Juifs américains, l’État hébreu et Charlie Wilson s’intensifie au fil des ans. Quand le député est impliqué dans un scandale, ce sont les 100 000 dollars réunis de toute urgence par Ed Koch auprès de riches coreligionnaires new-yorkais qui permettent à Charlie Wilson de s’en tirer. Plus tard, ce sont les Juifs du Congrès qui veillent à ce que le Texan entre au très influent « Appropriations Committee » où il est en mesure de garantir qu’Israël reçoit bien l’aide annuelle de 3 milliards de dollars que le Congrès vote chaque année. Sans leur soutien, un député novice n’aurait jamais pu être nommé à cette commission qui n’accueille que des élus expérimentés. Lyndon Johnson a vainement tenté l’aventure vingt ans plus tôt. Il est vrai qu’il ne bénéficiait pas de l’aide du tout puissant AIPAC.
Pour un Européen, le rôle de ce comité peut sembler secondaire. Grave erreur ! La constitution américaine place les cordons de la bourse entre les mains du Congrès. Le président peut proposer un budget, mais l’affectation des fonds est décidée en dernier ressort par l’« Appropriations Committee ». Autrement dit, si le Capitole veut imposer à la Maison blanche la fin de la guerre en Irak, il lui suffirait de refuser l’affectation des fonds pour ce conflit. Du jour au lendemain, l’US Army serait dans l’impossibilité de tirer un seul coup de fusil faute de crédits pour le payer.
De même, un élu influent et malin, peut décider de l’affectation de sommes importantes pour satisfaire des lubies personnelles s’il réussit à gagner à sa cause le président du comité. Sinon, il suffit de soutenir les projets des autres pour bénéficier du retour d’ascenseur le moment venu.
Un agent peu reluisant
Gust Avrakotos ne ressemble en rien aux agents de la CIA comme le cinéma les met en scène. Court sur pattes et trapu, Gust est né dans une petite ville industrielle de Pennsylvanie où les habitants se regroupent selon leurs origines ethniques et il n’a jamais oublié ses racines :
— Il y avait le quartier des Polacks, celui des Irlandais, celui des Grecs et, enfin, celui des Nègres.Avec ce langage peu policé qui le caractérise, Gust ajoute :
— Chaque quartier avait sa bande de voyous. On n’arrêtait pas de se foutre sur la gueule. Mais si les Nègres faisaient une descente, alors on se serrait tous les coudes.Travaillant dans la limonaderie de ses parents Gust apprend à gérer ses clients en fonction de leurs origines :
— J’ai vite compris qu’il faut raconter des plaisanteries de Slovaques à des Tchèques et des blagues tchèques à des Slovaques. Quant aux histoires de cul, elles plaisent à tout le monde. Un autre point commun : mes clients haïssaient les Russes et le communisme car ils avaient été chassés d’Europe par l’Armée rouge. Dans mon bled, seuls les Nègres n’avaient rien à branler des cocos.Sa facilité à prendre les langues étrangères, sa curiosité intellectuelle, le font sortir du lot et ce petit prolétaire se retrouve à l’université d’où il émerge brillamment avec un diplôme de mathématiques en poche. Le premier chasseur de talents à l’approcher est celui d’IBM. Mais son style vie triste et compassé ne lui plaît pas. Voilà pourquoi il accepte la suggestion d’un de ses professeurs de parler à un recruteur de la CIA lequel est séduit davantage par ses qualités de bagarreur et par son don des langues que par son diplôme.
Quand en 1962 Gust débarque à Langley, il est le mouton noir de l’équipe des bleus. Les autres recrues arrivent des universités cotées de la côte Est, la célèbre « Ivy League ». Tous ces jeunes gens bien comme il faut regardent de haut le péquenot au nom imprononçable et au langage de charretier. Mais ce premier contact est trompeur. En fait, l’agence a sélectionné ses candidats avec soin. Tous sont largement diplômés et parlent plusieurs langues. Cerise sur le gâteau, ils sont tous « foutûment intelligents ».
Après un dur entraînement, Gust est envoyé en Grèce rejoindre les 141 autres agents qui, en coulisses, régentent la vie politique. Le tournant de son existence a lieu en 1967 quand un coup d’Etat porte au pouvoir un quarteron de colonels. Gust étant le seul agent à les connaître personnellement, il est chargé par l’ambassade de transmettre un message de Washington les exhortant les putschistes à exiler Andreas Papandréou, le premier ministre déchu :
— Le président veut que vous laissiez partir Papandréou. C’est la position du gouvernement américain. Mais, à titre personnel, je vous conseille de buter ce fils de pute, sinon il reviendra tôt ou tard vous poignarder dans le dos.Avec un tel langage, il n’est guère étonnant que Gust Avrakotos se soit transformé durant sept années en l’intermédiaire obligé entre les États-Unis et le gouvernement grec.
L’arrivée de Carter à la présidence va profondément changer l’atmosphère à la CIA. Le nouveau président est décidé à faire le ménage. Pour éviter qu’il ne passe à la trappe, Gust Avrakotos est mis au vert à Boston durant trois ans avant de revenir à Washington suivre des cours de finnois et prendre un poste à Helsinki, une des places les plus convoitées en ces temps de Guerre froide. Las, le nouveau chef des Opérations extérieures décide que Gust est trop « brut de décoffrage » pour un tel poste.
La rencontre entre les deux hommes est explosive et Gust repart en claquant la porte et en disant à son chef d’aller se faire foutre. La carrière du petit gars de Pennsylvanie semble toucher à sa fin.
Cherchez la femme
Cherchant à expliquer comment la CIA a fini par dépenser près d’un milliard de dollars par an pour aider les Afghans à tuer des communistes, Gust Avrakotos offre une bien curieuse explication.
— Tout ça a commencé avec une nana, une de celles qui finançaient les campagnes électorales de Charlie Wilson. C’est elle qui l’a intéressé au bordel afghan.Joanne Herring est le prototype de l’égérie texane telle que la rêvent les scénaristes de films. Affirmant à qui veut l’entendre qu’elle descend de la sœur de George Washington et que son arrière-grand-oncle est mort au siège d’El Alamo, elle s’est toujours crue investie d’une mission : défendre l’Amérique. Mettant ses idées en pratique, à peine sortie de l’adolescence elle devient membre des Minutewomen, des femmes qui s’engagent à descendre dans la rue les armes à la main en moins d’une minute ; à 18 ans, elle est reçue dans un groupe semi-clandestin de patriotes d’extrême-droite convaincu que les États-Unis sont à la veille d’un coup d’État communiste. Pour Joanne Herring, qui monte à cheval et tire au fusil comme un homme, la perspective de se transformer en soldat de l’ombre lui semble parfaitement dans l’ordre des choses.
Son mariage avec Bob Herring, le patron de la plus grande compagnie de gaz naturel du pays, lui ouvre les portes du monde entier. Accompagnant son époux, elle rencontre les rois, les émirs et les cheiks qui font la pluie et le beau temps sur le marché du pétrole. Elle se révèle si brillante dans son rôle d’ambassadrice de charme que le State Department fait appel à ses talents chaque fois qu’une délégation étrangère se rend au Texas. Les réceptions qu’elle organise dans sa superbe maison de 22 pièces à River Oaks deviennent célèbres par leur extravagance. Elle ajoute à son carnet d’adresses des personnalités aussi différentes que le roi de Suède, le shah d’Iran, Adnan Khashoggi ou Anouar El-sadate.
Pour occuper ses loisirs entre deux réceptions diplomatiques, Joanne poursuit une carrière d’animatrice de télévision qui la conduit en 1976 à Paris tourner un documentaire sur la vie du marquis de La Fayette. Un des hommes qu’elle rencontre à cette occasion est le comte de Marenches, le patron du renseignement français. L’homme de l’ombre ne se contente pas de lui raconter des souvenirs de famille : il lui ouvre les yeux sur les nouvelles dimensions du danger communiste et sur les risques pesant sur un monde libre refusant de faire face à la réalité de la menace soviétique. Sans le savoir, De Marenches enclenche le processus qui va conduire la plus dure défaite des Soviétiques. Il présente Joanne à Sahabzada Yaqub Khan, ambassadeur du Pakistan aux États-Unis, lequel comprend vite l’intérêt du couple et propose à Joanne de devenir consul honoraire du Pakistan à Houston. Contre toute attente, la jeune femme prend sa nouvelle mission très à cœur. Au lieu de contenter de venir en aide aux Pakistanais en détresse au Texas, ou de hisser le drapeau le jour de la fête nationale, elle devient de facto une sorte d’ambassadeur bis du Pakistan aux États-Unis. Grâce à son entregent, elle ouvre des portes longtemps restées fermées aux diplomates pakistanais et multiplie les rencontres avec des personnalités influentes. De Marenches lui ayant confié que le président du Pakistan Zia ul-Haq est l’un des sept hommes qui font face à la menace rouge, elle n’a de cesse que de le rencontrer.
Finalement, Joanne aux solides convictions protestantes et Zia, le fondamentalisme musulman, non seulement deviennent amis, mais leur lien se renforce au fil du temps et Joanne se transforme en son principal, sinon unique, conseiller américain. En dépit de la mauvaise humeur de ses diplomates, le président nomme Joanne « ambassadeur itinérant » du Pakistan. Certains soupçonnent le chef de l’État d’en pincer pour elle car il lui arrive d’interrompre un conseil des ministres pour répondre à l’appel téléphonique de la belle texane.
L’indispensable Charlie
Les lobbyistes de Washington ne tardent pas à comprendre que l’obscur député du Texas est une des personnalités qui comptent dans le domaine des affaires étrangères. Non seulement pour l’intérêt qu’il porte à des causes comme Israël ou l’Afghanistan, mais aussi parce qu’il peut bénéficier de l’appui inconditionnel de nombreux autres députés qui lui doivent tous des faveurs ou, tout simplement, sont sous son charme. À titre d’exemple de son incomparable talent pour se faire des amis, il est le seul goy admis à la fraternelle des députés juifs et le seul blanc dans celle des députés noirs. Un exploit sans précédent.
Il est aussi très étonnant que ce jeune député aux frasques innombrables ait été choisi par Tip O’Neill, le président de la Chambre des représentants, pour figurer au sein du comité d’éthique où siègent les élus chargés de juger les écarts de conduite de leurs pairs. Interrogé par un journaliste s’étonnant de cette « erreur apparente de casting », Charlie Wilson lui répond :
— Je suis le seul au sein du comité à aimer le whiskey et les jolies pépées. Nous aussi avons besoin d’être représentés.En réalité, le président l’avait nommé car il a besoin d’un élu en mesure de défendre John Murtha, uns de ses amis récemment compromis dans un vilain scandale. En échange de ce service, il a nommé Charlie Wilson au conseil d’administration du Centre Kennedy pour les beaux-arts. C’est un appât auquel un élu célibataire, toujours sans le sou, ne peut pas résister. Il serait en mesure de rencontrer plein de stars d’Hollywood, d’inviter quelques jolies femmes à des soirées de gala sans débourser un centime, les installant pour assister à des spectacles dans une loge jouxtant celle du président. De quoi faire tomber dans ses bras les pécores provinciales qu’il essaye de séduire.
Dès son arrivée au comité d’éthique, Charlie se dépense sans compter pour défendre le protégé du président du Congrès. Non seulement il marque des points devant la presse mais il déstabilise l’accusation en n’offrant pas au procureur le moindre moyen de pression. Comment influencer un député qui se vante partout de courir les filles et de se saouler la gueule ? Au bout de quelques mois de guéguerre entre le comité d’éthique et les procureurs, avec pour arbitres les journalistes qui comptent les points, le député incriminé est blanchi à la grande joie du président du Congrès.
Cette intervention aura des conséquences importantes car John Murtha deviendra plus tard président de la sous-commission de défense du Congrès. Quand la CIA se plaint de l’activisme de Charlie Wilson sur le théâtre d’opérations afghan, Murtha fera la sourde oreille, expliquant à des barbouzes stupéfaits que pour tout ce qui touche l’Afghanistan :
— C’est Charlie qui a le dernier mot.
Charlie s’en va-t-en guerre
Fermement encouragé par Joan, Charlie se rend en octobre 1982 au Pakistan pour rencontrer le président Zia. Par un curieux pressentiment, Charlie Wilson a été le seul député américain à exiger à la tribune du Congrès en 1973 la libération des prisonniers pakistanais détenus en Inde. Lorsque les captifs recouvrent la liberté, une délégation d’épouses vient à Washington remercier officiellement le député pour son aide.
La rencontre avec le président a été bien préparée par la belle texane. Il ne faut pas que le style peu orthodoxe de Charlie Wilson repousse le fondamentaliste musulman qu’est le président Zia.
Les deux hommes, pourtant si différents, se comprennent au premier regard. Après avoir longuement étudié la situation stratégique en Afghanistan ils concluent que l’objectif prioritaire doit être de mettre fin à la suprématie des Soviétiques dans le domaine des hélicoptères de combat.
— Comment puis-je avoir confiance, s’interroge le président, les Américains m’ont déjà fait tant et tant de promesses qu’ils n‘ont pas tenues ?Doubler l’aide, d’accord. Mais pour quoi faire ? Charlie Wilson est dans le noir le plus complet sur le rôle de la CIA en Afghanistan. Après sa rencontre avec le président Zia, un entretien avec Howard Hart le patron de l’antenne locale de l’agence ne le renseigne pas davantage. L’homme de l’ombre n’apprécie guère ce Texan impulsif qui veut tout bouleverser et qui n’a qu’une idée en tête : faire en sorte que les Afghans puissent abattre les hélicos soviétiques. Il ne sait pas encore que Charlie a l’oreille de Zia et que, par Joanne interposée, il a même l’accès à ses deux oreilles.
— Dans la mesure où vous ne faites pas sauter une bombe atomique ou pendez un autre Bhutto, je peux doubler ou tripler l’aide américaine sans trop faire de vagues, répond le député.
Charlie Wilson revient du Moyen Orient avec une idée bien arrêtée : soit la CIA soit ne comprend rien aux nécessités militaires des Afghans, soit elle traîne des pieds. Pour en avoir le cœur net, il convoque à son bureau le responsable régional de l’Agence, Charles Cogan. Mais le barbouzard en chef n’a qu’une idée en tête : lâcher le moins de renseignements possible. Il tente de laisser l’élu dans le noir. Manque de chance pour lui, Charlie Wilson se rend parfaitement compte du tour qu’on tente de lui jouer. De toute évidence, la CIA ne partage pas la flamme sacrée de Charlie Wilson pour les Afghans. Pour l’Agence, il ne s’agit que d’un front plus pour se colleter avec les Soviétiques. Pour le député la conclusion est simple : il va falloir qu’il se débrouille tout seul.
La rebuffade de la CIA ne décourage pas Charlie Wilson. Il s’attelle en solo à une tâche en apparence impossible, réconcilier Israéliens et Egyptiens sur le dos des Soviétiques. En mars 1983, il débarque au Caire avec dans ses bagages quelques marchands d’armes israéliens et une ses plus ardentes supportrices texanes, Carol Shannon, une passionnée de danse du ventre. Il a dans la tête, non seulement de séduire les Égyptiens grâce aux généreux subsides qu’il vient de faire adopter par le Congrès, mais de mettre un peu de sel dans leur existence.
Grâce aux hanches ondulantes de la Texane, à ses subsides et à son entregent, Charlie obtient que les Égyptiens lui ouvrent leurs réserves de matériel de guerre soviétique, une mine inépuisable d’armes pour les Afghans. Dans la foulée, il convainc les Israéliens de se mettre à étudier une arme en mesure d’abattre ces satanés hélicos communistes.
Un agent disparaît… et renaît
Après son algarade avec le patron des opérations, Gust Avrakotos sent le fagot et, à tout moment, risque d’être jeté dehors comme un malpropre. Pour éviter ce sort, il accomplit un exploit unique en son genre : disparaître au sein même de Langley durant sept mois. Il réussit cet exploit grâce au réseau d’amis qu’il a su créer au sein des petites mains de l’Agence, notamment parmi les Noirs. Tous les jours il reçoit une foule de renseignements : « n’allez pas au septième étage aujourd’hui. Votre patron risque de s’y trouver » ou bien « Ne fréquentez pas la cafétéria demain ». Une secrétaire anonyme réussit à l’inscrire sur la liste des usagers du parking des VIP car il est desservi par un ascenseur où il ne risque pas de mauvaises rencontres. Mais Gust ne peut rester indéfiniment sans rien faire. Un comptable risquerait de constater qu’il n’est affecté sur aucun budget et arrêterait de lui verser son salaire. Un jour la chance lui sourit à nouveau. Un ancien collègue, découvrant qu’il est sans affectation, lui propose de se joindre à lui :
— Pourquoi ne viendrais-tu pas avec nous ? On tue des Russes.
Gust est comme un poisson dans l’eau au sein de la cellule Afghane de Langley où sa situation finit par être régularisée. Son éducation de gosse des rues se révèle très utile. Contrairement aux fils à papa qui peuplent les hautes sphères de l’Agence, il adore marchander. Grâce à ce talent, inné chez tout Grec, il réussit à accroître considérablement l’efficacité des dollars attribués à la lutte contre l’Armée rouge. Le coût d’achat d’une cartouche passe en quelques mois de 18 cents à 7 cents.
Dans sa recherche d’armements soviétiques, Gust reçoit un jour une information étrange. Un général polonais est prêt à vendre des missiles SA-7. Certes, le Polack veut être payé en dollars mais, plus important encore, il souhaite que l’Agence commande une belle dalle pour la tombe de son grand père, mort dans la misère au Canada. Dans un premier temps, les analystes de la CIA se demandent quel piège cache cette requête inattendue. Gust Avrakotos, fils d’un immigrant, comprend que le général est parfaitement sincère et s’occupe lui-même de commander la pierre, de la faire installer et de prendre les photos prouvant au général que son vœu a été exaucé.
Gust s’est vite retrouvé confronté à un ennemi d’autant plus redoutable qu’il hante les couloirs de Langley : les avocats de l’Agence. Dans la crainte d’être un jour accusés d’avoir enfreint les lois restreignant les activités de la CIA, les bureaucrates de l’Agence ont institué un examen préventif des moindres directives et initiatives prises sur le terrain. Par exemple, il est interdit d’envoyer des fusils de tireur d’élite, car cette arme pouvait servir à des « assassinats », strictement prohibés. Quand il est question de diffuser des fausses nouvelles dans la presse européenne, un avocat tente de s’y opposer au motif que ces informations pourraient être reprises par la presse américaine et ainsi tomber sous le coup de la loi qui interdit à la CIA d’intervenir sur le sol des États-Unis.
Gust en a vu d’autres et sort de sa manche Larry Penn, « un Juif de New York, un avocat avec des couilles », qui a une sorte de génie pour déjouer les pièges les plus tordus des juristes et pour contourner les règlements à son avantage. C’est ainsi que les fusils pour tireurs d’élite deviennent « systèmes de vision nocturne à grande distance avec mire télescopique » et le tour est joué.
Allah o akbar
Charlie Wilson ne reste pas les pieds dans le même sabot. Au fur et à mesure qu’il réussit à transvaser des fonds vers l’achat d’armes pour les Afghans, il devient plus difficile de le faire sans complicités. Il met au point avec Joanne une opération pour se mettre dans la poche Doc Long, le président de la Commission des finances, l’homme qui tient les cordons de la bourse de l’aide extérieure des États-Unis, un beau paquet de milliards. Il réussit à le convaincre de se rendre à Peshawar visiter les réfugiés et rencontrer le président Zia dans son palais.
Parmi les Afghans entassés dans les camps, l’honorable représentant est confronté à des visions d’horreur et de douleur qui le bouleversent. Invité à prendre la parole devant une assemblée de vieux Afghans aux longues barbes blanches, le président de la commission se prend au jeu et finit par pousser des grandes acclamations avec ses hôtes :
— Allah o Akbar !Chauffé à blanc, il sera conquis par le charme du président pakistanais. De retour aux États-Unis, la cause afghane comptait un soldat de plus. Mettant ses promesses en application, Doc Long convoque un des directeurs de la CIA à son bureau. Le barbouzard, sachant à quel point le président du comité est colérique, est prêt à passer par ses quatre volontés. Mais il tombe des nues quand le député lui tend une pile de brochures publicitaires des grands marchands d’armes en lui disant :
— Achetez-moi ces missiles et envoyez-les en Afghanistan !L’argent n’est pas tout. Il faut négocier le soutien d’autres élus afin de ne pas faire de vagues. Pour ce faire, tous les moyens sont bons, financer des projets farfelus, passer l’éponge sur des peccadilles, trouver un boulot pour la maîtresse, l’épouse ou encore le petit-ami, bref, l’appui aux Afghans, direct ou indirect, finit par coûter une fortune.
Plus important, Doc Long laisse la bride sur le cou à Charlie Wilson :
— Faites ce que vous voulez pour dégoter ces armes pour que les Moudjahiddines abattent ces foutus hélicos !
Parfois, un grain de sable bloque la mécanique. Ainsi, un beau jour Doc Long fait irruption dans le bureau de Charlie Wilson une coupure de journal à la main. Au grand mécontentement du président, il est expliqué qu’une jeune orpheline pakistanaise, aveugle, a été jetée en prison pour fornication car elle a été violée sans la présence des quatre témoins mâles en mesure de prouver son infortune.
Le président de la commission des Finances ne cache pas sa colère :
— Je veux que Zia sache qui tient les cordons de la bourse. Pas un cent n’ira au Pakistan tant que cette malheureuse n’est pas tirée d’affaire.Après une nuit d’intenses tractations diplomatiques, l’ambassadeur du Pakistan se présente les traits tirés dans le bureau de Doc Long pour l’informer que le président a gracié la jeune fille et qu’elle allait être prise en charge pour le restant de ses jours. Ouf ! Doc Long l’avait emporté et le robinet des dollars pour le Pakistan est à nouveau grand ouvert.

Gust et Charlie font connaissance
Les responsables de la CIA, fatigués d’être pris pour des couilles molles par Charlie Wilson et sa bande de potes, décident d’envoyer au Congrès Charles Cogan, un des directeurs, accompagné par quelques hommes du terrain. Gust Avrakotos est du nombre :
— On voulait prouver à Wilson qu’on n’est pas des fiottes, mais des mecs durs.Sans ouvrir la bouche, Gust assiste en connaisseur à la passe d’armes entre son chef et Wilson.
— J’ai apprécié les gonzesses de son secrétariat, la décoration du bureau et le fait que c’est le seul parlementaire que j’aie jamais rencontré à dire « putain » au cours des premières trente-cinq secondes de conversation.Charles Cogan est mis à mal par le flot de questions de Charlie Wilson :
— Qu’avez-vous trouvé pour abattre ces foutus Hind ? Qu’en est-il des projets d’armes que concoctent les Israéliens ?Fatigué de s’en prendre à Cogan, Wilson dirige ses questions à Gust dont l’apparence de paysan du Pélopponèse, fringué à la va comme je te pousse et aux lunettes teintées de Prisunic ne lui disait rien que vaille. Charlie expliquera plus tard son attitude :
— J’ai cru que Gust était un gros nullard que Cogan avait amené avec lui pour qu’il en prenne plein la gueule à sa place.Contre toute attente, Gust Avrakotos parvient à calmer la colère de Wilson en s’engageant à étudier toutes les propositions de systèmes d’armes faites par le député. Ce n’est pas une mince tâche que de trouver une arme capable d’abattre les hélicoptères Hind. Contrairement aux affirmations de la CIA, les mitrailleuses lourdes Dhsk ne pouvent qu’égratigner les lourdes forteresses volantes soviétiques. Il faut trouver plus puissant. Une des pistes prometteuses est le canon Oerlikon de 20 mm, mais chaque obus coûte l’équivalent d’une Rolex, trop cher, même pour la CIA.
Charlie est réélu
Alors que Gust se démène dans sa recherche d’armes miracle, Charlie fait face en 1984 à une dure bataille électorale. Ses frasques à répétition ont fini par mettre son siège en danger. Heureusement pour lui, son rôle au cœur de l’aventure afghane et son ferme soutien à Israël le placent aux sources des principales sources de financement de la vie américaine : le lobby des armements et le lobby juif. Sur les 600 000 dollars recueillis, à peine 20 000 proviennent de la circonscription, un tout petit 3,5 %. Voilà pourquoi cet obscur parlementaire d’un coin perdu du Texas se retrouve à la deuxième place pour le trésor de guerre électoral. Cette puissance financière lui permet d’écraser ses compétiteurs et de revenir triomphant (et reconnaissant) au Congrès.
Une fois Charlie Wilson réélu et Gust Avrakotos en charge du programme afghan de la CIA l’agent approche le parlementaire pour lui demander 40 millions de dollars supplémentaires. Charlie lui répond :
— Je te donne 50 millions.Ce jour-là, Gust est forcé de reconnaître qu’il a trouvé à qui parler.
Pour circonvenir les pontes de l’Agence trop prudents à leur goût et les forcer à accepter cette montée en puissance de l’aide aux Afghans, les deux hommes mettent au point un astucieux programme d’action. Le député appelle le patron de la CIA Casey pour lui dire qu’il a décidé de donner 50 millions pour le programme afghan :
— L’agence peut-elle employer ces cinquante millions ? À toutes fins, utiles, j’ai consulté Gust Avrakotos qui m’a dit qu’il les utilisera à bon escient.Cet appel ne laisse pas d’alternative à Casey que de donner son feu vert à Avrakotos.
Une fois les huiles de la CIA contraintes à jouer le jeu de nos deux va-t-en-guerre, Charlie fait la tournée des parlementaires du comité pour obtenir leur soutien. Aux durs, il leur dit :
— Il est grand temps de baiser les Russes !Aux mous, il leur assure :
— En votant pour mon budget, vous aller prouver que vous n’êtes pas des poules mouillées en dépit de votre opposition au budget de la CIA au Nicaragua.Les députés ignorent que pour chaque dollar qu’ils versent à la CIA pour venir en aide aux Afghans, le gouvernement saoudien ajoute un autre dollar. Grâce à ce subtil arrangement, Gust Avrakotos se retrouve finalement avec 100 millions de dollars à dépenser. Cette fortune, conjuguée à un réel talent de marchands de tapis oriental, lui permettait de réaliser des miracles :Dans les couloirs du Congrès, Charlie se dépense sans compter avec l'aide de Joanne pour convaincre les représentants réticents.
— Un AK-47 coûte au marché noir 299 dollars. Une fois que j’ai convaincu les Égyptiens de mettre en route une fabrication en série, le prix est tombé à 139 dollars. Quand les Chinois s’y sont mis à leur tour, le prix est descendu à 100 dollars. Avec les mines, c’est pareil. Nous sommes passés de 500 dollars-pièce à 75 !
Mohammed le conquérant
Les grandes oreilles de la NSA apportent aux soldats de l’ombre un fort utile réconfort psychologique. Un de ces vieux émigrés russes qui se relaient jour et nuit pour écouter les transmissions soviétiques en Afghanistan est tombé sur les échanges entre des officiers soviétiques incapables de venir à bout d’un simple Afghan qui, armé d’une mitrailleuse lourde, judicieusement située en haut d’une montagne, a été capable d’abattre deux hélicoptères et de tuer une vingtaine de soldats d’élite, les redoutables Spetsnaz. Un peu plus de 6 000 dollars de matériels investis par la CIA ont coûté aux communistes vingt millions de dollars de matériel, sans compter la vie de quelques-uns de leurs plus précieux soldats. Intitulée « Mohammed le conquérant », cette bande sonore, judicieusement remastérisée pour en accroître l’impact psychologique, est offerte par Avrakotos à son patron Casey qui la passe en boucle dans sa limousine.
Gust gère l’ensemble de son programme afghan d’un milliard de dollars avec seulement une douzaine de personnes, les « douze salopards », nombre modeste qui contraste fortement avec la centaine employée au programme de soutien aux contras du Nicaragua doté d’un budget d’une dizaine de millions de dollars.
Non seulement Gust Avrakotos a une équipe réduite, mais il a recruté ceux dont personne d’autre ne voulait. Outre, Larry Penn, son « Juif de New York » destiné à contrer les juristes de l’Agence, Gust a fait appel à Dwayne, un analyste handicapé au physique ingrat :
— Il traînait un reste de polio de son enfance. Il pouvait à peine marcher et il prenait dix minutes pour pisser. Mais il connaissait l’Union soviétique sur les bouts des doigts. Je pouvais lui dire en arrivant au bureau : « Aujourd’hui tu m’écris trois mémos. Le premier pour le Pentagone, le deuxième pour répondre à cette connerie publiée par la presse et le troisième pour enfoncer le nez des analystes de l’Agence dans leur propre merde. »Les autres agents sont aussi des champions dans leur domaine. Le gars des finances peut ouvrir un compte numéroté en suisse en douze heures, quand la CIA tarde normalement deux semaines ; le logisticien est capable de rassembler sept avions cargos en 48 heures n’importe où dans le monde ; le propagandiste est un génie dans la rédaction de tracts incitant les Russes à se rendre.
Mais recruter le bon spécialiste n’est pas toujours chose facile. Gust ne parvient pas à trouver des spécialistes militaires qui ne soient pas des colonels recyclés dans l’espionnage qui ne savent qu’une seule chose : appliquer le règlement à la lettre. Après en avoir renvoyé un bon nombre, il finit par interroger son service de renseignements maison : les secrétaires de direction. Elles lui indiquent toutes le même homme : Mike Vickers. Certes, il ne paye pas de mine et il est tout en bas de l’échelle hiérarchique. En revanche, c’est un ancien Béret vert et ses collègues le détestent car il couche avec la plus jolie fille de la division. Ces deux arguments suffisent à Gust pour le recruter, même s’il doit pour cela forcer une fois de plus sa direction qui a dû mal à admettre qu’un chef de service en prenne à son aise avec l’ordre hiérarchique.
Une fois à l’ouvrage, Vickers se révèle un véritable dieu de la guerre. Il entreprend de détailler à son nouveau patron la formule magique pour transformer les moudjahiddines en soldats : des armes adaptées, un entraînement efficace et, surtout, une logistique performante. Ses explications sont claires comme de l’eau de roche :
— Prenons un fusil d’assaut AK-47. Il peut facilement tirer deux cents cartouches en une seule escarmouche. Pour dix combats en un mois, il consomme deux mille cartouches. Or, dans une année, un moudjahidin se bat trois à quatre mois. Soit, un combattant a besoin d’au moins sept mille cartouches. En d’autres termes, un fusil acheté 165 dollars consomme environ mille dollars par an de munitions.Sur sa lancée, Vickers poursuit :
Pour Gust, ces explications lumineuses ont des conséquences budgétaires importantes. S’il fallait que chacune des 400 000 armes distribuées par la CIA aux Afghans soit efficace, il faudrait débourser, rien que pour les cartouches, près de 400 millions de dollars par an !
— Pour permettre aux Afghans de se battre toute l’année, il n’est pas nécessaire de leur livrer toujours plus d’armes et de munitions. Il vaut mieux envoyer de la nourriture pour leurs familles et des médicaments pour les soigner et des vêtements pour passer l’hiver. Enfin, il ne s’agit pas de leur livrer que des fusils d’assaut, il faut leur envoyer des armes différentes et complémentaires. Par exemple, des fusées sol-sol type orgues de Staline car leur impact psychologique est bien plus grand que leur efficacité militaire.
Les mules et le repos du guerrier
Pour accélérer le transport des armes et des munitions vers les théâtres d’opérations, la CIA achète dans le monde entier des mules qui se rassemblent par milliers à Peshawar. Très vite, la rumeur enfle Langley qu’elles servent aussi au repos du guerrier. Intrigué, Gust demande à ses hommes sur le terrain d’enquêter. Les rapports confirment que les Afghans baisent les mules avec entrain quand ils ne peuvent pas mettre la main sur quelque prisonnier russe encore en état de les assouvir.
L’ordre de Malte à la rescousse
Vaughn Forest, un obscur bureaucrate de Washington, ancien flic de Floride et soldat des Forces spéciales au Viêt-nam, consacrait ses vacances à venir en aide à des réfugiés en Amérique centrale. Ce travail désintéressé attira l’attention d’ordre de Malte qui l’invita à rejoindre ses rangs. Une fois chevalier, il changea d’horizon et mit à profit ses vacances pour s’aventurer en Afghanistan, pourtant territoire interdit aux fonctionnaires américains. Fort de son expérience militaire, il observa avec soin la guerre que menaient les moudjahiddines et rédigea de sa propre initiative un plan pour améliorer leurs performances.
Sur le chemin du retour, il s’arrête à Rome pour visiter le siège de son ordre et il a une longue conversation avec un haut responsable d’où il ressort avec le numéro de téléphone d’un autre chevalier qui, a Washington, pourrait être intéressé par son histoire.
C’est sans hésitation que Vaughn Forest prend contact avec ce frère qui n’est autre que William Casey. Le grand patron de la CIA le reçoit, l’écoute avec attention et le met entre les mains de Gust Avrakotos. De fil en aiguille, le jeune chevalier de Malte arrive dans le bureau de Charlie Wilson où il raconte au député qu’il a déniché un groupe de fêlés au sein de la Tactical Land Warfare Division qui grouillent d’idées toutes aussi bizarres les unes que les autres pour tuer des Russes.
— De quoi ont besoin vos petits génies de la mort subite pour se mettre au boulot ? demande Charlie Wilson.Or Charlie veut gérer ce programme d’armes secrètes en direct, sans que des bureaucrates viennent fourer leur nez dans ses affaires. Grâce à son appui sans faille aux programmes militaires de Reagan, il obtient le soutien de Caspar Weinberger, le secrétaire d’État à la Défense. Ensuite, c’est un jeu d’enfant de dissimuler les dix millions de dollars dans une ligne budgétaire que le plus perspicace des audits serait incapable de dénicher.
— D’un bout de budget, répond Vaughn Forest.
Pour la première fois, les Géo Trouvetou du Pentagone ont la bride sur le cou pour développer tout ce qui leur passe par la tête. Par exemple, à une époque où l’usage du GPS est réservé à un très petit nombre d’applications, les Afghans sont en mesure de faire appel à des satellites américains pour tirer au mortier sur des cibles localisées à quelques centimètres près. Pas mal pour des hommes qui ignorent tout de l’usage de l’électricité et du tout à l’égout. C’est une énorme surprise pour les Soviétiques quand ils découvrent que les moudjahiddines sont capables de raser un avant-poste des Spetsnaz avec une volée bien ajustée d’obus de mortier.
Désormais, ils ne sont plus à l’abri nulle part.
Une autre des productions des givrés du Pentagone est particulièrement astucieuse. Pour frapper des cibles particulièrement protégées, ils imaginèrent une bombe transportée par un drone guidé par une patite caméra de télévision. Bien à l’abri, le moudjahidin pilote son avion à l’aide d’un écran de télévision et de simples manettes. Avec quelques minutes d’entraînement, il est capable de faire entrer le drone par la meurtrière d’un blockhaus ou par la fenêtre du bureau d’un responsable du KGB.
Progressivement, les efforts de la CIA se font sentir sur le terrain. A l’automne 1985, Vickers arrive triomphant avec des photos satellites en main
— ça marche !
Le résultat d'une embuscade afghane.
Il montre du doigt à Gust Avrakotos les carcasses fumantes de 75 blindés soviétiques détruits lors d’une embuscade monstre sur 70 km entre Kabul et Gardez. Or les Américains ne sont pour rien dans cette opération.
— C’est le résultat des armes et de l’entraînement que nous avons fourni aux Afghans. Ils savent désormais se battre tout seuls. Quelle branlée ils ont foutue aux Russes !Sur le champ de bataille de Washington, Charlie Wilson ne restait pas inactif. Fin décembre 1985, Gust recevait un appel du député :
— Gust, ça t’intéresse 300 millions de plus ?En réalité, Charlie a déniché dans le budget du Pentagone une ligne de 300 millions réservée pour un programme que les militaires ont abandonné. Or si cet argent n’est pas dépensé au plus tard le 31 septembre 1985, dernier jour de l’année fiscale, il retourne au Trésor public.
— Pour sûr, j’ai de quoi les employer.
— Si on se démerde bien avant le 31 septembre, ils sont à nous.
Dans un premier temps, les comptables du Pentagone ne veulent pas lâcher leurs millions. Mais quand le député les menace de réduire de plusieurs milliards le budget de l’année suivante, ils deviennent subitement plus coopératifs. L’argent change de compte et Gust s’empresse de signer des bons de commande pour dépenser cette manne jusqu’au dernier sou. Quand sonnent les premiers coups annonçant la nouvelle année budgétaire il ne reste plus un cent des trois cents millions dénichés par Charlie.
Ce n’est facile qu’en apparence. Pendant que les fêlés du Pentagone bricolent leurs engins de mort, que Gust se démène pour acheter des armes dans le monde entier et pour les acheminer à la frontière afghane, quand les Afghans se faisaient trouer la peau, Charlie Wilson est en première ligne au Congrès pour faire en sorte que ses collègues acceptent ce qui n’est à leurs yeux que « la petite guerre de Charlie ». Le Texan passe des heures à s’entretenir avec l’un et avec l’autre, leur racontant comment le Congrès des États-Unis à lui tout seul fout une raclée aux Soviétiques. Il mime les batailles entre les moudjahiddines et les Spetsnaz, imite la voix d’officiers communistes terrorisés, donne des Allah o Akbar dans les couloirs du parlement… Tout est bon pour que ses collègues acceptent de le soutenir. Et ça marche !
Tout le monde s’en mêle
La brutale augmentation du budget de la guerre secrète conduit la CIA à en rendre compte au président dans le cas où les Soviétiques réagiraient de manière brutale. Ce rapport a pour conséquence de mettre toute la Maison blanche au courant et, à l’étonnement de la CIA, les pontes du gouvernement Reagan se découvrent d’ardents soutiens des moudjahiddines. Ce sont ces nouveaux venus qui obtiennent ce que Joanne, Gust et Charlie n’ont jamais réussi à obtenir : que des missiles Stinger soient envoyés en Afghanistan. Il a suffi qu’un conseiller explique au président qu’avec un budget de près d’un milliard de dollars, il est difficile de faire croire aux Soviétiques que les États-Unis n’y sont pour rien. Alors, une arme américaine sur le théâtre d’opérations afghan ne changerait probablement rien au tableau.
Le 26 septembre 1986 à 15 heures, un combattant afghan accompagné par un homme des services secrets pakistanais s’approche du terrain d’aviation de Jalalabad, base des redoutables hélicoptères de combat Hind qui terrorisent les Afghans depuis le début de la guerre. Les moudjahiddines n’ont qu’une chose à faire : attendre qu’une voilure tournante décolle, pointer le missile vers elle, verrouiller le système de visée à infrarouges et actionner le dispositif de mise à feu.
Or ce n’est pas un hélico qui décolle, mais trois. Quand le premier missile abat une des machines, les autres se tournent vers ces deux hommes seuls qui les narguent. Avec leurs fusées, leurs mitrailleuses et leurs missiles, les Russes sont certains de les balayer en moins d’une minute. Mais c’est plus de temps qu’il n’en faut pour tirer deux missiles qui abattent à leur tour les deux machines survivantes. Ce n’est pas une victoire, mais un triomphe pour les Afghans.
La mise en œuvre massive des Stinger en Afghanistan et l’agressivité croissante des moudjahiddines rendent la guerre de plus en plus coûteuse pour les Soviétiques qui n’ont plus d’autre recours que d’évacuer le pays ce qu’ils achèvent de faire en février 1989.
Quand la nouvelle arrive à Langley, le grand stratège de la guerre en Afghanistan, Vickers, n’est plus là pour le savourer. Il a été la victime des guerres bureaucratiques ravageant l’Agence. La victoire en Afghanistan signifie aussi à court terme le départ pour Gust. D’autres que lui vont venir recueillir les lauriers de la victoire. Seul Charlie restera en place le temps de se faire photographier à cheval en Afghanistan avec des moudjahiddines en armes.
A la fin de l’année 2007, Charlie a le plaisir d’assister à la première du film qui le met à l’honneur en compagnie de Joanne. En voyant sa vie à l’écran, il revit cette étonnante aventure humaine où un garçon d’un trou perdu du Texas, acoquiné à un une petite frappe de Pennsylvanie, tous deux sous la houlette d’une nymphomane richissime ont changé le cours de l’histoire.

Et aujourd'hui, que se passe-t-il en Afghanistan ?

Le Guernica de la gauche

Voici un bombardement qui n'intéresse personne.
Le toujours intéressant blog d'El Manifiesto vient de mettre en ligne l'étonnante affaire du bombardement de la ville andalouse de Cabra le 7 novembre 1938, voici soixante-dix ans.
En réalité, dans le contexte des guerres européennes du XXe siècle, il s'agit d'une petite affaire. Trois bombardiers Katiuska SB-2 de fabrication soviétique (ici, quelques photos de matériel livré aux républicains) lâchent une tonne et demie de bombes sur une paisible bourgade campagnarde à l'heure du marché. La malchance fait que ces projectiles tombent sur la foule et provoquent 101 morts et plus de 200 blessés.
L'objet de ce post d'El Manifiesto est de mettre en parallèle l'impact dans l'histoire du bombardement de Guernica et l'oubli total de celui de la ville andalouse alors que le bilan des morts est proche (126 morts contre 101), même si le tonnage déversé sur la cité basque fut considérablement plus élevé (30 tonnes contre 1,5 tonne).
Une des principales différences dans ces deux opérations fut leur exploitation médiatique. Nulle pour Cabra, elle fut en revanche considérable pour la ville basque.
Le cas de Guernica, renforcé par son symbolisme historique pour les Basques, a été transformé en outil de propagande par le gouvernement de Madrid contre ses adversaires. Dans le monde entier, l'Internationale communiste a pris le relais et s'est emparé de l'affaire pour son exploitation dans la guerre médiatique contre l'Allemagne hitlérienne. Un exemple de la réactivité communiste est révélé par le cas du tableau éponyme de Picasso qui fut redésigné du nom de la ville basque pour mieux coller aux besoins de l'agitprop.
L'appareil de propagande a diffusé des chiffres de pertes qui ne correspondent en rien à la réalité (1654 morts et 889 blessés). Pourtant ces chiffres font de la résistance. Dans sommes dans un monde paradoxal où il est tout aussi mal vu de réduire le nombre des victimes de Guernica que de ne pas le faire dans le cas de Dresde.
De nombreuses études espagnoles ont dégonflé la baudruche de la propagande mais il n'en demeure pas moins que Geurnica est pour toujours associé au bombardement dont elle fut la victime en 1937 alors que Cabra n'existe que comme note en bas de page des ouvrages spécialisés.
Pour en savoir plus sur Guernica, il existe un site local fort intéressant : Gernikazarra.
mercredi 5 novembre 2008
Le maréchal Foch à l'honneur

Il est un fait incontestable : le maréchal Foch, grand vainqueur de la Première Guerre mondiale, a été oublié par les Français. Dans l'esprit du public, cette fameuse « mémoire collective », c'est paradoxalement le maréchal Pétain qui occupe la première place.
Raison de plus pour se féliciter de l'organisation du colloque international : Ferdinand Foch « Apprenez à penser ». Pour y assister, il suffit d'imprimer soi-même le carton d'invitation.
Sous le haut patronage du ministère de la Défense et l'Académie Française ; Les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, le collège d'enseignement supérieur de l'armée de Terre (CESAT) et le centre de doctrine et d'emploi des forces (CDEF), soutenus par la Fondation St Cyr, vous présente le prochain colloque international dont le sujet sera : Ferdinand Foch : "Apprenez à penser ".
L'ensemble de la carrière du futur maréchal Foch, du jeune engagé volontaire de la guerre de 1870-1871 au président du Conseil supérieur de la Guerre en 1919, premier commandant en chef interallié et distingué par la maréchal (exemple unique) par trois nations différentes, ouvre bien des pistes de réflexion. Ses écrits, ses actes, sa capacité d'influence, au-delà du monde militaire et de son époque, sont autant d'axes de recherches, à la fois parallèles et entrecroisées.
Théoricien de la chose militaire, remarqué dès 1903 (Des principes de la guerre) pour son esprit d'analyse et la concision de l'expression de sa pensée : quelles sont ses références historiques, quelle est la part des guerres récentes (Sécession, Russo-Turque, Boers, etc.), comment se traduit-elle quand il commande l'Ecole supérieure de Guerre, suscite-t-il un intérêt particulier auprès des autres armées ?
Commandant du célèbre 20e corps d'armée au début de la Grande Guerre, il est commandant en chef interallié en 1918, après avoir exercé des responsabilités diverses (une Armée sur la Marne, un Groupe d'armées en Flandres, Artois et sur la Somme), conseiller du gouvernement, délégué auprès du haut commandement italien après le désastre de Caporetto, etc.). Comment les enseignements qu'il tire au fur et à mesure de expériences contribuent-ils à faire évoluer sa pensée initiale ? Comment intègre-t-il dans son raisonnement les nouvelles formes prises par la guerre ? Quels sont ses rapports avec ses pairs, avec les parlementaires et ministres, avec le monde culturel, avec les Alliés -militaires, diplomates, gouvernants- ? Comment est-il perçu par le haut commandement allemand ?
Dans l'Europe martyre de l'armistice, de l'hiver 1918-1919 à la fin de l'année 1920, face aux anciens ennemis vaincus, aux nouvelles nations qui émergent, aux bouleversements révolutionnaires, au nouvel environnement économique et financier, quelle est la part d'influence personnelle du maréchal Foch ?
La « maison Foch », de Weygand à de Lattre, tient une place éminente dans les armées françaises, entre les héritiers de Joffre et les fidèles de Pétain. Au fil des apports novateurs successifs, que reste-t-il en 1939, en 1945, de la pensée initiale ? Exerce-t-il une influence significative (et si oui, dans quelle mesure et jusqu'à quand) dans l'organisation, l'instruction ou l'entraînement d'autres armées dans anciens belligérants ?
Après la « révolution militaire » du dernier quart du XXe siècle, les enseignements de Foch conservent-ils une certaine modernité ? Si oui, lesquels ?
Les communications prononcées à partir de ces questions, qui contribuent toutes à une mise en perspective de problématiques très actuelles (relations entre Alliés, avec ses pairs comme avec les autorités politiques, prise en compte des évolutions technologiques, formation des cadres, cohérence entre la pensée et l'action, etc.), traitées de façon croisée par des officiers et des universitaires, français et étrangers, pourront utilement alimenter la réflexion des cadres militaires et civils.
Signalons que Rémy Porte, l'organisateur de ce colloque, vient de publier un outil indispensable à tous les passionnés de la Grande Guerre. Cet historien militaire est un des meilleurs de l'Armée française, il s'intéresse notamment à la mission militaire française au Proche-Orient durant la Première Guerre mondiale, dont le rôle a été occulté par le saltimbanque déguisé en bédouin Lawrence.
Voici la présentation de l'éditeur :

Dictionnaire de la Grande Guerre 1914-1918
François Cochet et Rémy Porte
Bouquins, 1184 pages, 31 €, ISBN : 978-2-221-10722-5
Outil indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire européenne du xxe siècle, ce Dictionnaire inédit apporte un éclairage nouveau et exhaustif sur ce long conflit qui fit entrer l'Europe dans un cycle de tragiques métamorphoses.
La guerre de 1914 a commencé par ressembler à toutes les guerres que les hommes avaient plus ou moins l’habitude de faire et surtout de subir. Ce fut la " dernière guerre aux mesures humaines, écrivait Dorgelès, le courage valait une arme, les combattants se sont affrontés poitrine contre poitrine ". Mais c’est aussi la première guerre où s’est révélée l’horreur du siècle à venir. " Je sentais l’Homme mourir en moi, écrira Drieu La Rochelle. La guerre n’est plus la guerre. " Ce Dictionnaire apporte un éclairage nouveau et exhaustif sur ce long conflit qui fit entrer l’Europe dans un cycle de tragiques métamorphoses. Quatre années interminables qui s’achèvent le 11 novembre 1918, quand les bugles sonnent enfin le cessez-le-feu et que les Poilus sortent des tranchées sans plus pouvoir parler. Sont présents dans cet ouvrage les hommes, anonymes ou glorieux, les batailles, les territoires et les nombreux théâtres d’opérations, mais aussi les armements, les matériels et les conditions de vie, les notions d’engagement et de contrainte, d’insoumission, de fraternisation, de patriotisme. L’on y croise des généraux, des Poilus, des gueules cassées, des écrivains et des poètes – dont un grand nombre morts au champ d’honneur, comme Alain-Fournier, Péguy ou Psichari –, mais aussi des journalistes, des hommes politiques, des industriels, des scientifiques. La diversité des auteurs, la qualité de leur réflexion, leur longue fréquentation des archives, tout concourt à faire de ce Dictionnaire de la Grande Guerre un outil indispensable pour ceux qui s’intéressent à l’histoire européenne du xxe siècle. Quelques mois après la mort du dernier Poilu, alors que ces événements s’effacent lentement de notre mémoire collective, voici un ouvrage, unique en son genre, pour ne pas oublier.
François Cochet est agrégé, docteur en histoire, professeur des universités en histoire contemporaine, spécialiste de l’expérience combattante. Le lieutenant-colonel Rémy Porte est docteur en histoire, ancien directeur de la recherche et de la prospective au Service historique de la Défense-département Terre, affecté à l’École supérieure des officiers de réserve spécialistes d’état-major. Ils ont dirigé la rédaction de ce volume, qui a mobilisé les meilleurs chercheurs aussi bien en France qu’à l’étranger.
Libellés :
Ferdinand Foch,
Grande Guerre,
Philippe Pétain
Barack Obama, la déception au coin de la rue
Ce matin, en écoutant la radio à 5 h, j'ai appris le triomphe du sénateur démocrate Barack Hussein Obama quand CNN l'a proclamé vainqueur.
L'explosion de joie qui s'en est suivie à Chicago parmi les soutiens du candidat est compréhensible, tout comme la déception manifestée par les républicains partisans du sénateur John McCain dont j'ai écouté en direct sur la BBC l'allocution par laquelle il reconnaissait sa défaite. Un superbe discours.
Les quatre années qui viennent appartiennent au nouvel élu de l'Amérique. Les critiques sur son manque d'expérience sont de mauvaise foi car ce dont a besoin un président c'est de caractère et de savoir s'entourer de conseillers plus intelligents que lui.
Barack Obama a démontré un réel talent pour choisir un entourage compétent (notamment ses stratèges électoraux) et il peut compter sur le soutien d'une presse majoritairement acquise à sa cause. Il dispose donc de deux atouts considérables pour mener à bien son mandat et appliquer sa politique, d'autant plus qu'il dispose d'un Congrès majoritairement démocrate.
Les électeurs ayant choisi Obama ont placé leurs espoirs très haut. Prenons le cas de cette femme interrogée dans une réunion électorale qui avoue très simplement que le futur président va l'aider à boucler ses fins de mois en l'aidant à payer son loyer et le plein de sa voiture.
Évidemment, cet exemple est caricatural mais révélateur de l'état d'esprit des électeurs de son cœur de cible, que les spécialistes appellent d'un terme codé, les « unsophisticated voters ». je laisse à mes visiteurs le soin de le traduire eux-mêmes.
Pour ce qui est de la politique intérieure, ce nouveau messie va vite découvrir les limites de son pouvoir. Et la déception risque d'être vive quand après son entrée en fonctions en janvier prochain, les matins ne chanteront pas plus que sous George W. Bush.
Mais, ce sont probablement les thuriféraires du nouvel élu à l'étranger, et notamment en Europe, qui risquent d'être les plus déçus. Barack Obama ne peut changer du jour au lendemain une politique étrangère qui répond aux intérêts à long terme de l'Amérique. Les changements, s'il y en a, risquent de se situer davantage dans le domaine du symbolique que du réel.
L'explosion de joie qui s'en est suivie à Chicago parmi les soutiens du candidat est compréhensible, tout comme la déception manifestée par les républicains partisans du sénateur John McCain dont j'ai écouté en direct sur la BBC l'allocution par laquelle il reconnaissait sa défaite. Un superbe discours.
Les quatre années qui viennent appartiennent au nouvel élu de l'Amérique. Les critiques sur son manque d'expérience sont de mauvaise foi car ce dont a besoin un président c'est de caractère et de savoir s'entourer de conseillers plus intelligents que lui.
Barack Obama a démontré un réel talent pour choisir un entourage compétent (notamment ses stratèges électoraux) et il peut compter sur le soutien d'une presse majoritairement acquise à sa cause. Il dispose donc de deux atouts considérables pour mener à bien son mandat et appliquer sa politique, d'autant plus qu'il dispose d'un Congrès majoritairement démocrate.
Les électeurs ayant choisi Obama ont placé leurs espoirs très haut. Prenons le cas de cette femme interrogée dans une réunion électorale qui avoue très simplement que le futur président va l'aider à boucler ses fins de mois en l'aidant à payer son loyer et le plein de sa voiture.
Évidemment, cet exemple est caricatural mais révélateur de l'état d'esprit des électeurs de son cœur de cible, que les spécialistes appellent d'un terme codé, les « unsophisticated voters ». je laisse à mes visiteurs le soin de le traduire eux-mêmes.
Pour ce qui est de la politique intérieure, ce nouveau messie va vite découvrir les limites de son pouvoir. Et la déception risque d'être vive quand après son entrée en fonctions en janvier prochain, les matins ne chanteront pas plus que sous George W. Bush.
Mais, ce sont probablement les thuriféraires du nouvel élu à l'étranger, et notamment en Europe, qui risquent d'être les plus déçus. Barack Obama ne peut changer du jour au lendemain une politique étrangère qui répond aux intérêts à long terme de l'Amérique. Les changements, s'il y en a, risquent de se situer davantage dans le domaine du symbolique que du réel.
mardi 4 novembre 2008
Le Paris de Bonaparte en BD
Double Masque
Les deux sauterelles
Martin Jamar & Jean Dufaux
Dargaud, 52 pages, 11,50 euros
Il faut oublier une bonne partie de ce que l'on sait de ce Paris qui voir naître Napoléon pour se laisser prendre par les intrigues tissées par Jean Dufaux au service de la plume du dessinateur Martin Jamar.
Dans ce quatrième volume, un petit voleur sert les intérêts du futur empereur Napoléon et se retrouve pris dans les mailles d'une intrigue policière bien construite.
Le dessinateur a fait un réel effort pour reconstituer le Paris de cette époque et ses erreurs ne gâtent pas le plaisir de la lecture. Pour jeunes adultes et adolescents.

Dans ce panorama de la place de Grève à Paris dessiné par Martin Jamar, une scène d'exécution capitale. L'artiste a bien choisi l'emplacement de l'échafaud, à l'extrémité du quai, mais il situe la foule à l'endroit où, semble-t-il à cette époque existe encore la grève, la descente en pente douce de la place vers la Seine, à cet endroit un des points les plus actifs de chargement et de déchargement des bateaux qui ravitaillent la ville. Il est difficile d'imaginer une exécution capitale avec aussi peu de forces de l'ordre présentes et avec un échafaud si exigu. Le dessinateur se trompe sur de nombreux petits détails secondaires mais le panier destiné à recevoir le corps des victimes doit se trouver en toute logique aux côtés de la machine et non pas au sol. En revanche, le représentation des maisons à la droite de l'hôtel de ville est parfaitement exacte.
Largo Caballero est-il mort ?
Le saltimbanque de la justice espagnole, l'inénarrable juge Garzon, a voulu relancer sa popularité auprès de la gauche espagnole et européenne en ouvrant une enquête sur les « crimes du franquisme ». La loi d'amnistie de 1977 ne l'a pas ralenti dans son élan car il considère qu'il s'agit de crimes contre l'humanité, imprescriptibles.
Cette fois, le gouvernement de Zapatero a renoncé devant l'obstacle et contre toute attente, le procureur général a contesté le bien fondé de la démarche du juge et, pour ceux qui savent lire entre les lignes, a même mis cause l'équilibre mental du magistrat. Le juge en est arrivé à demander une confirmation officielle du décès de ancien chef de l'Etat ! Pas étonnant qu'apparaisse dans l'usage de la langue espagnole un nouveau mot : « garzonada » désignant un « comportement exhibitioniste, disporportionné et inconsistant ».

L'astuce mise en avant par le juge pour enquêter sur les morts attribuées au régime nationaliste est que ces victimes demurent disparues alors que les victimes des républicains sont connues et leurs assassins ont été pour la plupart identifiés, jugés, condamnés et exécutés.
L'éditeur espagnol Javier Portella s'indigne de cette démarche partisane et publie sur le site d'El Manifiesto une vigoureuse réplique au magistrat.
La politique des deux poids, deux mesures de Garzon révolte cet éditeur ancien militant communiste et homme qui a consacré les années de sa jeunesse à combattre le franquisme en payant de sa personne.
Il s'interroge : pourquoi ne pas ouvrir une information judiciaire sur deux des affaires les plus emblématiques des crimes de la République ? L'assassinat de José Antonio Primo de Rivera et la massacre de Paracuellos del Jarama ? Pour la première on pourrait inculper Largo Caballero et pour la seconde Santiago Carrillo.
Prenant au mot javier Portella, un cityoyen ordinaire a déposé plainte pour ces deux affaires devant un juge d'Alicante, en reprenant exacement les attendus utilisés par Garzon.
Il va sans dire que cette double plainte ne risque pas de connaître le même sort que l'enquête ouverte par Garzon.
¿Se empeñan en desenterrar el hacha enterrada por todos (eso parecía) en la Transición? ¿Pretende el juez Garzón procesar, entre otros, a Francisco Franco Bahamonde? Pues bien –se ha dicho un particular afincado en Madrid y que permanece en el anonimato–, que no se quede ahí la cosa. Existen, entre miles de otros crímenes, los dos hechos más emblemáticos sucedidos en el bando nacional: el genocidio de Paracuellos de Jarama y el asesinato de José Antonio Primo de Rivera. ¿Por qué no presentar, pues, una querella contra dirigentes republicanos como el dirigente del PSOE Francisco Largo Caballero y el de las Juventudes Comunistas, el todavía vivo Santiago Carrillo?
Dicho y hecho. A Alicante se fue el hombre y en el Juzgado de Guardia presentó querella criminal pidiendo que “se procese por el homicidio de don José Antonio Primo de Rivera, acontecido el 20 de noviembre de 1936 en la cárcel de esta ciudad, a don Francisco Largo Caballero, en aquel entonces presidente del gobierno de la República, y fallecido en París (Francia) el 23 de marzo de 1946”.
Por su parte, la querella contra Santiago Carrillo se basa en las responsabilidades –probadas por la documentación de los propios archivos soviéticos– que el líder comunista –consejero de Orden Público de la Junta de Defensa de Madrid– asumió en la matanza de más de cinco mil personas, entre ellas muchachos de doce y trece años de edad, efectuada en Paracuellos de Jarama en el mismo mes de noviembre de 1936.
El querellante atribuye a tales hechos el carácter de crimen contra la humanidad; el mismo en el que se basa el dichoso juez Garzón para procesar a los dirigentes del bando nacional. Pero como hay dos pesos y dos medidas en la justicia española, son ínfimas las posibilidades de que prospere tal querella.
*
Ojalá no prosperara ni ésta ni la otra. Ojalá se cerraran de una vez por todas todos los procesos, todas las fosas, todas las tumbas. Ojalá tuvieran los nuevos, los desventurados rojos de hoy la decencia de dejar en paz a sus muertos —y a los nuestros (aunque éstos, uno lo comprende…, prefieren ni mentarlos).
Pero no, les resulta imposible. Durante tres años lo tuvieron todo (no ellos personalmente, pero les da igual). A sangre y fuego emprendieron la revolución (valga la redundancia). A mansalva mataron, no sólo a los nuestros, a los suyos también… Pero lo perdieron todo, tuvieron que abandonarlo todo.
Y no logran superar el trauma. Como el ave carroñera que ha olido de cerca el delicioso olor de su presa, como el lobo que ha sorbido ya las primeras gotas de sangre de la suya, no logran hacerse a la idea de haber tenido que abandonar un día —allá penas si hace setenta años— tan apetitoso manjar.
O esto, o están, sin más trámite y literalmente, locos de remate.
Libellés :
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Garzonada,
Javier Portella,
Pertur
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